La diversité biologique des mangroves est menacée à Youpwe du fait de la destruction de l’habitat naturel et de la mauvaise exploitation des ressources. La résolution de ces problèmes passe par la gestion rationnelle de cet écosystème estuarien et de ses ressources. Cette gestion rationnelle est fondamentale pour la conservation de cette zone. Pour atteindre cet objectif le respect de la règlementation foncière doit être renforcé. Il importe aussi de contrôler les activités destructrices de la mangrove.
III.1- Renforcer le respect de la règlementation foncière
Le respect de la règlementation est la chose la moins partagée à Youpwe. Tout se passe ici en marge des lois foncières et domaniales. L’acquisition des terrains et des lots se font de manière informelle. Les populations se sont installées au mépris de la loi. L’ignorance des populations mais aussi la mauvaise foi semble être à l’origine de cette situation déplorable car les populations ont occupées jusqu’aux rives des cours d’eaux. Et pourtant, aux termes de l’ordonnance n°74/2 du 6 juillet 1974, le domaine public maritime et fluvial ne peut faire l’objet d’appropriation privée. La délivrance du titre foncier pour un certain terrain situé dans les 50 premiers mètres à partir du niveau de la plus basse mer et dans les 25 premiers mètres quand il s’agit d’un fleuve est interdite. Il importe de faire respecter l’emprise maritime de l’Etat (zone de 50m).
En appliquant cette emprise maritime de l’Etat, la coupe systématique de la mangrove sur les berges se posera avec moins d’acuité à Youpwe. La réduction de ce phénomène contribuera à stabiliser l’écosystème marin et côtier.
Mais avant de faire respecter la loi, encore faut- il qu’une loi claire et précise sur la mangrove et les ressources qui lui sont associées puissent être élaborées.
III.2- De l’élaboration d’une législation expresse relative à la protection de la mangrove
La législation qui règlemente les activités d’exploitation de la mangrove et des ressources qui lui sont associées st très éparse au Cameroun. Cette législation demeure fragmentée et non coercitive ; Elle ne met pas d’accent sur la protection de la biodiversité côtière et marine. Ainsi la loi 67LF/25 du 30 Novembre 1967 règlementant le milieu marin pour navigation, contient quelques dispositions visant à la préservation des milieux côtiers et marins. En outre, la loi n°89/027 du 29 décembre 1989 portant sur les déchets toxiques dangereux, interdit le rejet des déchets sur quelques parties que ce soit du domaine national. L’ordonnance n°90/001du 29 Janvier 1990 portant régime de la zone frange industrielle fait état de la pollution marine d’origine industrielle dans ses articles 33 et 35.
Vu ce qui précède il ya lieu de dire que la protection du milieu marin et côtier n’est pas régie par une règlementation unique et précise. C’est plutôt une législation en miette et incidente qui existe en la matière. Le dispositif de lutte contre l’exploitation du milieu marin et côtier apparait en définitive inadapté. Malgré la promulgation de la loi n° 94/n°1 du 20 janvier 1994, portant sur l régime des forets, de la faune et de la pêché et son décret d’application n°95/413/PM du 20 Janvier 1995, l’écosystème de la mangrove dont l’importance sur le plan écologique n’est plus à démontrer, ne bénéficie pas encore d’une protection juridique expresse. Cette loi n°94/ n°1 du 20 Janvier 1994, dont l’un des objectifs est la protection de la diversité biologique ne lui accorde pas d’attention spécifique.
Il est donc nécessaire de mettre sur pied une législation adaptée qui garantisse la protection de la mangrove et de ses ressources. Il serait judicieux dans cette perspective de commencer par faire un inventaire de la législation existante dans le domaine de la protection des ressources marines et côtières. L’analyse de cette législation devrait permettre d’identifier les lacunes et de proposer des améliorations éventuelles et une adaptation au contexte actuel. Après l’élaboration d’une législation portant sur la mangrove et de ses ressources, il faudrait développer un système d’exploitation de cet écosystème.
III.3- Mise en place d’un système d’exploitation adapté des ressources marines et côtières
La mise sur pied d’un système d’exploitation adapté des ressources marines et côtières est nécessaire. Il permettra d’assurer une exploitation durable de l’écosystème de mangrove. Il conviendra par exemple en ce concerne l’exploitation des espèces ligneuses de rationnaliser la coupe en tenant compte du diamètre. On pourrait aussi interdire l’exploitation des espèces en disparition. La troisième mesure consistera à entreprendre une politique de régénération des zones dégradées. Mais en attendant, il serait judicieux de créer des postes forestiers à Youpwe comme c’est le cas dans l’ensemble du pays pour ce qui concerne les forêts continentales. Car nous avons relevé qu’il n’existe pas d’unités de répression chargées de veiller sur l’exploitation des forêts de mangrove sur place à Youpwe.
Quant à ce qui concerne l’exploitation des ressources halieutiques, il importera de rationnaliser les techniques et les méthodes de pêche artisanale ; car les méthodes actuellement utilisées par les pêcheurs sont abusives. L’usage des substances chimiques et d’explosifs pour la capture du poisson est à proscrire ainsi que la violation des zones de fraie par les pêcheurs. Le personnel du Ministère de l’élevage de pêche et de l’industrie animale (MINEPIA) devrait être davantage averti afin de veiller à la capture abusive des ressources halieutiques. Aussi la capture de certaines espèces de poisson en voie de disparition à l’instar des scianidae et des clupeidae doit être interdite pour une certaine période. Il serait aussi indispensable d’évaluer le potentiel d’exploitation des nouvelles ressources sans rompre l’équilibre de la mangrove. Le développement de l’aquaculture en cage de l’ostréiculture (élevage des huitres) ainsi que le développement de l’écotourisme pourraient constituer des alternatives aux activités actuelles pratiquées à Youpwe.
La promotion et la vulgarisation de ces nouvelles activités pourraient limiter la dégradation de la biodiversité et du milieu naturel. Car un aquaculteur est plus proche d’un agriculteur que pêcheur parce qu’il sème et récolte. Youpwe présente les caractéristiques physiques propices à la pratique de l’aquaculture. Car l’espace recherché par les aquaculteurs est soit l’estran soit les eaux peu profondes proches de la côte, les étangs côtiers, les lagunes et les secteurs de vasières à mangrove. L’aquaculture, si elle est pratiquée à Youpwe, pourra pallier au déficit d’approvisionnement en produits halieutiques.
En fin, vu l’ampleur du sinistre de l’exploitation des carrières de sable et de gravier sur le milieu, il est souhaitable de rationnaliser cette activité. Un plan d’aménagement et d’exploitation qui tienne compte de la flore doit être élaboré par les pouvoirs publics. Une règlementation adaptée aux conditions spécifiques du milieu serait la bienvenue. Elle permettra de contrôler de manière rationnelle l’exploitation, la restauration des zones dégradées par l’extraction du sable et du gravier.
CONCLUSION
Il était question au cours des deux derniers chapitres qui précèdent d’examiner les répercussions de l’occupation anarchique de l’espace à mangrove et les conséquences d’une éventuelle explosion démographique sur l’espace côtier et marin de Youpwe. Nous avons ainsi relevé que la pression sociale entraine des conséquences dangereuses sur les ressources biologiques dans la mesure où de nombreuses activités humaines et l’urbanisation accélérée empiète sur le couvert végétal et participe par la même occasion à l’extinction et à la disparition de la faune à Youpwe. Aussi avons – nous souligné que l’occupation sauvage de l’espace à mangrove de Youpwe est à l’origine de nombreuses contraintes socio- économiques notamment les problèmes sanitaires, et la flambée des prix de poisson voire même parfois des pénuries. Par ailleurs, dans le souci de nous interroger sur l’avenir de la mangrove et de ses diverses ressources nous avons émis des hypothèses de projections démographiques et des tendances de la croissance spatiale jusqu’à l’échéance 2035. Nous avons ainsi relevé qu’à cette date précise la survie de la mangrove serait incertaine du fait de l’urbanisation accélérée. D’où toute l’importance des mesures énoncées à la fin de notre travail.
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