1- Revue de la littérature théorique
Sur le plan théorique, après les insuffisances des modèles classiques (exogènes) à expliquer la croissance stable à l‟équilibre, des auteurs comme Lucas (1988), Romer (1986), McKinnon et Shaw (1973), Barro (1989), Roubini et Sala-I-Martin (1995) ont développé des modèles de croissance endogène(2). Ces auteurs ont tenté de comprendre la croissance, en étudiant les facteurs « proxys » de la croissance. Aussitôt, la croissance du revenu correspond à l‟accumulation du capital physique, l‟accumulation du capital humain et la croissance de la productivité.
Cependant, l‟accumulation du capital et la croissance de la productivité étant endogènes, ces modèles ne permettent pas d‟analyser structurellement la croissance, car les relations de causalité sont incertaines et des relations de causalité inverse sont possibles. Ces modèles n‟expliquent pas non plus pourquoi certaines sociétés parviennent à accumuler et à innover plus vite que d‟autres.
La Nouvelle Economie Institutionnelle (NEI) montre que des institutions efficaces peuvent faire la différence dans le succès des réformes du marché et affirme même que les institutions constituent un des facteurs déterminants de la croissance économique de long terme. North (1990) définit les institutions comme « les règles du jeu » qui façonnent les comportements humains dans une société. Les institutions ont un rôle très important dans la société car elles déterminent la structure fondamentale des échanges humains, qu‟elles soient politiques, sociales ou économiques(3).
Les économistes se sont donc rapidement tournés vers des variables profondes, en particulier les variables institutionnelles pour tenter de justifier les écarts de production entre pays inexpliqués par les seules variables économiques. Plusieurs auteurs ont mis en avant des facteurs politiques et institutionnels dans le cadre du renouvellement des modèles de croissance économique.
Ono et Shibata (2001) ont montré que les dépenses tirées par la puissance publique malgré l‟environnement néfaste à la bonne gouvernance déterminent une augmentation appuyée du PIB et une accumulation graduelle du capital. Cette réflexion a incité les économistes à se tourner vers les variables institutionnelles pour tenter de trouver une justification aux écarts de production entre pays inexpliqués par les seules données économiques. Plusieurs facteurs politiques et institutionnels ont alors été mis en avant : la démocratie chez Barro (1996), le respect des droits de propriété chez Clague, Keefer et Olson (1996), l‟instabilité politique chez Alesina et Perotti (1994). Rodrik (1999) soutient l‟idée selon laquelle une bonne gouvernance serait une condition nécessaire pour le succès des économies de marché. Hall et Jones (1999) montrent que les différences observées dans l‟intensité du capital physique ainsi que dans le niveau d‟éducation réalisé, expliquent uniquement une petite fraction dans les différences constatées des niveaux d‟output par travailleur à travers les pays. Ils montrent alors que ce sont les différences dans l‟infrastructure sociale (institutions et politique gouvernementale) à travers les nations qui expliquent les différences constatées dans l‟accumulation du capital, le niveau d‟éducation réalisé et la productivité, lesquelles expliquent la disparité dans le niveau de revenu et de développement des pays.
Nombreux sont les auteurs qui soutiennent l‟idée selon laquelle des institutions efficaces seraient une condition nécessaire pour le succès des économies de marché. Citons à titre d‟exemples : North (1990, 1995), Kaufmann, Kraay et Mastruzzi (2004), Clague, Keeferet et Olson (1995), Alesina et Perotti (1996). Les institutions efficaces peuvent contribuer à l‟amélioration des résultats économiques et à la réussite des réformes.
Certains auteurs néolibéraux comme Acemoglu, Johnson et Robinson (2004), Rodrik, Subramanian et Trebbi (2002)(4) sont même allés plus loin en affirmant que la qualité des institutions est vitale non seulement pour la relance de croissance, mais surtout pour la croissance. Elle est le seul facteur déterminant le niveau de développement économique.
2- Revue de la littérature empirique
Sur le plan empirique, plusieurs littératures suggèrent que la bonne qualité institutionnelle est vitale pour la croissance économique.
En effet, Ces littératures se manifestent sous forme d‟études en coupe transversale associant plusieurs pays. Le revenu national, le PIB par tête ou encore le taux de croissance est régressé sur plusieurs indicateurs institutionnels : des indicateurs étroits tels que les libertés civiles, les règles de lois, les droits de propriété, la stabilité politique, et des indicateurs globaux de la gouvernance. D‟autres variables sont utilisées dans ces régressions, mais qui ne sont pas liées à la qualité des institutions comme des variables géographiques et historiques.
Nombreux travaux économétriques sont développés par des auteurs comme Scully (1988), Grier et Tullock (1989), Barro (1996), Helliwell (1994) et Isham, Kaufman et Pritchett (1997) montrent l‟existence d‟une relation positive entre l‟indicateur des libertés civiles comme mesure du cadre institutionnel et la croissance économique pour la majorité des pays pris dans leur échantillon(5). De même, en retenant un indicateur des règles et des lois, Kaufmann, Kraay et Mastruzzi (2004) confirment que la bonne gouvernance exerce un effet positif sur la croissance. Un résultat identique est obtenu par Acemoglu, Johnson et Robinson (2004). Ces auteurs ont montré que l‟écart de croissance entre les pays riches et les pays pauvres est dû en grande partie à la différence dans la garantie des droits de propriété dans ces pays. En référant à la même étude de Knack et Keefer (1995), et Borsworth et Collins (1996)(6) sur les performances économiques au niveau de la région de l‟Est-asiatique, noud pouvons utiliser la différence en termes de revenu initial, ainsi que l‟écart en terme d‟éducation initiale (l‟éducation a un effet positif sur la croissance).
Rodrik (1999) soutient l‟idée selon laquelle une bonne gouvernance serait une condition nécessaire pour améliorer les résultats économiques. Hall et Jones (1999) montrent, à partir d‟un large échantillon de 133 pays, que les différences observées dans l‟intensité du capital physique ainsi que dans le niveau d‟éducation réalisé(7), expliquent uniquement une petite fraction dans les différences constatées des niveaux d‟output par travailleur à travers les pays.
Ils montrent alors que ce sont les différences dans l‟infrastructure sociale (institutions et politique gouvernementale) à travers les nations qui expliquent les différences constatées dans l‟accumulation du capital, le niveau d‟éducation réalisé et la productivité, lesquelles expliquent la disparité dans le niveau de revenu et de développement des pays.
De son côté, Amable (2005) fait le lien entre les institutions et le reste des activités économiques. Il trouve que les résultats économiques dépendent des configurations institutionnelles et les institutions nationales, en plus des éléments strictement technologiques, déterminant par exemple l‟accumulation du capital physique, l‟investissement dans la recherche et développement et le type de formation.
En retenant l‟instabilité et les violences politiques comme variable explicative de la croissance, Barro (1991) et Londregan et Poole (1992) développent un modèle économétrique robuste confirmant une corrélation positive entre ces deux variables. L‟instabilité et les violences politiques engendrent un faible niveau de croissance. Un résultat similaire a été obtenu par Alesina et Perotti (1996), mais en retenant comme variable dépendante, non pas la croissance, mais l‟investissement. Certains auteurs ont testé la relation entre la croissance et la qualité des institutions mesurée par des indices. C‟est le cas d‟Easterly et Levine (2002) qui ont employé l‟indice global de gouvernance de Kaufmann pour montrer que la gouvernance affecte positivement et significativement la croissance(8). De même, après avoir construit deux indices mesurant la sécurité des contrats et les droits de propriété, Knack et Keefer (1995) arrivent à la conclusion que ces deux indicateurs sont positivement corrélés à la croissance. Enfin, Mauro (1995) a retenu les trois indices des institutions construits par le Business International (BI) : l‟indice de la corruption, l‟indice de la qualité bureaucratique et l‟indice de la stabilité politique. Les tests économétriques effectués confirment l‟effet positif et statistiquement significatif de ces indicateurs sur la croissance économique(9).
2 Alexis Direr (2003): « CROISSANCE ET CYCLES »
3 Cyril HEDOIN (2005) : « Les théories institutionnalistes du comportement économique de T. Veblen et J.R. Commons : éléments et fondements d’une approche réaliste et évolutionniste en économie ».
4 Acemoglu, Johnson et Robinson (2004), Rodrik, Subramanian et Trebbi (2002) :”Governance and Private Investment in the Middle East and North Africa”
5 Source : Knack et Keefer (1995), et Borsworth et Collins (1996). Ainsi, une note de 1 se rapporte à des institutions pleinement inefficaces, une note de 10 se rapporte à des institutions pleinement efficaces.
6 Brahim EL MORCHID (2010) : « La qualité des institutions constitue-t-elle une barrière à la relance économique ? Application à un échantillon de pays africains »
7 Robert E. Hall and Charles I. Jones (1999), “Why Do Some Countries Produce So Much More Output per Worker than Others?,” Quarterly Journal of Economics, 83-116.
8 Silvio Borner, Frank Bodmer et Markus Kobler(2004):” L’efficience Institutionnelle et ses déterminants »
9 Ouided Chatti (2010) : « Gouvernance et croissance économique »
Page suivante : III- Choix des variables et Méthodologie d’estimation