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INTRODUCTION

L’assurance vie est un mode de placement qui répond à un besoin de sécurité, et à ce titre, intéresse particulièrement les personnes dites incapables, comme leur famille. Le contrat d’assurance vie est un contrat individuel ou collectif, par lequel un assureur s’engage, en contrepartie du paiement de primes ou de cotisations, à régler au souscripteur, à l’adhérent ou au tiers désigné, un capital ou une rente déterminée, en cas de décès garantie de l’assuré ou en cas de survie de celui-ci à une époque contractuellement prévue.

Le régime juridique antérieur applicable à l’incapable, se voulant extrêmement protecteur, en était devenu bien trop complexe et contraignant. Le vieillissement des dispositifs mis en place par la loi n°68-5 du 3 Janvier 1968 rendait ce régime « inadapté aux réalités d’aujourd’hui » .

Il est utile d’évoquer l’augmentation massive, ces dernières années, du nombre de personnes placées sous un régime de protection judiciaire. Près de 800 000 personnes sont recensées à ce jour. Cela s’explique par des raisons diverses et variées telles que la réduction de la mortalité par le progrès de la médecine qui engendre une population vieillissante ou encore l’aggravation des risques d’accidents par le machinisme. Cela, sans compter l’ensemble des mineurs, également considérés comme étant juridiquement incapables.
Une modernisation du recours à l’assurance vie pour ce type de personnes (nouveau et croissant) était devenue indispensable.

L’organisation des règles de l’assurance vie en combinaison avec le droit des incapacités a donc été modifiée tout d’abord par la loi n°2007-308 du 5 Mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs ainsi que par la loi n°2007-1775 du 17 décembre 2007 intéressant directement le droit des assurances.

Concrètement, l’esprit de la réforme visait à garantir plus de droits, de libertés et de dignité aux personnes protégées. Dans ce but, elle prévoit qu’un régime de protection judiciaire peut être demandé par la personne elle-même ou par sa famille. Une requête doit être adressée au juge des tutelles du tribunal d’instance. Cette procédure n’est envisageable que si une altération des facultés est constatée par un certificat médical dressé par un médecin spécialiste, figurant sur une liste établie par le procureur de la République. La mesure de protection sera alors prononcée par un jugement notifié à la personne protégée.
La mise sous tutelle ou sous curatelle n’est plus prononcée à durée indéterminée mais pour cinq ans au maximum, renouvelables. La mise sous sauvegarde de justice sera, elle, prononcée pour une durée d’un an, renouvelable également.

De plus, certains principes directeurs des régimes de protection judiciaire ont été affirmés. Ces principes sont proclamés par l’article 428 du code civil : « la mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, (…), par une autre mesure de protection judiciaire moins contraignante ou par le mandat de protection future conclu par l’intéressé. La mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d’altération des facultés personnelles de l’intéressé ».
Il en résulte que la mesure de protection judiciaire doit absolument être nécessaire, proportionnelle et doit répondre à une obligation de subsidiarité. Ces éléments sont destinés à garantir une protection juridique de la personne protégée.

La réforme a également instituée un mandat de protection future, très attendu par la doctrine. Ce dernier permet aux personnes en bonne santé, de désigner par avance un tuteur. Le tuteur n’interviendra qu’en cas d’altération des facultés (mentales ou physiques) de cette personne. De même, les parents peuvent l’utiliser au profit de leur enfant handicapé. Le mandat de protection future n’intervenant, alors, qu’à leur décès.

Par ailleurs, il convient de se demander quelles sont les formes d’incapacités que nous allons envisager.
L’incapacité est la situation dans laquelle se trouve une personne dont les capacités juridiques, soit en raison de son jeune âge, soit en raison de la défaillance de ses facultés mentales, sont nulles ou limitées et qui, pour ce motif, se trouve placée sous un régime légal de protection. Il s’agit là d’une incapacité de nature à empêcher la personne de jouir de ses biens ou de ses droits pour des raisons physiologiques ou juridiques.
Peut être concernée, tout d’abord, une personne placée sous sauvegarde de justice. La sauvegarde de justice est destinée aux personnes dont les facultés sont altérées temporairement ou les personnes qui sont en instance de placement sous tutelle ou sous curatelle. La personne reste capable et peut continuer à gérer ses biens ou passer tout acte juridique nécessaire à la vie de tous les jours. Par conséquent ce régime ne fera l’objet d’aucune étude lors de ce mémoire.
A l’opposé, il peut s’agir d’une personne placée sous tutelle. La tutelle est le régime de protection le plus fort. Elle est réservée aux personnes dont les facultés intellectuelles sont gravement et durablement atteintes, aux personnes qui présentent un handicap physique qui les empêche d’exprimer leur volonté ainsi qu’aux mineurs qui ne sont pas sous l’administration légale de leurs parents. La personne placée sous tutelle est strictement incapable et a besoin d’être représentée de manière continue dans tous les actes de la vie civile : vente, emprunt, souscription d’un contrat…
Le régime de curatelle, ensuite, constitue une mesure de protection intermédiaire. La curatelle est ainsi destinée aux personnes dont les facultés mentales sont altérées (de manière moindre en comparaison des personnes placées sous tutelle) ou qui par la suite d’une maladie ou de l’âge avancé, ne disposent plus d’une autonomie suffisante pour gérer leurs biens ou leur personne. Il s’agit ici d’une incapacité qui n’est que partielle. Cependant, ces personnes nécessitent l’assistance d’un curateur pour les actes qui seront listés par le juge. Pour les autres, il pourra agir seul.
Le mineur est également considéré comme étant incapable. Le mineur doit s’entendre ici comme le mineur non émancipé, frappé d’une incapacité d’exercice totale. Le mineur est donc placé sous l’autorité parentale conjointe de ses deux parents ou sous l’autorité parentale d’un seul d’entre eux (divorce et autorité parentale confiée à un seul parent, mort d’un parent ou enfant naturel reconnu que par un seul des parents) ou encore, à défaut, sous l’autorité d’un tuteur dont les actes sont contrôlés par un conseil de famille. Le mineur émancipé, quant à lui, ne fera l’objet d’aucune étude en ce que l’émancipation lui confère une pleine capacité juridique. Il pourra ainsi souscrire librement et directement un contrat d’assurance vie.

Au vu de ce développement introductif, il convient de s’interroger sur le mode de combinaison des règles applicables à l’assurance vie avec le droit des incapacités régissant les personnes précitées.

L’incapacité constitue t-elle un obstacle au recours à l’assurance vie ?

Dans le but de répondre à cette problématique, nous étudierons, dans un premier temps, l’hypothèse dans laquelle la personne incapable est souscripteur ou assuré dans le cadre d’une assurance vie (Titre I).
Nous envisagerons dans un second temps, l’hypothèse dans laquelle l’incapable est le bénéficiaire du contrat d’assurance vie (Titre II).

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