Sur un marché en perpétuelle recherche de profit, les moyens pour atteindre ce but sont de plus en plus nombreux; toutefois, l’évolution la plus notable ces dernières années est certainement le phénomène que l’on appelle aujourd’hui la bancassurance.
En effet, jusqu’en 1980, les banquiers prestaient des services bancaires et les assureurs assuraient. Mais il apparut bien vite à certains l’idée de rapprocher ces deux activités financières. Dès lors on a assisté à de «grandes manœuvres » dans le secteur de la banque avec une ouverture des banquiers sur d’autres services financiers et notamment sur le monde de l’assurance. La recherche de synergies entre les établissements bancaires et les sociétés d’assurance a favorisé l’explosion du chiffre d’affaires de ces organismes qui ont pris des parts de marché importantes en France, notamment dans le secteur de l’assurance-vie.
Ce phénomène a ainsi pris le nom dans le langage courant de « bancassurance ». Il s’agit du fait pour un organisme bancaire de prendre le contrôle d’une société d’assurance. Le mouvement inverse de prises de participation de compagnies d’assurance dans le capital d’un organisme bancaire est lui habituellement nommé « assurfinance » (ou assurbanque).
Toutefois les professeurs Charre-Serveau et Landel donnent une définition plus large de la bancassurance qu’ils voient comme l’ensemble des démarches visant à rapprocher les activités des banquiers et des assureurs, dans différents domaines. Il peut s’agir du domaine financier avec la création de holdings, les prises de contrôle ou de participations croisées ou non, entre groupes bancaires et d’assurance ; mais aussi du domaine du marketing et de la distribution, les banquiers vendant des produits d’assurance à leurs guichets de banque et les assureurs commercialisant réciproquement des produits bancaires.
En l’espèce, nous utiliserons tout au long de ce mémoire le sens usuel de ce terme en le rattachant à la distribution de produits d’assurance par les banques.
Plusieurs raisons ont motivé les banques et les assurances à mettre en place ce modèle de distribution (cf : ANNEXE 1).
Du point de vue de la banque, la bancassurance est un moyen de créer un nouveau flux de revenu qui est plus stable grâce à une diversification dans le domaine de l’assurance.
La dépendance des banques par rapport à leur principale source de revenus est alors réduite. De plus, le début des années 90 a révélé une augmentation de la concurrence entre les institutions financières et une diminution de la marge financière des banques, ce qui rend d’autant plus important la nécessité de trouver une nouvelle activité.
Le durcissement de la concurrence sur ce marché pèse lourdement sur les marges d’intérêt des banques et le risque de crédit constitue une préoccupation majeure. Par conséquent, les banques s’intéressent de plus en plus aux commissions et frais liés à la vente de produits d’assurance en vue d’augmenter leurs revenus de base.
Par ailleurs, cela permet à la banque de devenir une sorte de supermarché de produits financiers, un fournisseur unique, où le client peut trouver réponse à tous ses besoins, qu’ils soient financiers ou d’assurance.
Ainsi, elle peut aspirer à une plus grande attractivité du fait de l’élargissement de sa gamme de produits et peut renforcer la satisfaction et donc la fidélisation de ses clients.
L’autre avantage sont les coûts de distribution. Ceux-ci deviennent marginaux puisque, dans la plupart des cas, ce sont les employés de la banque eux-mêmes qui proposent à la vente les produits d’assurance. Le modèle de « supermarché » permet finalement de mieux exploiter le réseau et d’augmenter la rentabilité du réseau bancaire existant.
Concernant les assurances, les avantages de ce nouveau phénomène sont tout aussi convaincants.
Grâce à ce réseau de distribution, l’assureur élargit de façon significative sa clientèle et atteint des clients jusqu’ici difficiles d’accès. Ceci est un avantage primordial qui suffit à convaincre un assureur de développer des accords avec une banque. La possibilité d’exploiter l’immense clientèle des banques constitue en effet une motivation de premier plan. La clientèle étendue des banques est considérée comme idéale pour la distribution de produits de masse.
Outre la volonté d’atteindre de nouveaux groupes de clients, l’assureur a également l’avantage de la réduction des coûts de distribution par rapport aux frais inhérents aux agents traditionnels, puisque le réseau de vente est en général le même pour les produits bancaires et les produits d’assurance. Cette économie de frais a pu être enregistrée de façon notable par bon nombre de bancassureurs en France et est ainsi répercutée dans les frais inclus dans les contrats. Les produits peuvent donc être proposés à un meilleur coût.
Enfin d’autres déterminants vont inciter vivement le développement de la bancassurance. L’assureur pourra varier ses modes de distribution de façon à éviter une dépendance trop grande à un réseau unique; de plus il va pouvoir bénéficier de la bonne image et de la confiance accordées le plus souvent aux banques (nous traiterons ce point plus longuement par la suite). Pour finir, l’assureur va pouvoir s’implanter rapidement sur un nouveau marché, en utilisant le réseau existant d’une banque locale.
Les motivations qui ont poussé à la naissance de ce modèle sont donc tout à fait compréhensibles de la part de ses concepteurs. Toutefois pour que ce phénomène s’impose sur la durée, il était également nécessaire que les consommateurs lui fassent un bon accueil.
Et cela a été le cas dans de nombreux pays comme la France car la bancassurance semble s’être réalisée en partie pour répondre aux attentes de la clientèle. L’adaptation au marché ne se fait bien sûr pas par pure philanthropie, mais les établissements financiers qui gagnent des parts de marché sont ceux qui savent satisfaire les besoins du client.
À la différence de ce qui était observable jusqu’aux années 80, le marché est commandé par la demande de services financiers plus que par l’offre. Le monde financier est passé d’une gestion « produit » à une gestion « de clientèle » . La satisfaction de la clientèle implique alors une amélioration du niveau qualitatif de l’offre.
De plus la bancassurance met en place un nouveau concept d’offre globale de services financiers visant à prendre en charge la totalité des besoins de la clientèle. Le client se voit ainsi offrir un ensemble de produits et de services par un fournisseur unique qui est susceptible de simplifier les démarches du consommateur.
Le souscripteur gagne aussi sur les prix du produit. En effet, comme nous l’avons souligné précédemment, la réduction du nombre des intermédiaires entraîne une réduction des coûts (étant donné que le montant des commissions devient inférieur). Ce rapprochement génère donc des économies d’échelle au niveau du client « par la satisfaction d’une demande globale et la limitation du coût de l’intermédiation » .
La concurrence qui naît de ce nouveau phénomène est salutaire puisqu’elle stimule le développement et donne aux consommateurs une faculté d’arbitrage entre les entreprises et les produits. L’attente des consommateurs est clairement formulée. Ils veulent le meilleur rapport qualité/prix, la possibilité de choisir parmi une large variété de produits et un service global de conseil en placement.
Le concept bancassurance semble donc procurer à la fois des avantages pour les banques et pour les assurances mais aussi pour les consommateurs.
Ceci contribue efficacement à son développement et nous permet de comprendre partiellement pourquoi la bancassurance est un phénomène si important sur certains marchés et plus particulièrement sur notre territoire.
En effet, avec un chiffre d’affaires de 55 milliards d’euros en 2003 et quatre bancassureurs dans le classement des dix premières sociétés d’assurance vie en France : le Crédit Agricole, BNP Paribas Assurance, le Credit Mutuel et la Société générale en 2008 (cf : ANNEXE 2), ce modèle est une réussite sans précédent en France.
Mais que reflète une telle percée?
Sur quelles bases la bancassurance fonde-t-elle sa réussite et pour quel avenir ?
Nous tenterons donc de répondre à ces différentes questions en décrivant l’environnement qui encadre la distribution de produits d’assurance par les banquiers (partie 1), puis nous analyserons le marché français et les clés de ce succès (partie 2) avant de conclure sur les perspectives d’évolution (partie 3).
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