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III) Le régime jurisprudentiel applicable antérieur à la loi du 4 mars 2002

ADIAL

Pour aborder les règles de responsabilité et d’indemnisation des patients victimes d’infections nosocomiales avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, il est nécessaire de différencier le régime jurisprudentiel appliqué par le juge administratif, qui a en premier lieu instauré un système particulier pour les infections nosocomiales, (A) à celui adopté par les juridictions civiles (B).
Il s’agit ici d’aborder l’évolution jurisprudentielle en la matière tant administrative que judiciaire et d’exposer les solutions s’appliquant encore aujourd’hui pour les infections nosocomiales résultant d’actes médicaux antérieurs au 5 septembre 2001, mais ces dernières règles seront plus précisément développées au sein de la Partie 1, Chapitre 1.

A) Devant le juge administratif

Le juge administratif a été le premier à développer un système spécial dédié à l’indemnisation des patients victimes d’infections nosocomiales (1) pour aboutir à un arrêt de principe faisant peser sur l’établissement de santé une présomption de faute (2) qui a été confirmé à plusieurs reprises (3).

1) Un système particulier pour les infections nosocomiales dès 1954

Le premier arrêt cité en la matière est celui rendu par le Conseil d’Etat en date du 18 novembre 1960 « Sieur Savelli »(3) par lequel la responsabilité pour faute de l’hôpital dans le fonctionnement du service public a été retenue concernant un cas de rougeole contractée en milieu hospitalier.
En réalité, il convient de remonter à l’arrêt CE 12 février 1954 Administration générale de l’assistance publique de Paris c/ Sieur Aumain qui avait posé un double régime de responsabilité hospitalière en fonction de l’origine du dommage :
– si le dommage résultait d’un acte médical, la victime devait prouver la faute lourde de l’hôpital afin d’obtenir une indemnisation ;
– si le dommage résultait d’une mauvaise organisation ou fonctionnement du service ou d’une admission défectueuse de soins non médicaux, la faute simple de l’hôpital devait être rapportée par la victime.
Mais peu d’arrêts retenaient la faute lourde qui était très difficile à rapporter pour la victime. En effet, le juge administratif se focalisait sur l’organisation et le fonctionnement du service. D’où le recours au mécanisme présomptif par l’arrêt Cohen de 1988 (2).

2) L’arrêt de principe : Conseil d’Etat 9 décembre 1988 Cohen

L’arrêt du Conseil d’Etat en date du 9 décembre 1988 Cohen(4), a posé une présomption de faute irréfragable à la charge de l’hôpital en matière d’infection microbienne contractée par un patient en milieu hospitalier.

Ainsi, l’hôpital ne peut s’exonérer qu’en apportant la preuve que l’infection n’a pas été contractée à l’hôpital.

3) Une position confirmée

L’arrêt du Conseil d’Etat rendu le 31 mars 1995(5) énonce « qu’alors même que les médecins n’auraient commis aucune faute, notamment en matière d’asepsie et qu’une telle infection se produirait dans une proportion non négligeable des interventions du même type, le fait que cette infection ait pu néanmoins se produire, alors que rien ne permet de présumer que le patient aurait été porteur d’un foyer infectieux avant l’intervention, révèle une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité de l’établissement ».
Il est important de préciser que le juge administratif n’indemnise que les infections nosocomiales exogènes (CE, Sect, 15 décembre 2000)(6).

B) Devant le juge judiciaire

Pendant longtemps, la responsabilité des cliniques et des médecins était régie par le droit commun en application de l’arrêt Mercier du 20 mai 1936(7). Puis, la jurisprudence de la Cour de cassation a connu une grande évolution entre les années 80 et la fin des années 90.
Ainsi, dans un premier temps une obligation de moyens simple incombait au praticien et à la clinique privée (1). Par la suite, cette obligation de moyens a été renforcée (2), pour enfin aboutir à une obligation de sécurité pure et simple de résultat à la charge du praticien ou de la clinique privée (3).
1) Une obligation de moyens simple à la charge du praticien
Par un arrêt en date du 28 février 1984(8), la Première Chambre civile de la Cour de cassation a déclaré que « le praticien a commis une négligence dans la stérilisation puis dans le maniement du mandrin et il a manqué a son obligation de moyens concernant le respect des méthodes d’asepsie moderne qu’il devait à son patient».

Cet arrêt est venu affirmer que le praticien est débiteur d’une obligation de moyens envers son patient pour le respect des règles d’asepsie.

2) Le passage à une obligation de moyens renforcée à la charge du praticien

Le 21 mai 1996, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a mis à la charge d’une clinique privée une présomption de responsabilité, bien que non retenue en l’espèce compte tenu du respect des moyens de stérilisation et d’aseptisation par la clinique. (9)
Par cet arrêt la Cour de cassation a rejoint la position, précédemment énoncée du Conseil d’Etat, à la différence que la présomption de faute pesant sur le praticien pourra être effacée par la preuve de l’absence de faute devant cette dernière ; c’est-à-dire que les mesures d’asepsie et d’antisepsie ont été correctement réalisées. Par ailleurs, la Cour de cassation restreignait le champ d’application de cette présomption de faute à l’infection contractée en salle d’opération. Progressivement son champ d’application a été élargi notamment à la salle d’accouchement (Civ1°, 16 juin 1998).

3) Une obligation pure et simple de résultat

Par trois arrêts rendus en date du 29 juin 1999(10), la Première Chambre civile de la Cour de cassation a déclaré que le professionnel de santé était débiteur d’une obligation de sécurité de résultat en matière de stérilisation et d’asepsie en application de l’article 1447 du Code civil. Ainsi, seule l’exonération par la cause étrangère présentant les caractères de la force majeure sera possible.
Il s’agit ici de la même position que celle du Conseil d’Etat qui a été confirmé par une arrêt du 13 février 2001 par lequel la Première Chambre civile de la Cour de cassation a déclaré que le médecin est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière d’infection nosocomiale, consécutive à un acte médical réalisé dans un établissement de santé ou dans son cabinet.

En définitive, le régime jurisprudentiel tel que décrit précédemment, était favorable aux victimes d’infections nosocomiales avec une présomption irréfragable de faute devant le Conseil d’Etat et une obligation de sécurité de résultat devant la Cour de cassation.
Toutefois, des difficultés concernant l’assurabilité des professionnels de santé étaient grandissantes d’où l’intervention de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (IV) ; dont les objectifs étaient d’uniformiser les règles d’indemnisation en la matière, de responsabiliser les établissements et professionnels de santé et de trouver des solutions au problème d’assurance (ce dernier objectif n’ayant pas été rempli, la loi du 30 décembre 2002 est intervenue).

3 CE 18 nov. 1960, Sieur Savelli Rec. p640
4 CE. 5°-3° ss-sect. 9 déc. 1988, Cohen, n°65087
5 CE 31 mars 1995, D.1999, somm. 385, obs. Penneau, Gaz. Pal. 1998. 1. Pan. Adm. p172
6 CE 15 déc. 2000, M. Castanet n°214065
7 Cass. 20 mai 1936, D.1936.1.88, rapport Josserand, concl. Matteret note E.P.
8 Civ.1re, 28 fév. 1984 n°82-15.958
9 Civ.1re, 21 mai 1996 Bonnici c/ Clinique Bouchard Bull. civ. I° n°219
10 Civ.1re, 29 juin 1999 n°1267 CPAM de la Seine Saint Denis c/ Henry et autres ; n°1268 Aebi c/ Marek et autres ; n°1269 Follet c/ Friquet et autres.

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