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III/ Les prestations des sociétés d’assurance

Les prestations versées par l’assureur dans le cadre d’une assurance contre les
accidents corporels présentent une grande diversité selon les compagnies et les contrats.
Ainsi, au titre du préjudice professionnel de l’assuré, l’incapacité permanente totale et
l’incapacité permanente partielle peuvent être garanties par un capital ou par une rente.
L’incapacité temporaire est couverte par une indemnité journalière au montant variable et
dont le versement est souvent limité dans le temps.

Les sociétés d’assurance ont été insérées dans la liste limitative légale des tiers payeurs
habilités à exercer un recours subrogatoire. Or, l’exercice d’une subrogation implique le
caractère indemnitaire de la prestation. Le tiers payeur ne peut prendre la place de la victime
dans son action indemnitaire en responsabilité que dans la mesure où la prestation qu’il a
versée avait pour objet d’indemniser cette victime des préjudices causés par le tiers
responsable(168).

Toutes les prestations forfaitaires versées par les sociétés d’assurance devraient donc être
exclues de la subrogation. Ainsi, l’alinéa 1er de l’article L131-2 du Code des assurances
prévoit que « Dans l’assurance de personnes, l’assureur, après paiement de la somme assurée,
ne peut être subrogé aux droits du contractant ou du bénéficiaire contre des tiers à raison du
sinistre ». L’assuré peut alors cumuler les prestations forfaitaires de son assurance contre les
accidents corporels et les prestations indemnitaires dues par l’auteur du dommage.

Toutefois, le caractère indemnitaire des prestations peut résulter de la loi (A) ou du contrat
d’assurance (B).

A) Les prestations indemnitaires par détermination de la loi

Par une Loi du 8 août 1994(169), le législateur a admis le recours subrogatoire des
sociétés d’assurance et des institutions de prévoyance pour les prestations d’invalidité (1) et
les indemnités journalières de maladie (2).

1) Les prestations d’invalidité

Malgré la modification de l’article 29 de la Loi de 1985, la jurisprudence a imposé
jusqu’en 2007 de rechercher si ces prestations avaient un caractère indemnitaire(170). Le
revirement a été opéré par un arrêt de la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation du
12 juillet 2007, confirmé le 8 novembre 2007(171). Ainsi, la Cour de cassation considère
« qu’ouvrent droit à un recours subrogatoire par détermination de la loi, contre la personne
tenue à réparation ou son assureur, les indemnités journalières de maladie et les prestations
d’invalidité, versées à la victime d’un dommage résultant des atteintes à sa personne, par les
groupements mutualistes régis par le Code de la mutualité, les institutions de prévoyance
régies par le Code de la sécurité sociale ou le Code rural et par les sociétés d’assurances régies
par le Code des assurances ».

Les prestations d’invalidité sont donc considérées comme indemnitaires, indépendamment de
leur mode de calcul, et le recours subrogatoire est de droit.

2) Les indemnités journalières

L’article 29 5° de la Loi de 1985 ainsi que l’arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet
2007 ne visent que les indemnités journalières « de maladie ». Les indemnités journalières
liées à un accident ne devraient donc pas bénéficier de la subrogation légale, toute exception
étant d’interprétation stricte(172). Dans cette hypothèse, la subrogation peut être
conventionnelle.

B) Les prestations indemnitaires par détermination contractuelle

Les prestations versées par l’assureur ne bénéficiant pas de la subrogation légale
peuvent faire l’objet d’une subrogation conventionnelle sous certaines conditions.
La Loi du 5 juillet 1985 a ainsi prévu dans son article 33 alinéa 3, devenu l’article L211-25 du
Code des assurances applicable en matière d’accident de la circulation, que « Toutefois
lorsqu’il est prévu par contrat, le recours subrogatoire de l’assureur qui a versé à la victime une
avance sur indemnité du fait de l’accident peut être exercé contre l’assureur de la personne
tenue à réparation dans la limite du solde subsistant après paiements aux tiers visés à l’article
29 ». Cette possibilité pour les assureurs d’insérer une clause subrogatoire a été généralisée
par la Loi du 16 juillet 1992(173). L’article 23 de cette loi a modifié l’article L131-2 du Code
des assurances qui pose le principe de l’absence de subrogation en assurances de personnes.

Le nouvel alinéa 2 prévoit que « Toutefois, dans les contrats garantissant l’indemnisation des
préjudices résultant d’une atteinte à la personne, l’assureur peut être subrogé dans les droits du
contractant ou des ayants droit contre le tiers responsable, pour le remboursement des
prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat ».

Le recours est ainsi subordonné à l’existence d’une clause du contrat prévoyant la
subrogation, à l’évaluation indemnitaire des préjudices et à la nature indemnitaire des
prestations. En effet, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du
19 décembre 2003 que « si le mode de calcul des prestations versées à la victime en fonction
d’éléments prédéterminés n’est pas à lui seul de nature à empêcher ces prestations de revêtir
un caractère indemnitaire », les prestations servies par un assureur au titre de l’incapacité
temporaire totale de travail et de l’incapacité permanente partielle revêtent un caractère
forfaitaire dès lors qu’elles sont « indépendantes, dans leurs modalités de calcul et
d’attribution, de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun »(174).

La qualification de prestation indemnitaire est donc retenue si celle-ci est établie par référence
au préjudice subi, peu important désormais que l’indemnité soit fixée en fonction d’éléments
prédéterminés par le contrat si le principe indemnitaire est préservé.

L’assurance accidents corporels indemnitaire joue ici un rôle d’avance sur recours et la
victime ne pourra pas cumuler l’indemnité d’assurance et le bénéfice d’un recours en
responsabilité civile contre l’auteur du dommage. L’avance sur indemnité est donc
dangereuse pour l’assuré qui croirait avoir souscrit une assurance de personnes forfaitaire(175).

168 Y. Lambert-Faivre, S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, Systèmes d’indemnisation, op. cit., p.601.
169 Loi n°94-678 du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés et portant
transposition des directives n° 92-49 et n° 92-96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des communautés
européennes, JORF du 10 août 1994.
170 Civ. 2e, 13 janvier 2005, n°02-10526.
171 Civ. 2e, 12 juillet 2007, n°06-16084 ; Civ. 2e, 8 novembre 2007, n°06-19744.
172 Y. Lambert-Faivre, S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, Systèmes d’indemnisation, op. cit., p.466.
173 Loi n°92-665 du 16 juillet 1992 portant adaptation au marché unique européen de la législation applicable en
matière d’assurance et de crédit, JORF du 17 juillet 1992.
174 Ass. plén., 19 décembre 2003, n°01-10670.
175 Y. Lambert-Faivre, S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, Systèmes d’indemnisation, op. cit., p.468.

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