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Introduction

« Presqu’un an après la clôture du Grenelle de l’environnement par le président
de la République, le 25 octobre 2007, sa première traduction s’apprête à être débattue
par le Parlement1 » pouvait-on lire dans l’édition de La Tribune du 7 octobre 2008.
Cette actualité législative traduit le vent nouveau insufflé par les discussions du
Grenelle de l’environnement qui laisse présager de nouvelles mesures propres à
endiguer le réchauffement climatique de la planète. La « révolution verte » voulue par le
ministre du Développement durable, Jean-Louis BORLOO, doit permettre d’atteindre
l’objectif des « trois 20 » : -20% de consommation énergétique, -20% d’émission de gaz
à effet de serre et +20% d’énergie renouvelable dans la consommation énergétique
finale, le tout d’ici à 2020.
Cette première dans le débat public français affecte, notamment, le secteur du
bâtiment. Fortement énergivore, il apparaît peu compatible, en l’état actuel, avec les
économies d’énergie souhaitées et encouragées par les pouvoirs publics. Il est ainsi
apparu nécessaire de développer les pratiques « d’écoconstrution ». Cela consiste à
créer des bâtiments dotés de technologies leur permettant de respecter au mieux
l’environnement et l’Écologie, en cherchant à s’intégrer le plus respectueusement
possible dans un milieu par l’utilisation de ressources naturelles et locales2. Les
manifestations de « l’écoconstruction » se traduisent notamment par l’installation de
panneaux solaires ou d’éoliennes qui apportent naturellement au bâtiment l’énergie dont
il a besoin pour fonctionner.
Les principes directeurs de « l’écoconstruction » sont repris dans la démarche Haute
Qualité Environnementale (HQE) qui définit 14 cibles d’action portant sur la
construction et les choix en matière d’entretien et d’usage des bâtiments, pour un plus
grand confort et une meilleure protection de la santé.
Le développement récent, en France, de telles pratiques, génère inévitablement
la conception et la commercialisation de matériaux et de produits nouveaux dans le
secteur de la construction. Les intervenants à l’acte de construire développent des
techniques nouvelles plus respectueuses de l’environnement. Ils sont encouragés dans
ce sens par le versement d’aides publiques ou des incitations fiscales prévues à cet effet.

In fine, ces techniques innovantes sont soumises à l’appréciation des assureurs
construction pour être garanties.
L’édification d’un immeuble, qui plus est innovant, implique des risques divers
de construction. Les responsabilités encourues et les dommages subis sont d’autant plus
graves que l’opération est complexe3. Les patrimoines privés ne peuvent donc supporter
de tels risques et doivent être protégés par des assurances.
Le régime actuel du système français d’assurance construction découle de la loi
n°78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine
de la construction4, dite « loi SPINETTA », du nom d’Adrien SPINETTA, viceprésident
du Conseil général des ponts et chaussées de l’époque et Président de la
commission interministérielle à l’origine de cette loi.
Face à certains dysfonctionnements du régime d’assurance construction, cette loi a été
adoptée à l’époque pour protéger efficacement l’usager en garantissant et en accélérant
le règlement des sinistres, en favorisant l’amélioration de la qualité des constructions
par le développement d’une structure industrielle de production, en suscitant la
moralisation du secteur de la construction, en responsabilisant les constructeurs et en
permettant la réorganisation du marché de l’assurance.
« Toilettée » depuis son adoption par l’ordonnance n°2005-658 du 8 juin 20055 et la loi
n° 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat6, la
« loi SPINETTA » n’en demeure pas moins la base juridique du système français
d’assurance construction.
Ce dernier se caractérise par un mécanisme à double détente7.
D’une part, la souscription obligatoire par le maître de l’ouvrage8 d’une assurance
dommages ouvrage, assurance de biens chargée de préfinancer, pendant la durée
d’épreuve de la construction, les travaux de réparation.

D’autre part, la souscription obligatoire par les constructeurs réalisateurs et les
constructeurs non réalisateurs, c’est-à-dire par les maîtres d’oeuvre9, d’une assurance de
responsabilité décennale, débitrice finale de la dette de réparation.
A la base, le Code civil prévoit un régime de responsabilités applicables dans le
secteur de la construction.
L’atteinte à la solidité de l’ouvrage ou son impropriété à destination relève de la
responsabilité décennale des constructeurs, prévue par les articles 1792 et 1792-2 du
Code civil. Chacun des constructeurs est tenu solidairement, à l’égard du maître de
l’ouvrage ou de l’acquéreur, à compter de la réception des travaux.
La responsabilité inhérente à l’équipement du bâtiment fait l’objet, selon l’article 1792-
3 du Code civil, d’une garantie biennale à dater de la réception de l’ouvrage.
Enfin, la garantie annale de parfait achèvement des travaux selon l’article 1792-3 du
Code civil, pèse contractuellement sur l’entrepreneur à laquelle peut être assimilée, par
nature, la garantie de l’isolation phonique et thermique de l’ouvrage.
Des polices d’assurance couvrant les risques avant réception (assurance Tous
Risques Chantiers10) ou après réception de l’ouvrage (polices responsabilité civile
décennale et dommages ouvrage) permettent l’indemnisation du constructeur ou du
maître d’ouvrage reconnu responsable. Un dispositif de clauses-types encadre le régime
obligatoire d’assurance tandis que les assurances facultatives sont soumises au principe
d’une libre négociation contractuelle.
L’utilisation croissante de nouvelles techniques dans le bâtiment amène les
assureurs à se pencher sur la question de l’assurabilité du risque innovant.
Comme dans tout processus d’assurance, les entreprises et mutuelles délimitent
le champ d’application de leurs polices en définissant les biens et évènements qu’elles
couvrent. Qu’ils énumèrent les évènements effectivement couverts ou les excusions de
garantie, les contrats d’assurance ont pour objet d’indemniser la manifestation d’un
risque qui doit être, par essence, licite, incertain dans sa réalisation, futur et dont la
survenance est indépendante de la volonté de l’assuré. Dès lors, un risque présentant les
caractéristiques énumérées doit pouvoir être facilement assuré.
Pour autant, le risque innovant constitue une source de blocage, entravant la
souscription des polices susceptibles de le couvrir.
De manière générale, les assureurs cherchent à calculer et à anticiper la probabilité de
survenance de sinistres associée aux risques qu’ils détiennent dans leurs portefeuilles.
Cette gestion des risques passe par l’utilisation de méthodes actuarielles qui permettent
d’analyser, grâce aux techniques mathématiques, économiques et statistiques, l’impact
financier futur d’un risque. Différent par la nouveauté qu’il implique, le risque innovant
est donc plus difficilement mesurable et suscite, à ce titre, une certaine réserve de la part
des assureurs. Le problème peut être ainsi posé : comment l’assurance, activité ou
l’information et la prévention sont fondamentales par nature, peut-elle être compatible
avec un risque dont la potentialité de sinistres est difficilement calculable ?
Plus précisément en matière de construction, les assureurs sont d’autant plus
handicapés par l’absence de définition du risque innovant.
Christian FERRAIS, Directeur des opérations d’Assurance à L’Auxiliaire, précisait à ce
sujet, lors d’un colloque organisé en 2007 sur le thème de « L’assurance construction,
Droit spécial ou Droit commun ? », que « les assureurs ne peuvent pas détecter le
caractère innovant d’un chantier ». La difficulté générale d’assurer un risque innovant
est donc accentuée en assurance construction, dans la mesure où l’assureur ne perçoit
que difficilement l’objet de la garantie qu’il délivre. La question est donc de savoir
comment l’assurance construction peut-elle permettre de couvrir un risque non défini ?
Obligés par la loi de couvrir les projets immobiliers qu’on leur soumet, les
assureurs construction français se trouvent dans une position délicate, enfermés dans
une logique du « tout législatif » où responsabilité et assurance sont définies par la loi.
Dans d’autres pays, les systèmes d’assurance construction semblent moins rigides.
Ainsi, la Belgique ou le Portugal connaissent des régimes où les responsabilités en
matière de construction sont édictées par le législateur mais non assorties d’obligation
d’assurance. A l’extrême, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas sont des pays
du « tout contractuel », au sein desquels le contrat définit les responsabilités entre les
parties et leurs modalités d’assurance.

Le problème de l’assurabilité du risque innovant paraît alors insurmontable pour
un assureur construction français. Obligé par la loi de le couvrir, il ne peut ni le définir,
ni le prévoir !
Pourtant, malgré des entraves à l’assurabilité d’une innovation croissante en
assurance construction (Chapitre 1), des solutions juridiques et financières apparaissent
porteuses d’avenir en la matière (Chapitre 2).

1 JANIN Rémy, Au seuil du Parlement, la loi Grenelle vire au vert pâle, La Tribune, 7 octobre 2008.
2 www.wikipedia.fr
3 LAMY Droit immobilier, Tome 1, Urbanisme, Construction, Fiscalité, ed. LAMY, 2006.
4 J.O. du 5 janvier 1978.
5 J.O. du 9 juin 2005.
6 J.O. du 29 juillet 2008.
7 BIGOT Jean et PERIER Michel, Risques et assurances construction, ed. L’ARGUS DE
L’ASSURANCE, 2007.
8 Personne publique ou privée pour le compte de laquelle des travaux ou un ouvrage immobilier sont
réalisés (Lexique des termes juridiques, ed. DALLOZ, 12ème ed., 1999).
9 Personne ou entreprise qui est chargée de réaliser un ouvrage ou des travaux immobiliers pour le compte
du maître de l’ouvrage, ou d’en diriger la réalisation (Lexique des termes juridiques, précité).
10 L’assurance Tous Risques Chantiers ou TRC est une assurance facultative qui a pour objet principal de
garantir l’ouvrage ou l’installation, pendant la période de construction, de montage et d’essais, jusqu’à
leur réception, contre les risques énumérés dans la police (notamment l’effondrement ou l’écroulement de
l’ouvrage en cours de réalisation ou un péril d’effondrement, l’incendie, l’explosion, les catastrophes
naturelles et les cataclysmes).

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