Les contraintes morpho- pédologiques et hydrologiques à Youpwe sont la résultante de la combinaison de plusieurs facteurs dont les importants sont : un sol vulnérable, la pente, l’action des eaux fluviales et atmosphériques.
III.1- Bref aperçu de la nature du sol à Youpwe
Trois grandes catégories de sols avec toute une gamme de sols de transition ont été définies dans les zones de mangroves. D’après J. OLIVRY. Op. Cit, on distingue respectivement dans les zones à mangroves de Douala :
– Les sols sableux plus ou moins humifères à niveau des plus hautes marées.
– La slikke avec vase argileuse un peu sableux dans la tranche bathymétrique intertidale.
– La tourbe ou argiles plus ou moins humifères au niveau des hautes mers.
Selon ZOGNING A. (9) le quaternaire est représenté par 60 à 70 m de dépôts d’estuaires formés d’une alternance de sable fluviatile souvent grossier, des vases et de limons pour l’essentiel couverts de mangroves.
Du fait des pluies abondantes (3 à 5 m par an), et des températures élevées et constantes (25° en moyenne), les formations sédimentaires que nous venons de décrire sont affectées par une altération profonde.
III.2- Vulnérabilité du sol à l’eau atmosphérique, dégradation des voies de desserte et problèmes de transport à Youpwe
L’omniprésence de l’eau atmosphérique et même de l’eau fluviatile pose les problèmes de ruissellement, de vulnérabilité du sol, et d’inondation. Cette situation constitue un handicap à la réalisation des infrastructures viables dans la localité de Youpwe. Ces contraintes morpho –pédologiques et hydrologiques se manifestent principalement par le ruissellement qui est un écoulement en filets et en nappe. Il s’agit de pellicules d’eau (épaisseur 53 mm) qui balaient la surface du sol sans qu’il ne se forme de rigoles stables. MOEYERSONS, cité par TCHOTSOUA (10). Ces processus se déclenchent à partir du moment où le sol ne peut plus absorber l’eau qui tombe au cours d’une pluie. Le ruissellement est déclenché par la combinaison de plusieurs facteurs.
– Les précipitations et les vents : Les précipitations sont l’agent causal primaire des phénomènes des ruissellements par leur intensité et par leur présence. Une pluie dont l’intensité est largement supérieure à l’infiltration déclenche le ruissellement même si le sol n’est pas encore saturé. Les vents jouent essentiellement sur l’orientation des gouttes et donc sur leur angle d’incidence au sol.
– Les états de la surface du sol : la surface du sol contribue différemment au ruissellement suivant qu’elle est nue, remaniée, tassée, sous couvert végétal ou artificiel (asphalte, tôle).
– La structure, la texture et la profondeur du sol : Les horizons argileux et argilo – sableux, par des changements d’états physiques induits par les eaux, sont plus susceptibles aux ruissellements que les horizons sableux ou gravillonnaires dont la capacité d’infiltration est très élevée.
– L’humidité préalable du sol : Elle conditionne le déclenchement du ruissellement en milieu tropical. Les sols continentaux absorbent beaucoup d’eau au début de la saison pluvieuse. Les sols hydromorphes sursaturés sont favorables au ruissellement. C’est le cas à Youpwe.
– La pente : Le rôle de ce paramètre est variable en fonction de sa vigueur. Plus la pente est forte, moins il ya écoulement de surface .Toutefois, il faut noter qu’en milieu urbain, le débit du ruissellement n’est plus uniquement déterminé par l’infiltration et la longueur de la pente. Les paramètres du milieu concret, construit par l’homme, interviennent également. Par ailleurs, la saturation des nappes aquifères engendre des ruissellements plus permanents. Une fois enclenché, ce ruissellement exerce une certaine agression sur le sol. Mais, l’ampleur de cette agression est variable en fonction des états de surface et de morphologie.
En effet, le type de ruissellement observé à Youpwe est qualifié de sporadique. Le ruissellement sporadique est l’écoulement superficiel des eaux de pluie. IL se distingue des écoulements de sub – surface et des écoulements de surface plus permanents des talwegs. Ce ruissellement sporadique a un impact considérable sur les sols dénudé et aménagé par les hommes. Ainsi, au cours de leur écoulement sur les sols non couverts, les eaux de ruissellements creusent des cavités qui sont des sièges de décantation provisoire à la fin des averses. La coalescence de ces cavités suite à une action prolongée de l’eau, donne lieu à des ravins observables sur les voies de dessertes, et routes de Youpwe.
Aussi relève -t- on des formes d’érosion pluviale spectaculaire à l’instar des entailles d’érosion linéaire, et les marmites d’érosion. Ces formes d’érosion se sont développées sur des sols exposés ou non couverts. Aussi parmi les entailles d’érosion linéaire, on distingue les griffes, les rigoles et les trous, notamment sur les routes, les sentiers et les cours de maisons à Youpwe. On peut définir les griffes comme des entailles d’érosion longues d’au moins 200 cm et ayant une profondeur et une largeur de 20 cm. La confluence des griffes donne les rigoles. Celles–ci ont donc des dimensions beaucoup plu importantes : leurs profondeurs et leurs largeurs sont comprises entre 20 et 50 cm. Quant aux longueurs elles sont supérieures à 200 cm. Les rigoles de longueurs inférieures à 200 cm sont des trous. Toutes ces formes d’érosion qu’on relève à Youpwe notamment sur les voies de dessertes déterminent durablement la mobilité à Youpwe. En effet ces différentes formes d’érosion ne sont pas favorables à la pratique des transports par taxis et bus.
Par conséquent il s’est développé des modes de transport plus adaptés à l’état des routes de Youpwe.Il s’agit du transport par moto – taxi et par taxi – brousse. Les taxis – brousse supportent mieux les nids de poules et autres cavités sur les routes.
En plus d’être adaptés, les taxis – brousse sont sollicités pour le transport des marchandises notamment du poisson fumé ou frais à destination pour d’autres marchés ou ménages. En somme, le ruissellement à Youpwe, outre ses effets néfastes qu’il présente constamment sur le plan morphologique, peut être aussi considéré comme la cause des inondations. Toutefois, ces dernières relèvent plus de l’action de la dynamique fluviale qui se traduit par le sapement des berges, et l’alluvionnement.
Planche n°4 : Contraintes hydro pédologiques et aménagements subséquents à Youpwe
Cliché MOUTILA BENI, Août 2009.
La nature du sol impose des aménagements importants avant toute construction à Youpwe. D’où l’utilisation de la pouzzolane et du pavage pour les plus fortunés.
III.3- La dynamique fluviale et les problèmes d’inondations à Youpwe
Le Wouri est considéré comme le principal collecteur de la région de Douala. Le Wouri est un grand fleuve. Son bassin à Douala (11 700km2) comprend un bief maritime important enrichi par les marées. Sa partie continentale est drainée par deux affluents principaux : Le Nkam, le Makombe. Au confluent de ces deux rivières, le cours d’eau prend le nom de Wouri. Pour mieux cerner la dynamique fluviale du Wouri il est important de présenter quelques mesures hydrologiques du Wouri. Ces mesures hydrologiques concernent le bassin du Wouri à Yabassi dont la superficie est de 8250Km 2. L’altitude moyenne du bassin versant est du Wouri à Yabassi est de 576 m. L’indice global de la pente est de 7.6 m /km. (J. Olivry), op cit.
Le Wouri draine par ses affluents, les massifs volcaniques du Manengouba, des Bamboutos et la retombée sud du plateau Bamiléké entre Bafang et Ndinkiniméki. Les transports en charge, du fait du couvert forestier, se réduisent à des éléments fins. Dans ce vaste plan d’eau débouche également la marée de type « semi-diurne régulière ». La côte des pleines mers à Douala est de 2.50 m en vive eau et de 2 m en morte eau. Au regard de ces caractéristiques hydrologiques, le fleuve Wouri ne constitue pas moins une menace pour la stabilité des berges et les sociétés humaines.
L’action du fleuve Wouri au niveau de Youpwe est entreprise par la crique Docteur. C’est une véritable ria ouverte dans la mangrove. Cette ria suit une orientation Ouest – est et présente des berges concaves couvertes de mangrove, mais aussi dénudés par endroits. Les pentes de cette ria sont douces et par conséquent les eaux suivent un tracé sinueux sur les alluvions.
Fig. n°12: Relief du bassin et profil en long du Wouri
Source: j. Olivry, (1986)
La dynamique fluviale couplée à l’action de la marée semi – diurne cisaille en permanence les berges exposées. Puis s’en suivent les entailles qui aboutissent à la segmentation des berges jusqu’à leur éboulement. Ce phénomène conduit à l’amaigrissement de la côte et des berges. Cet amaigrissement des berges est observable notamment au niveau du marché de poisson. A cet endroit précis l’horizon A des sols est absent, seul l’horizon B reste présent. C’est la résultante d’un lessivage prolongé de cette berge, mais aussi de son exposition.
Par ailleurs, cet endroit fait face à une érosion piétonnière. En effet, le piétinement continu de cet endroit par les pêcheurs et les vendeuses, creuse de petites cavités circulaires de 2.5 à 6 mm de profondeur et 5 à 10 mm de diamètre proches les unes des autres. Car il faut le souligner, cet endroit est un quai de pirogues en partance pour les îles et les campements de pêche éloignés tels que Yoyo, Manoka, Limbe Mbiako, Yoruba Makole, Kombo Moukoko, Takele, Badangue, Edea. En somme, la dynamique fluviale exprime considérablement ses marques sur les berges de Youpwe à travers l’érosion régressive. Toutefois, cette action fluviale se manifeste aussi à travers la sédimentation et les inondations.
En amont du fleuve Wouri, où les pentes sont fortes (J. Olivry), le fleuve incise le lit et les versants. Il transporte du matériel solide et des particules en suspension. En aval, notamment à Youpwe, parce que les pentes les pentes du lit deviennent faibles, voire nulles les eaux déposent ses charges ou alluvions dans le lit et parfois au bord du fleuve. Ces alluvions sont composées des galets émoussés, du sable, du matériel organique comme le bois, le squelette des animaux etc.… Pendant la saison pluvieuse, les eaux pluviales se joignent aux matériels transportés pour gonfler le lit du fleuve. L’on assiste ainsi à des montées catastrophiques du fleuve.
A Youpwe, du fait de l’urbanisation des versants, ces inondations deviennent plus importantes. Les habitants de Youpwe ont relevé qu’avant 1985, il n’y avait presque pas d’inondation dans le quartier Youpwe ; mais depuis 1990, estiment – ils, les inondations sont devenues monnaie courante. En définitive, il ya lieu de dire que le problème d’inondation dans le quartier Youpwe est plus une conséquence de l’urbanisation anarchique des berges et de la douceur des pentes que des simples hauteurs de précipitations bien sûr importantes (4 m /an).
Tableau n° 19 (11) : Identification des impacts liés à l’exploitation et à l’utilisation de l’espace à mangrove à Youpwe
(9) ZOGNING, A ;(1986).- Séminaire régional sur les latérites, sols, matériaux de Douala, ORSTOM, 360 P.
(10) Tchotsoua, M ; (1993).- Erosion accélérée et contraintes à l’aménagement aux sites de Yaoundé, une contribution à la gestion de l’environnement urbain en milieu tropical humide, thèse de Doctorat, Université deYdé, 381P.
(11) Le rouge indique un impact négatif ; le vert, un impact positif ; le jaune, un impact à la fois positif et négatif
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