Le dictionnaire français Larousse nous offre les définitions suivantes pour le terme de
« mode » :
1. Manière particulière sous laquelle se présente quelque chose ; forme particulière d’une
action.
2. Catégorie grammaticale, relative au système du verbe, régissant, d’une part, le statut (ou
type) de la phrase et participant, d’autre part, aux moyens qui permettent au locuteur d’exprimer
son attitude à l’égard de son message. (1997)
Le terme de « mode » provient du latin modus, qui signifie « manière », « mesure ». C’est
cette idée qui est à l’origine de la notion de modalité. La modalité est avant tout la prise de
position concernant la valeur de vérité d’une proposition. C’est l’attitude qu’adopte
l’énonciateur par rapport à son énoncé ; il s’agit d’apporter une modification de sens à son
contenu. Ce concept englobe un ensemble de valeurs servant à l’expression de la subjectivité
de celui qui s’exprime, c’est pourquoi tout énoncé contient une modalité. Celle-ci inclut
plusieurs domaines, par exemple, le système d’affirmation, de négation ou d’interrogation,
l’opposition réel/irréel (avec, par exemple, l’emploi du prétérit dit « modal » en anglais), les
subordonnées hypothétiques, les auxiliaires de modalité, appelés « modaux », ou encore les
expressions de modalité (périphrases, adjectifs modaux, etc.). En anglais contemporain, les
modaux constituent le moyen essentiel d’exprimer la modalité. Une des grandes difficultés
pour les francophones est de parvenir à comprendre ce système qui reflète une façon
d’appréhender les choses différente de la leur. Contrairement au français qui combine une
richesse de temps grammaticaux avec des modes, l’anglais ne possède que deux temps, à
savoir, le passé et le non-passé. Il comporte la notion d’aspect, qui permet d’envisager le
procès exprimé par un verbe sous différents angles (aspect perfectif, imperfectif, résultatif,
etc.). Cette notion est d’ailleurs compatible avec l’emploi des modaux, ce qui permettra à
l’énonciateur de formuler son propos comme il l’entend sans avoir besoin de temps
grammaticaux variés.
Les auxiliaires modaux (que l’on appellera modaux) sont généralement au nombre de
huit : can, dare, may, must, need, ought, shall, et will. Certains linguistes préfèrent toutefois
ne pas inclure need et dare, qui sont modaux uniquement aux formes interrogative et négative,
et parfois même ought, qui diffère par le fait qu’il est suivi de to. Les modaux sont ce qu’on
appelle des verbes défectifs, c’est-à-dire qu’ils ne sont utilisés qu’au présent et au prétérit. Par ailleurs, comme leur nom l’indique, ce sont des auxiliaires, ils vont donc avoir la fonction d’opérateur de prédication dans une relation prédicative (symbolisée : S – P), c’est pourquoi ils
sont repris dans les énoncés non-assertifs (interrogations, négations) et s’excluent entre eux ; il
faut avoir recours à une périphrase si l’on veut exprimer dans un même énoncé deux idées
contenues dans des modaux différents. Par opérateur de prédication, l’on entend ce qui est au
coeur de la relation prédicative, elle-même définie par l’association d’un sujet, ou ce dont on
parle, et d’un prédicat, ce qu’on en dit. Ainsi, pour schématiser, voici la place des modaux dans
ce que l’on appelle la relation S – P :
Sujet – opérateur de prédication (ici, modal) – prédicat.
Les auxiliaires modaux sont donc la combinaison de la notion de modalité avec celle
d’auxiliaire, ce qui fait leur singularité.
Les auxiliaires modaux comportent plusieurs caractéristiques, parfois différentes de
celles des auxiliaires comme be, have ou do : ils ne prennent pas de -s à la troisième personne
du singulier au présent ; ils sont automatiquement suivis d’une base verbale et ne sont donc
pas (à l’exception de ought, généralement considéré comme un modal) suivis de to ; la
négation not se place nécessairement après eux, peu importe sur quoi elle porte (modal ou
évènement) ; ils n’ont pas d’infinitif, ni de forme en -ING, ni de participe passé.
La particularité essentielle des modaux est que, contrairement à de simples verbes, ils font
partie du domaine du non-certain. Ils servent à exprimer un jugement, objectif ou subjectif
(d’où l’opposition entre can/may, will/shall), et ont un caractère virtuel. Ils ne peuvent pas
exprimer la réalisation d’un fait, et c’est en cela qu’ils s’opposent aux expressions de modalité
(have to, be able to, etc.) qui, elles, ont un caractère factuel, font partie du domaine du certain.
C’est cette distinction qui permet de faire la différence entre des énoncés comme :
1. He could do it
2. He was able to do it
Dans le premier cas, l’emploi du modal indique un caractère virtuel ; le sujet (he) avait la
possibilité de réaliser l’évènement (do it), mais on ne dit rien sur l’actualisation de celui-ci,
alors que dans le deuxième exemple, l’évènement est actualisé : la périphrase modale be able
to exprime la réalisation du fait.
En outre, les modaux sont également compatibles avec HAVE + V-EN, ainsi que BE + V-ING
(he will have forgotten ; she must be sleeping ; etc.).
Pour certains linguistes, chaque modal a une valeur fondamentale, qui permet de
l’expliquer dans n’importe quel contexte, c’est pourquoi la division de la modalité en
catégories n’aurait pas lieu d’être. Beaucoup d’ouvrages de grammaire ne font également que
lister les modaux en décrivant leurs différentes valeurs selon les contextes. Cependant, on
distingue généralement deux grandes catégories de modaux : épistémique et radicale (on parle
également d’emploi épistémique et non-épistémique). Il convient de souligner que, malgré les
désignations « modalité épistémique » et « modalité radicale », qui risquent de laisser
entendre que certains modaux font partie d’une catégorie et que les autres appartiennent à
l’autre, ils peuvent tous appartenir à l’une ou l’autre des catégories, puisqu’il ne s’agit que de
différentes valeurs des modaux. Ainsi, les termes de « valeur épistémique » et « valeur
radicale » des modaux semblent plus appropriés.
Tout d’abord, la valeur radicale, également appelée modalité pragmatique, modalité du
sujet, ou modalité de l’action, comprend la notion de relation intersubjective et s’intéresse à
l’action. On entend parfois dire qu’il y a des modalités radicales. La modalité radicale permet
en effet d’exprimer l’obligation, l’interdiction, la permission (ce que l’on appelle la modalité
déontique, du grec deon, « devoir »), mais également des caractéristiques, comme la volonté,
la capacité. On s’intéresse donc au sujet de l’énoncé, sur lequel on exerce une pression, une
contrainte (may, must, shall), ou alors pour exprimer sa volonté, sa capacité, ses
caractéristiques (will, can). Cette valeur des modaux peut plus facilement permettre d’établir
des énoncés objectifs, puisqu’elle englobe des emplois qui décrivent le sujet, même si certains
peuvent servir à imposer quelque-chose, et donc créer des énoncés plus subjectifs. Dans le cas
de cette valeur, le sujet-énonciateur a autant d’importance que le sujet grammatical.
La modalité qui va faire l’objet de cette étude est la modalité épistémique, parfois
appelée modalité logique, modalité de la connaissance, ou modalité de l’évènement. Dans Les
Mots de la linguistiques : lexique de linguistique énonciative, Marie-Line Groussier et Claude
Rivière nous en offrent la définition suivante : « Modalité dans laquelle ce qui est dit est
caractérisé comme ce que sait celui qui le dit » (1996, p.70). L’adjectif « épistémique » vient
du mot grec épistémê, la science, la connaissance. Ainsi, ce que l’on appelle la modalité
épistémique fait référence à l’usage de notre connaissance, de notre savoir, afin d’évaluer la
relation prédicative. Il s’agit de l’engagement de l’énonciateur par rapport à la vérité de
l’énoncé ; il va faire appel à sa logique, il va rassembler ses connaissances pour donner une
estimation du degré de probabilité d’un fait le long d’une échelle où l’on trouve le certain, le
probable, le vraisemblable, etc. C’est une opération de déduction, ce qui souligne le caractère
intuitif impliqué dans cette valeur. Contrairement à la modalité radicale, la modalité
épistémique porte toujours sur l’évènement dans la relation prédicative, puisqu’elle va en
évaluer les chances de validation. Elle exprime donc la non-certitude par rapport à un
évènement. La relation S – P pourra être donnée pour vraie, avec par exemple le modal will
qui exprime la certitude de l’énonciateur, et pourtant être démentie par la suite des
évènements, d’où le caractère non-certain des modaux, et ce, malgré la conviction de celui qui
s’exprime. De plus, le seul modal à valeur épistémique porte sur l’ensemble du bloc prédicatif.
Phonétiquement, il portera donc souvent un accent primaire, par opposition à son emploi
radical, ce qui est surtout le cas pour may, might et must :
1. He ‘may be in his room.
2. You may come, if you like.
En 1, l’accentuation orale de may rend compte d’une valeur épistémique, d’une estimation faite
par celui qui parle, puisqu’il s’agit d’une hypothèse. En ce sens, le modal à valeur épistémique
prend un sens d’adverbe, qui eux sont toujours accentués dans un énoncé, et la phrase peut
donc être glosée ainsi : Maybe he is in his room. En 2, en revanche, may ne sera pas accentué ;
ce qui importe, dans la modalité radicale, c’est l’action, le modal ne porte donc pas de trace
orale de mise en valeur (sauf dans des cas d’insistance particulière). C’est pourquoi la modalité
épistémique en anglais est représentative de la prise de position dans un énoncé. Dans le cas
de must, l’accentuation ou non, selon la valeur du modal, sera d’autant plus perceptible que le
modal va être réduit :
3. It ‘must be a mistake (must aura sa forme pleine accentuée : /’mʌst/)
4. You must stop smoking (must aura sa forme réduite : /məs/, ou /məst/ devant
voyelle).
Dans la présente étude, nous nous intéresserons surtout aux cinq modaux fondamentaux : can,
may, must, shall, et will. Compte tenu du manque de pertinence de dare et need, non
seulement de plus en plus rares en tant qu’auxiliaires, mais aussi principalement incompatibles
avec la valeur épistémique, ils ne feront pas l’objet d’une étude approfondie. En revanche, il
peut être intéressant d’étudier les expressions de modalités, adjectifs modaux, etc., ayant une
valeur épistémique, tels que be likely to, be bound to, be sure to, afin de les comparer avec
leurs équivalents.
L’utilisation de la modalité logique pose un certain nombre de problèmes qui méritent
attention. Au vu des divers modaux et expressions de modalité, il convient de s’interroger sur
la place de chaque modal le long de l’échelle de probabilité des évènements. Pour cela, dans
un premier temps, l’étude de la valeur fondamentale de chacun s’avère nécessaire et aidera à
déterminer leur fonction. Prenons les exemples suivants : There’s someone at the door… 1.
That must be John. 2. That will be John. 3. That should be John. 4. That’s bound to be John. 5.
That’s sure to be John. En interrogeant des Anglophones, l’on se rend compte que la
différence est quasi-imperceptible. Pourtant, elle existe et peut être élucidée par l’étude des
modaux pris séparément. En remontant jusqu’à leurs origines et en étudiant leur étymologie,
la compréhension des auxiliaires modaux sera plus claire, dans la mesure où cela permettra
d’acquérir les bases nécessaires pour l’étude de chacun d’entre eux. Ensuite, à partir
d’exemples en contexte de modaux à valeur épistémique, une analyse plus approfondie pourra
être effectuée. Les différents niveaux de langue (littéraire, soutenu, courant, familier, etc.),
l’époque d’écriture, la variété d’anglais (britannique, américain, etc.), ou tout simplement
l’énonciateur et ses caractéristiques (homme politique, enfant, adolescent, etc.), sont des
éléments qui offrent de multiples possibilités d’interprétation des modaux épistémiques
utilisés, d’où la nécessité de travailler sur des exemples variés. La comparaison de ces
éléments, telle que l’emploi d’un modal dans un roman de Jane Austen et celui d’un roman de
Stephen King, peut aussi aider à rendre compte de l’évolution d’un modal, de sa fréquence, de
ses nuances de sens. Par exemple, l’on entend couramment que le modal may, aussi bien dans
son emploi épistémique que son emploi radical, est plus « poli » que can (permission), ou plus
soutenu. Pourtant, cette impression de politesse n’est qu’un effet de sens dû à la valeur de base
du modal, qui est perçu différemment à notre époque.
Le rôle de l’adverbe not est particulier lorsqu’il s’agit des auxiliaires modaux. Un
auxiliaire étant un opérateur de prédication, il se trouve au coeur de la relation prédicative.
Bien que not se place impérativement après l’auxiliaire modal, la question de la portée de la
négation se pose, car il peut porter aussi bien sur le modal (it can’t be true) que sur
l’évènement (it may not be true). Il s’agira donc de déterminer, pour chaque modal, sur quoi
porte la négation. En outre, le marqueur de la négation a la particularité de pouvoir faire
passer un modal d’une valeur à une autre. Ainsi, si l’ajout de not à can est impératif pour lui
donner une valeur épistémique, il attribue en revanche une valeur radicale à must.
Parfois, il est difficile de déterminer si un modal a un emploi épistémique ou radical.
C’est le cas, par exemple, du modal will lorsqu’il est à la première personne :
I’ll go with you.
Dans cet exemple, l’emploi de will avec la première personne du singulier montre certes la
volonté du sujet I, ce qui indiquerait une modalité radicale, mais il montre également une
prédiction, ce qui est plutôt de l’ordre de la modalité épistémique.
Il arrive que des éléments permettent de trancher. Ainsi, l’emploi de it impersonnel sera plutôt
compatible avec une valeur épistémique, tout comme le recours à la forme en -ING, qui
d’ailleurs sert souvent à neutraliser la valeur radicale, comme nous le verrons. En revanche, il
arrive que le simple ajout d’un repère temporel, par exemple, fasse basculer une valeur vers
l’autre :
1. She must be at home.
2. She must be at home by midnight.
Le cas n°1 présente une valeur épistémique ; l’énonciateur évalue les chances de validation de
la relation prédicative
que dans le second cas, l’ajout du repère temporel by midnight apporte au modal une valeur
radicale (ici, une obligation, et non plus une estimation) car il indique que l’évènement n’a
pas eu lieu.
Si la valeur fondamentale d’un modal permet de l’expliquer, il en résulte qu’il y a des cas où la
distinction entre épistémique et radicale est difficile et discutable. Ainsi, dans le cas du may
que l’on appelle « may concessif », l’on verra que les deux valeurs se superposent, tout comme
dans le cas de will à la première personne. De même, le cas de should, parfois également
employé dans des propositions introduites par un adjectif appréciatif (it is strange that, it is
natural that, etc.) ou des expressions comme so that ou lest, sont complexes et méritent
attention, afin de déterminer si, selon l’expression employée, il s’agira d’une valeur
épistémique ou radicale. Les contextes sont la plupart du temps d’une très grande utilité et
permettront de trancher :
They should be doing their homework.
En l’absence de contexte, cette phrase peut être ambiguë, et la forme en -ING, contrairement à
ce qui a été dit, ne peut pas aider ici à déterminer la valeur du modal. Should peut être
épistémique ; il s’agirait d’une hypothèse émise par l’énonciateur sur la relation
peut cependant être radical et l’ajout de la forme en -ING ajouterait une nuance de reproche.
Ainsi, l’étude des contextes dans lesquels s’insèrent les énoncés comprenant une modalité
épistémique est primordiale.
Avec la modalité épistémique, l’énonciateur évalue la probabilité d’un évènement.
Cette évaluation peut toutefois se faire à plusieurs niveaux : elle peut être située dans le
présent et concerner un fait présent ou futur ; elle peut être située dans le présent, mais
concerner un fait passé ; enfin, elle peut être elle-même passée. En anglais, la terminaison –
ED, habituellement attribuée au prétérit, indique une coupure, un décrochage par rapport à la
situation d’énonciation, « un événement vu comme non-réel au moment présent » (P. Larreya
et C. Rivière, 1991, p.27). Ce décrochage peut être temporel ou non, c’est pourquoi cette
terminaison a plusieurs valeurs. Il peut tout d’abord s’agir d’un -ED chronologique, ou
temporel : celui-ci est utilisé pour faire référence à un passé de narration, et sert à former le
prétérit (past tense) : He is here > He was here. Ici, was = be + ED, et indique un changement
de temps, en faisant référence au passé. Par extension, -ED permet également de réaliser la
concordance des temps, nécessaire pour le passage du discours direct au discours indirect ; on
parle alors de -ED de discours rapporté, ou –ED de translation : ‘We’re going to get married’
> They said they were going to get married. Ensuite, il existe le -ED métalinguistique, ou
non-temporel, qui sert non plus à se référer au passé, mais à indiquer un décrochage autre ;
c’est cette valeur qui forme, par exemple, le prétérit dit « modal ». Ainsi, dans I wish you were
here, were est la combinaison de be avec un -ED métalinguistique qui représente non pas un
repère temporel passé, mais de l’irréel. On peut également exprimer, à l’aide de cette valeur,
des hypothèses, ou tout simplement créer un effet d’atténuation du propos. En outre, l’on
remarque que la désignation « prétérit modal » est en accord avec la définition de la modalité
donnée plus haut : il n’exprime plus le passé, mais la prise de position de l’énonciateur à
travers la formulation d’une hypothèse, d’un souhait, etc. Contrairement à la valeur radicale, la
valeur épistémique n’autorise normalement pas l’ajout du -ED chronologique lorsqu’il s’agit
d’exprimer une hypothèse sur un fait passé, hormis les cas de concordance des temps. La
principale valeur qui peut y être attribuée est la valeur métalinguistique. Le -ED ajouté aux
modaux, dans les contextes où il s’agit de modalité épistémique, sert à exprimer un
décrochage avec la situation qui n’est pas temporel, puisqu’il peut toujours permettre d’évaluer
les chances de réalisation d’un fait présent, voire futur. C’est pourquoi il est pertinent de
s’intéresser à la valeur de -ED lorsqu’il permet de changer can, may, shall, et will en could,
might, should, et would. Le modal must, quant à lui, est, de par son étymologie, déjà un
prétérit, il n’a donc pas de forme en -ED.
Si la valeur temporelle du morphème habituellement utilisée pour désigner du prétérit,
en tant que past tense, est incompatible avec les modaux épistémiques, il sera intéressant de
voir comment se font les références au passé. La modalité épistémique exprime avant tout
l’incertitude, c’est peut-être ce qui explique pourquoi -ED ne permet pas une indication d’un
repère temporel passé, dans la mesure où une hypothèse peut porter sur un fait passé mais être
elle-même située dans le présent. Lorsque l’énonciateur souhaite évaluer dans le présent le
degré de probabilité d’un évènement passé, le simple ajout de -ED ne convient pas ; il faut
recourir à d’autres moyens qui seront étudiés. Enfin, pour décrire une estimation dans le passé
d’un événement, les modaux ne seront généralement plus utilisés au profit d’autres expressions
de modalité.
Les modaux à valeur épistémique peuvent exprimer une estimation dans le présent sur
un fait passé, mais ne peuvent exprimer une estimation elle-même située dans le passé (sauf
dans des cas de concordance des temps). C’est pourquoi chaque modal possède une
« doublure », ou périphrase. Certaines, cependant, ont beau avoir un sens proche de celui d’un
modal, elles ne peuvent être considérées comme des doublures exactes. Par exemple, dans le
cas de l’expression be bound to, bien qu’elle soit assez proche de must ou will, elle ne peut être
rattachée avec certitude ni à l’une, ni à l’autre. Ces expressions de modalité servent également
à combiner deux idées contenues dans deux modaux différents, puisque ceux-ci se rejettent.
De plus, elles peuvent être utilisées dans des contextes où les modaux ne peuvent pas ; par
exemple, may étant peu probable dans une interrogation, il faudra recourir à l’expression be
likely to. Néanmoins, étant donné le caractère virtuel unique aux modaux, il apparaît logique
que ces doublures ne seront pas leurs parfaits synonymes. Il sera donc pertinent d’établir une
comparaison entre les modaux et leurs périphrases, pour ainsi déterminer la place que ces
dernières occupent sur l’échelle de probabilité symbolisant la modalité épistémique.
Il arrive également que les expressions de modalité soient ambiguës elles aussi ; c’est par
exemple le cas de be going to dans certains contexte où, comme will, il peut signifier à la fois
la prédiction (valeur épistémique) et la volonté ou l’intention du sujet (valeur radicale).
La modalité épistémique au sens large comprend donc tout ce qui a trait à la
formulation d’une estimation, d’une déduction, d’une hypothèse, basées sur les connaissances
et la logique de l’énonciateur. Tous les éléments permettant d’exprimer ces notions (modaux,
expressions de modalité) ont leur importance et chacun a son propre degré de probabilité.
L’ajout du marqueur de négation not, mais également l’ajout de -ED, attribuent des nuances de
sens aux modaux, qui vont alors avoir un effet différent. Le cas de l’ambiguïté entre les deux
valeurs d’un modal a aussi une influence vis-à-vis de l’interprétation de l’énoncé. Ainsi, il
convient de s’intéresser à la modalité épistémique dans son ensemble et sous tous ses angles,
afin de tenter de la différencier clairement de la modalité non-épistémique. L’analyse de son
fonctionnement, de ses effets de sens, établira une piste vers la compréhension du système des
auxiliaires modaux, difficilement cernable pour les francophones.