La ville de Douala n’échappe pas au contexte démographique de la majorité des villes africaines caractérisées par une forte croissance. Depuis plusieurs décennies, la ville connaît une croissance démographique accélérée. L’on est passé de 26 000 habitants en 1970 à environ 2 700 000 habitants en 2007. Une telle croissance urbaine s’accompagne d’une consommation sans précédant de l’espace. La spéculation foncière couplée à la faiblesse relative de l’offre formelle en parcelles destinées à l’habitat social contribue dans une large mesure au développement de l’habitat spontané, insalubre et des bidonvilles. Il convient à ce propos de noter l’absence de documents d’urbanisme susceptibles de contribuer à la planification de l’occupation de l’espace. De même, la faiblesse des administrations compétentes liée à une législation foncière et domaniale obsolète, inadaptée au rythme et au contexte actuel de la croissance urbaine, contribue également à la prolifération de l’habitat précaire dont la proportion se situe à hauteur de près de 72 % environ(1). Or November (1994) pense que cette croissance urbaine galopante va non seulement avec de multiples dysfonctionnements urbains à la fois techniques, sociodémographiques et économiques, voire institutionnels qui inhibent l’implémentation d’une planification urbaine préventive, mais aussi conduisent à l’accroissement des dommages aux risques naturels.
Le poids économique important de la ville l’érige en « point chaud » et participe grandement à lui conférer cette position de vulnérabilité. Capitale économique du Cameroun, la ville concentre 90% du trafic portuaire, assure 75% de la production industrielle nationale, 85% des activités ferroviaires pour le transport des marchandises et dispose du premier aéroport international du pays en termes de trafic avec environ 800 000 passagers/an. La ville contribue à hauteur de 25% environ au PIB national, et à 36% du PIB urbain(2). Ces caractéristiques économiques font de Douala la ville la plus peuplée du pays après Yaoundé, avec un peu plus 2 900 000 habitants, soit 11 % de la population nationale. Ceci du fait de l’attraction quasiirréversible qu’elle exerce sur le reste du pays. Ces particularités qui définissent la ville contribueraient malencontreusement à l’accroissement de sa vulnérabilité aux risques naturels en raison de l’exposition croissante des enjeux.
Les citadins doivent également faire face à de nombreuses insuffisances de l’offre de services urbains. Il existe un important clivage entre l’offre disponible et les demandes sociales en services urbains en réseaux, particulièrement l’eau de consommation courante et l’électricité.
En ce qui concerne l’eau de consommation courante, la ville de Douala fait actuellement face à un véritable stress hydrique: La demande est estimée à 280 000 m3/jour, or l’offre actuellement disponible n’est que de 115 000 m3/jour, équivalent a un déficit d’approvisionnement de 58%, soit 165 000 m3 /jour(3). Une disponibilité réduite en eau signifie des conséquences néfastes pour la santé en termes de maladies hydriques du fait de l’utilisation de l’eau des puits généralement pollués.
Selon le rapport publié en 2003 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), les changements climatiques contribuent à l’augmentation de l’incidence des maladies hydriques et sont responsables de 2,4% de tous les cas de diarrhée et 2% de tous les cas de paludisme. Si des politiques d’atténuation de l’exposition de la ville aux évènements climatiques, notamment par la réduction de la vulnérabilité ont été menées par le passé, la question de l’adaptation aux changements climatiques et donc aux risques naturels n’est pas encore suffisamment inscrite dans les politiques urbaines locales.
La pauvreté affecterait environ 13% environ des ménages de la ville(4). Mais son ampleur pourrait être bien plus importante si l’on ne se limite pas au critère purement monétaire. De ce fait, l’activité économique informelle fortement représentée s’est imposée dans la ville telle un palliatif facilitant l’insertion des immigrants. Elle favorise la création de richesses et de nombreux emplois à la population pauvre.
C’est dans ce contexte qu’il est pertinent de mener des investigations afin d’analyser comment est mené l’intégration des préoccupations environnementales et de développement durable dans la politique urbaine. En d’autres termes, identifier le plan d’action, les instruments et les objectifs de cette politique afin d’apporter des éléments de réponse aux interrogations qui font l’objet du Projet PIRVE.
L’enjeu de ce travail de recherche est d’analyser d’une part les conditions sous lesquelles les vulnérabilités aux risques naturels en milieu urbain peuvent infléchir la politique urbaine locale vers la prise en compte des préoccupations liées au développement durable. D’autre part, évaluer l’état actuel de déploiement des actions locales d’atténuation des vulnérabilités aux risques naturels. Cette étude est critique pour la définition les priorités d’action, d’où l’acuité et la pertinence de ce travail sur la scène locale.
1 Etude sur le cadre de vie des populations de Douala et de Yaoundé (CAVIE), 2002
2 Jean Marie COUR : Contribution à la composante « poids économique des villes » de la revue du secteur urbain du Cameroun/Juillet 2004
3 Données du Ministère des Mines de l’Eau et de L’Energie (MINEE), 2009
4 CAVIE (2002), Op.cit.