1- Revue de la littérature théorique
La théorie de la croissance endogène essaie de comprendre la croissance, en étudiant les facteurs « proxys » de la croissance.
Le revenu par tête dépendant de capital humain) et de la manière dont sont utilisées ces ressources (productivité), la croissance du revenu correspondant ainsi à l’accumulation du capital humain, mais l’accumulation de capital étant endogène, cette équation de la croissance ne permet pas d’analyser structurellement la croissance, car les relations de causalité sont incertaines et des relations de causalité inverse possibles.
La stabilisation macroéconomique et la « bonne gouvernance » présentent comme impératif universel des politiques de développement depuis les années 1990.
La question du sens de la relation entre gouvernance et niveau de revenu via le capital humain a fait l’objet d’une abondante littérature ?
La Nouvelle Economie Institutionnelle (NEI) montre que des institutions efficaces peuvent faire la différence dans le succès des réformes du marché et affirme même que les institutions constituent un des facteurs déterminants de la croissance économique de long terme. North (1990) définit les institutions comme « les règles du jeu » qui façonnent les comportements humains dans une société. Les institutions ont un rôle très important dans la société car elles déterminent la structure fondamentale des échanges humains, qu’elles soient politiques, sociales ou économiques.
Ono et Shibata (2001) ont montré que les dépenses tirées par la puissance publique malgré l’environnement néfaste à la bonne gouvernance déterminent une augmentation appuyée du PIB et une accumulation graduelle du capital. Cette réflexion a incité les économistes à se tourner vers les variables institutionnelles pour tenter de trouver une justification aux écarts de production entre pays inexpliqués par les seules données économiques. Plusieurs facteurs politiques et institutionnels ont alors été mis en avant : la démocratie chez Barro (1996), le respect des droits de propriété chez Clague, Keefer et Olson (1996), l’instabilité politique chez Alesina et Perotti (1994). Rodrik (1999) soutient l’idée selon laquelle une bonne gouvernance serait une condition nécessaire pour le succès des économies de marché. Hall et Jones (1999) montrent que les différences observées dans l’intensité du capital physique ainsi que dans le niveau d’éducation réalisé, expliquent uniquement une petite fraction dans les différences constatées des niveaux d’output par travailleur à travers les pays.
2- Revue de la littérature empirique
Sur le plan empirique, plusieurs littératures suggèrent que la bonne gouvernance est vitale pour la croissance économique.
En effet, Ces littératures se manifestent sous forme d’études en coupe transversale associant plusieurs pays.
Il est reconnu que l’accumulation du capital et les changements technologiques ne sont pas les seuls facteurs qui expliquent les écarts du niveau de développement entre les pays. La littérature récente sur la croissance insiste bien sur le rôle du développement financier et des institutions, séparément, en tant que déterminants fondamentaux de la croissance économique.
North (1990) définit les institutions en tant que les contraintes qui déterminent les échanges humains qu’ils soient sociaux, politiques ou économiques. Elles sont formées de règles de jeu formelles (constitutions, lois, droits de propriété) et informelles (coutumes, traditions, capital social et règles de conduites). Les institutions ont été conçues afin d’établir l’ordre et réduire l’incertitude dans l’échange. Elles peuvent être considérées comme des technologies de sociétés dans le fonctionnement des activités économiques productives (Nelson et Sampat (2001)).
De nombreuses études récentes ont insisté sur l’importance de la qualité institutionnelle pour la performance économique3. Rodrik et al (2004) trouvent que la qualité institutionnelle prime sur la géographie et le commerce international dans l’explication des écarts de revenus entre les pays riches et pauvres. Hall et Jones (1999), montrent que les écarts entre les pays dans le développement institutionnel et les politiques adoptées par les gouvernements pourraient être un déterminant fondamental des écarts dans la productivité et l’accumulation du capital. Par ailleurs et dans une analyse en coupe transversale, Knack et Keefer (1995) trouvent une relation positive entre les différents indicateurs de la qualité institutionnelle (la bureaucratie, les droits de propriété, la stabilité politique) et la performance économique. S’intéressant au contrôle de la corruption, Mauro (1995) montre que les pays dont leur indice de corruption est très élevé tendent à avoir un niveau de croissance très faible. De même et dans une analyse instructive, Pistor et al (1998) mettent en relief le rôle du droit et des systèmes juridiques dans le développement économique en Asie.
S’agissant de la relation entre le secteur financier et le niveau de développement institutionnel et leur effets sur la croissance, peu d’études ont se sont intéressées à explorer ce lien. Demetriades et Law (2006).
Après avoir déterminé que le sens de la causalité allait des institutions vers le niveau de revenu (« Governance Matters » – Kaufmann et alii, 1999), Kaufmann et Kraay (2002), dans un document intitulé « Growth without Governance », concluent que la relation n’est pas circulaire : si une meilleure gouvernance tend à promouvoir la croissance économique, la croissance, elle, n’améliore pas nécessairement la gouvernance. Ils arrivent à ce résultat au prix de deux hypothèses fortes :
* la dispersion actuelle des niveaux de PIB par tête exprime les différentiels de croissance à long terme entre les pays
* la gouvernance évolue très lentement, au point que la dispersion actuelle de ses mesures selon les pays exprimerait surtout les écarts de gouvernance entre les pays avant que la croissance ne les différencie. Autrement dit, ce serait l’état de la gouvernance d’il y a (au moins) 40 ans qui déterminerait le niveau de revenu aujourd’hui.
Arndt et Oman (2006)(5) réexaminent les travaux de Kaufmann et débouchent sur une conclusion de causalité circulaire entre niveau de revenu et gouvernance, donc sans qu’il soit possible de déterminer un sens unique de la relation valable en tous temps et pour tous les pays.
Nous inspirant des travaux de Khan (2006), nous effectuons une partition des 85 pays de la base en trois groupes : les pays développés (tels que définis par la Banque mondiale) ; les pays en développement et en transition convergents (qui ont un taux de croissance supérieur à la moyenne des pays développés), et les pays en développement et en transition divergents (qui ont un taux de croissance inférieur à la moyenne des pays développés)(6).
5 Nicolas MEISEL * et Jacques OULD AOUDIA(2007) : La « Bonne Gouvernance » est-elle une Bonne Stratégie de Développement ?
6 Opcit ;
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