Institut numerique

II.3. Les autres produits les moins utilisés : le Salam, l’Istisna, la Joala, les Soukouk ou obligations islamiques

II.3.1. Le Salam

C’est une vente avec livraison différée. Plusieurs définitions sont données par les foukaha (savants islamiques).

Mais selon le savant hanafite Ibn al Hamman : « Le Salam est l’acquittement immédiat d’un achat à terme. Le terme concerne la marchandise (absente) vendue contre paiement au comptant de son prix »(40).

Figure 5 : Contrat de Salam

Source : Sharia-finance.lu

L’acheteur paie comptant le prix négocié à l’initiation du contrat. Le vendeur livre le bien à terme. Cependant, le vendeur signe une promesse de livraison à l’acheteur en précisant les modalités de la vente (nature de marchandises, quantités, prix, délais et modalités de livraison ou de vente.

L’avantage du Salam s’explique par le fait que les pourvoyeurs de fonds peuvent se prémunir contre le risque d’inflation et s’assurer un approvisionnement en temps opportun. (IIFR, 1996. p.155). Le Salam peut être comparé à un contrat forward qui donne le droit d’acheter un bien à un prix et une date convenue dans le futur. Cependant, selon Karim (2008. p. 34), il existe deux différences fondamentales entre un Salam et un forward : premièrement, à échéance le sous-jacent n’est pas livré dans le cadre d’un Salam. Deuxièmement, lors d’un forward le sous-jacent est payé à la maturité, ce qui n’est pas le cas du Salam où le paiement est comptant.

II.3.2. L’Istisna

L’Istisna se définit comme étant un arrangement entre deux parties, demandeur et un fabricant, où le premier s’engage à acquérir auprès du second un produit déterminé. (IIRF, 1996. p.160). Par exemple l’arrangement de certains établissements scolaires et éducatifs de s’approvisionner auprès de fabricants de mobiliers scolaires et de matériels didactiques. Le paiement peut se faire au comptant, échelonné ou à terme.

Figure 6 : Contrat d’Istisna

Source : Sharia-finance.lu

Il se différencie du Salam par la non exigence du paiement intégral du prix au moment de la signature du contrat et la non exigence de la fixation de l’échéance du contrat. Donc l’Istisna est moins contraignant que le Salam (voir Annexe 2 : Comparaison entre Istisna et Salam).

Selon sa nature juridique, certains savants (les Hanafites en particulier) le considèrent comme assimilable aux contrats de vente, d’autres y voient une simple promesse de vente.

C’est une technique moins utilisée par les banques islamiques vu son caractère productif et non commercial.

En effet les banques islamiques investissent davantage sur les opérations de Mourabaha (de type commercial) que dans des opérations de production (BID, IIRF, 1996, p.161).

C’est un contrat proche des forward si le paiement s’exécute à terme. Il peut être proche aussi d’un prêt pour fond de roulement si le paiement cash sert à acheter le matériel nécessaire pour la fabrication du bien (KARIM, 2008).

II.3.3. La Joala

La Joala est un arrangement en vertu duquel une personne s’engage à récompenser une autre personne, si celui-ci accepte d’accomplir une tache donnée. (IIFR, 1996. p.163).

Le contrat de la Joala devient nul si la récompense n’est pas déterminée à l’avance. En revanche, il n’est pas exigé de déterminer le volume du travail à fournir, ni la durée nécessaire à l’accomplissement de la tâche. Ce qui explique son caractère non contraignant.

Si certains foukahas trouvent la licéité de la Joala dans le Coran et la Sounna, d’autres comme les Hannafites (juristes de l’école de pensée hannafite) ne l’autorisent pas. Ils avancent que ce type de contrat ne peut être dénué de mauvaise intention. (IIFR, 1996, p.164) Il est souvent comparé à un contrat de « gré à gré » ou promesse de compensation.

II.3.4. Les Soukouk ou obligations islamiques

Les Soukouk sont des instruments obligataires islamiques adossés à un actif tangible ou à un investissement dans une firme. Les rendements de l’actif ou de l’entreprise vont permettre de rémunérer l’investisseur. Par ailleurs, l’échéance du titre est fixée d’avance.

Selon l’AAOIFI (Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial Institutions), il existerait 14 types de Soukouk. Cependant, seules six techniques sont utilisées couramment : la Moucharaka, le Mourabaha, l’Istina, l’Ijara, la Moudaraba et le Salam. Parmi ces Soukouk, certains, ayant comme actif tangible, sont négociables sur le marché secondaire par exemple les Soukouk Ijara, Moucharaka ou Moudaraba. Par contre les Soukouk qui représentent des cash-flows futurs tels que les Soukouk Salam, Istisna ou Mourabaha n’y sont pas négociables(41).

Ces obligations sont émises pour le compte d’Etats, d’entreprises et de banques par le biais d’un Special Purpose Vehicule (SPV)(42). Ce dernier effectue une titrisation(43) du sous-jacent.

Etant donné que ce type de transactions fait appel à de nombreuses parties prenantes, les risques de crédit sont multiples. Ce risque peut venir de l’émetteur du Soukouk, de la banque qui officialise la transaction, de l’entrepreneur lorsque le sous-jacent est basé sur le 3P, ou encore du locataire s’il s’agit d’une transaction Ijara (voir Figure 7).

Il existe quelques différences entre l’obligation islamique (Soukouk) et l’obligation classique.

1- Les obligations sont essentiellement des dettes contractuelles alors que les Soukouk ne le sont pas.
2- Les détenteurs de Soukouk sont habilités à partager les profits générés par la vente et/ou la liquidation des actifs sous-jacents.
3- Les détenteurs d’obligation ne participent pas aux pertes alors que les détenteurs de Soukouk partagent les pertes.
4- Quand les Soukouk représentent eux-mêmes des dettes, ils ne sont plus négociables.

Figure 7 : Schéma d’un Soukouk Al-Ijara

Source : C. Karim, 2008.

40 BID, IIRF, 1996. p.154.
41 CDVM, 2011, p.23.
42 Fonds Commun de Créance.
43 La titrisation est une technique de financement ou de refinancement d’un portefeuille de créances illiquides qui sont isolées dans une entité ad hoc spécialement mise en place qui finance l’acquisition du portefeuille de créances par l’émission de valeurs mobilières négociables et liquides dont le rendement est calqué pour le principal et les intérêts sur les flux des créances titrisées.

Page suivante : III. LES TYPES DE RISQUES EN FINANCE ISLAMIQUE

Retour au menu : L’ANALYSE DES PRODUITS FINANCIERS ISLAMIQUES ET LA GESTION DES RISQUES : CAS DE LA MOUCHARAKA ET DE LA MOURABAHA