La seule cause d’exonération que le médecin et/ou la clinique peuvent invoquer est la cause étrangère. Mais cette dernière devra présenter les caractères de la force majeure, (A) ce qui rend sa preuve très difficile à rapporter (B).
A) Un évènement présentant les caractères de la force majeure
La force majeure est l’évènement imprévisible et irrésistible empêchant le débiteur d’exécuter ses obligations. La définition classique de la force majeure exige que l’évènement présente trois caractères cumulatifs :
– L’extériorité : l’évènement invoqué doit être extérieur au débiteur de l’obligation,
– L’imprévisibilité : l’évènement invoqué doit être soudain,
– L’irrésistibilité : l’évènement invoqué doit totalement empêcher le débiteur de s’exécuter.
Ces trois critères ont été exigés en jurisprudence jusqu’à l’apparition d’un désaccord entre les différentes chambres de la Cour de cassation.
Ainsi, la première chambre civile, puis la chambre commerciale ont progressivement orienté leurs arrêts vers la prise en compte du seul critère d’irrésistibilité. Depuis un arrêt du 9 mars 1994(17), la jurisprudence de la Première chambre civile de la Cour de cassation considérait que :
« si l’irrésistibilité de l’évènement est, à elle seule, constitutive de force majeure, lorsque sa révision ne saurait permettre d’en empêcher les effets, encore faut-il que le débiteur ait pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de l’évènement ».
Cette vision a été confirmée notamment par l’arrêt rendu par la Première Chambre civile le 6 novembre 2002(18) : « la seule irrésistibilité de l’événement caractérise la force majeure ».
A l’inverse, la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation, intervenant en matière délictuelle, a maintenu le respect des critères classiques de la force majeure.
En matière d’infections nosocomiales, la Première Chambre civile de la Cour de cassation est appelée à statuer ce qui instaura un doute quant à l’appréciation de la cause étrangère. Mais cette incertitude a été supprimée par l’intervention de l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation avec deux décisions en date du 14 avril 2006 revenant à une conception traditionnelle de la force majeure ; qui sera développée au sein du Chapitre 2, section 1, II.
L’exonération par la preuve de la cause étrangère reste une voie rarement fructueuse pour le médecin (B).
B) La preuve de la cause étrangère : une difficulté pour le médecin
En matière d’infections nosocomiales, la preuve de la cause étrangère est très difficile à rapporter. Les juges ne retiennent que très rarement ce moyen d’exonération car il est rare que l’évènement invoqué présente les trois critères précédemment énoncés.
Il ressort de cette difficulté qu’en présence d’une infection dont le caractère nosocomial a été prouvé par la victime dont l’origine est née durant la réalisation de l’acte de soin en cause, le praticien a très peu de moyen d’échapper à la mise en oeuvre de sa responsabilité. Seul un rapport d’expertise pourra venir en aide au professionnel afin de s’exonérer.
17 Civ. 1re, 9 mars 1994, Bull. civ. I, n°91, RTD civ. 1994, 871, obs. P. Jourdain
18 Civ. 1er, 6 nov. 2002, Bull. civ. I, n°258, RTD civ. 2003. 301