« alea jacta est », le sort en est jeté. C‟est pour aller à l‟encontre de ce sort pouvant être heureux mais également funeste qu‟oeuvre le droit des assurances. Il permet de se prémunir contre les coups du destin, et par ce fait de l‟influencer. L‟homme a ce besoin de maîtriser le court de sa vie qui le pousse à devenir précautionneux. L‟assurance offre la possibilité de prévoir la gestion des événements les plus incertains, ce qui séduit le cocontractant à la recherche d‟un avenir sécurisé.
Le droit des assurances prévoit que le contrat d‟assurance doit nécessairement être aléatoire faute de quoi il encourt la nullité. Cependant, il existe une divergence en ce qui concerne l‟appréciation même de la notion d‟aléa. Cette divergence est évolutive, la notion retenue s‟est effectivement transformée graduellement et continuellement.
Les notions de risque, d‟événement ou encore d‟aléa se doivent d‟être précisément définies eu égard à la complexité de leur substance. Ces notions peuvent en effet faire l‟objet de différentes approches. Il est donc nécessaire d‟appréhender un certain nombre d‟éléments dans le cadre de l‟introduction à l‟étude de l‟évolution de la notion d‟aléa en droit des assurances, afin de mettre en perspective l‟ensemble des concepts permettant de justifier l‟une ou l‟autre des visions objective et subjective de l‟aléa.
1. APPROCHE PHILOSOPHIQUE
Le hasard est l‟essence même de la vie humaine, il est inhérent à l‟homme. De ce fait, Bergson fait le constat suivant : « il n’y a de hasard que parce qu’un intérêt humain est en jeu ». En cela, il démontre comment la chance et la malchance sont essentiellement un vécu heureux ou malheureux.
Le droit a toujours été confronté à l‟aléa. Il a donc été nécessaire de concilier ces deux notions pourtant de prime abord antagonistes. En effet, le droit est présent pour contrer l‟aléa qui est toutefois inhérent à nos vies. Le droit a pour leitmotiv l‟encadrement, la sécurité et pourtant il existe certain contrat puisant leur légitimité au sein de l‟aléa. L‟aléa est le grain de sable qui enraye la machine, contrant le droit qui est prévision et organisation.
Dans cette logique, le droit des assurances vise à réguler le hasard, à le maitriser.
Le contrat d‟assurance est « la plus prodigieuse technique juridique de domestication du hasard »(1). La jurisprudence a, à de maintes reprises énoncé que le hasard est l‟essence de ce contrat(2). L‟homme ignore ce dont sera composée sa vie, il ignore les événements qui interviendront et plus que tout autre chose il ignore leur date de survenance. C‟est pourquoi l‟assurance s‟est développée, afin de permettre à l‟homme de se prémunir contre l‟ensemble de ces événements inconnus.
Grâce à l‟opération d‟assurance, l‟assuré se trouvera dans une situation financière quasiment identique, indépendamment de l‟éventuelle survenance de l‟événement. Cette construction s‟inscrit dans une continuité juridique qui vise depuis l‟antiquité à garantir une certaine sécurité juridique. Le droit est amené à construire des règles sur les bases du hasard, l‟aléa est appréhendé, domestiqué puis apprivoisé.
En droit des assurances, l‟aléa détient donc une place toute particulière, sa définition ne peut donc pas être la même que dans un autre contrat.
2. NOTION D’ALEA EN DROIT DES ASSURANCES
La notion d‟aléa peut être traduite par le doute ou bien encore par l‟incertitude(3). L‟aléa est en effet « l’élément de hasard, d’incertitude qui introduit, dans l’économie d’une opération, une chance de gain ou de perte pour les intéressés et qui est l’essence de certains contrats. Plus précisément, c’est un événement de réalisation ou de date incertaine dont les parties à une convention acceptent de faire dépendre le montant de tout ou partie de leur prestation réciproques de telle sorte qu’il soit impossible de savoir, avant cette complexe exécution, s’il y aura un bénéficiaire ou qui ce sera »(4).
L‟état psychologique d‟un assuré ou d‟un assureur n‟est pas celui d‟un joueur. Le but de l‟assurance est de réduire les conséquences du hasard, le joueur quant à lui provoque ce hasard. On peut donc se demander si le contrat d‟assurance est vraiment aléatoire puisque son essence même vise à contrer l‟aléa.
Sur un plan technique, la mutualisation des risques qui repose sur des lois statistiques, tend à éliminer le hasard. Cependant, cette mutualisation s‟effectue nécessairement sur l‟ensemble des contrats souscrits auprès d‟une même compagnie. Chaque contrat pris isolément est aléatoire, mais il concourt à l‟opération de mutualisation. Or, selon Luc Mayaux, « c’est l’activité d’assurance prise dans son ensemble qui est aléatoire et pas chaque contrat pris isolément »(5). Dès lors, l‟aléa serait transféré du contrat à l‟activité d‟assurance.
L‟article 1104 du Code civil énonce une «chance de gain ou de perte ». Or, du fait du principe indemnitaire, l‟assuré ne peut en aucun cas espérer un gain. Cependant, l‟essence du contrat résiderait dans l‟impossibilité de connaitre à l‟avance l‟avantage escompté du contrat(6). Le souscripteur achète un certain niveau de sécurité. Dans le contrat d‟assurance contrairement au pari, l‟assuré et l‟assureur ne contractent pas l‟un contre l‟autre. En effet, leur but commun est la non réalisation de l‟événement assuré. C‟est pourquoi Pothier a écrit que «dans le contrat d’assurance, l’une des parties ne cherche pas la perte du bien de l’autre(7)». Aucune des parties n‟a d‟intérêt à ce que l‟événement assuré se réalise, bien que ce propos soit à nuancer eu égard à l‟existence de contrat d‟assurance en cas de vie où l‟assuré a alors intérêt à ce que l‟événement prévu au contrat se concrétise.
On peut s‟interroger quant à l‟intérêt qu‟il existe de définir de façon distincte la notion de contrat aléatoire au sein de deux articles du Code civil. Selon Hubert Groutel(8), il existe une opposition supposée entre les articles 1104 et 1964 du Code civil. De fait, l‟article 1104 du Code civil définirait un genre, tandis que l‟article 1964 du Code civil dresserait la typologie des différentes espèces appartenant au genre. Le genre serait donc la définition générale du contrat aléatoire et les espèces seraient les différents contrats aléatoires existants. Il ressort de ces articles qu‟il existe deux types de contrats aléatoires : ceux qui ont pour but de procurer la sécurité contre le hasard et ceux ayant pour but même de spéculer sur le hasard. Le contrat d‟assurance est bien entendu celui qui procure de la sécurité contre le hasard.
De l‟article 1104 du Code civil ressort que l‟aléa comporte trois éléments constitutifs(9) : un aléa événementiel, un aléa économique ainsi que l‟existence d‟un lien de causalité entre les deux. L‟aléa événementiel est « un événement incertain introduit par les parties dans l’économie du contrat ». L‟aléa économique est « le rapport final qui s’établira entre les effets produits par le contrat à l’égard de l’une et de l’autre partie est, au moment de la conclusion du contrat, ignoré par elle». Certains auteurs pensent que l‟aléa événementiel suffit, c‟est pourquoi, Luc Mayaux à pu écrire que « l’impression que le contrat d’assurance n’est pas aléatoire est entretenue par un certain nombre d’indices »(10).
Si le caractère intrinsèquement aléatoire du contrat d‟assurance peut éventuellement être discuté, il n‟en reste pas mois qu‟il figure en mauvaise compagnie, certes, mais en bonne place dans la liste des contrats aléatoire énoncée par l‟article 1964 du Code civil(11). L‟article 1104 du Code civil(12) quant à lui donne une définition succincte du contrat aléatoire.
Ces articles ont été rédigés alors que l‟assurance était peut connue, il est probable qu‟ils n‟avaient en vue que l‟assurance maritime, sans envisager l‟assurance terrestre.
Les rédacteurs du Code civil se sont contentés de classer le contrat d‟assurance parmi les contrats aléatoires. Cependant, comme l‟affirme Jérome Kullman, « le Code des assurances ne comprend pas de disposition qui affirme formellement ce caractère fondamental du contrat d’assurance »(13). En effet, le mot « aléa » n‟est jamais employé. Cette omission volontaire laisse place à une plus grande liberté doctrinale.
Toutefois, le caractère aléatoire du contrat d‟assurance est affirmé dans le Code des assurances dans le cadre de son exécution puisque la faute intentionnelle est inassurable. De même, la perte totale de la chose entraine la nullité du contrat d‟assurance. En effet, l‟assurance étant l‟opération par laquelle « un assureur organise en une mutualité une multitude d’assurés exposés à la réalisation de certains risques et indemnise ceux d’entre eux qui subissent un sinistre grâce à la masse commune des primes collectées. »(14). Les assurés se doivent d‟être exposés à la réalisation de certains risques, de sorte que cette exposition se doit d‟être aléatoire sous peine d‟altérer la mutualité nécessaire à toute gestion assurantielle.
Le contrat d‟assurance est aléatoire et onéreux. N‟étant pas à titre gratuit, chacune des parties reçoit un avantage. La réciprocité du risque est essentielle. Cependant, la détermination du montant des primes payées par l‟assuré ne dénature pas le contrat aléatoire. Le résultat doit tout de même nécessairement dépendre de l‟événement incertain. Il ne saurait y avoir de contrat aléatoire sans prise de risque pour chacune des parties.
Traditionnellement, il n‟y a pas d‟aléa sans risque de perte. Ce risque de perte doit impérativement être réciproque. L‟avantage reçu est la contrepartie du risque de perte, c‟est pourquoi le contrat n‟est pas aléatoire si les parties n‟ont rien à perdre en contrepartie de ce qu‟elles peuvent recevoir. Si elle n‟est pas énoncée de façon explicite au sein du contrat d‟assurance, la notion d‟aléa est néanmoins nécessaire à la mise en place du contrat d‟assurance. Cette notion a un rôle prépondérant dès la formation du contrat mais également tout au long de son exécution.
3. LE ROLE DE L’ALEA DANS LE CONTRAT D’ASSURANCE
Selon la jurisprudence, le contrat est aléatoire « lorsque l’avantage que les parties en retireront n’est pas appréciable lors de la formation du contrat parce qu’il dépend d’un événement incertain »(15). La période pendant laquelle l‟aléa est exigé n‟est pas cantonnée à la formation du contrat, elle perdure également lors de son exécution. Cependant, le caractère subjectif ou objectif de l‟aléa n‟a de sens que lors de la conclusion du contrat. En effet, l‟aléa
doit être appréhendé au moment même de la conclusion du contrat. Les conséquences de l‟absence d‟aléa au moment de la prise d‟assurance peuvent avoir lieu tout au long de la vie du contrat d‟assurance. Cependant, le défaut d‟aléa peut également avoir un impact lors de l‟exécution du contrat si l‟aléa fait défaut du fait de l‟assuré. La notion d‟aléa n‟est toutefois pas discutée à cette étape même si elle permet toutefois d‟apprécier la notion de faute intentionnelle.
L‟aléa a pour fonction de qualifier le contrat d‟assurance. Le Code civil établit une distinction entre contrat aléatoire et contrat commutatif à l‟article 1104. Cette caractéristique permet la qualification du contrat. Si les parties ont des obligations en parfaite équivalence dès sa conclusion, le contrat est commutatif. Sinon, il est aléatoire. Le critère de l‟aléa est donc nécessaire à la qualification du contrat d‟assurance. Cette qualification permet ensuite l‟application du régime en découlant.
Il semble que l‟un des principaux intérêts de la qualification du contrat aléatoire soit le contrôle de l‟équivalence des obligations réciproques. Dans le contrat aléatoire, les parties ne peuvent qu‟estimer l‟équivalence de leur obligation. Ainsi, l‟assuré et l‟assureur considèrent que leurs obligations respectives du paiement de la prime et de couverture et règlement sont équivalentes. Cependant, ce ne peut être qu‟une estimation puisque le résultat final est par essence inconnu des deux parties. Le résultat économique du contrat dépend uniquement du hasard. C‟est pourquoi l‟aléa chasse la lésion, le déséquilibre ne peut pas, en principe, être sanctionné.
L‟utilité du contrat d‟assurance ne s‟arrête pas à une éventuelle qualification. En effet, son absence peut entrainer la nullité ou la caducité du contrat. Elle permet également de délimiter l‟étendue de la garantie dans le temps puisqu‟il existe une inassurabilité de la faute intentionnelle et une nécessaire présence d‟un aléa dans le cadre de l‟exécution du contrat. L‟aléa doit donc être présent dès la conclusion du contrat, mais également tout au long de son exécution. L‟incertitude qui entoure la réalisation du risque au jour de la souscription disparait lorsque le sinistre procède de la volonté arbitraire de l‟assuré. La résistance de l‟exigence d‟aléa au stade de l‟exécution du contrat n‟est pas toujours adaptée aux circonstances. Ainsi, en assurance de responsabilité, elle conduit à priver de garantie la victime d‟une faute intentionnelle de l‟assuré.
L‟absence d‟aléa au sein du contrat d‟assurance entraine sa nullité. Cependant, s‟agit-il d‟une nullité relative ou absolue ? Il est important de s‟interroger sur ce point puisque les conséquences de cette distinction sont importantes à tous points de vu. En effet même si depuis la réforme du 17 juin 2008 le délai de prescription est de cinq ans qu‟il s‟agisse de nullité relative ou de nullité absolue, les personnes pouvant agir en nullité sont différentes selon que la nullité est relative ou absolue. La nullité relative est une nullité d‟intérêt privé que seule peut invoquer la partie protégée alors que la nullité absolue sanctionne la violation d‟une règle d‟intérêt général ou l‟absence d‟un élément essentiel à un acte et peut être demandée par tout intéressé. De même, seul un accord encourant la nullité relative peut être confirmé par les parties. On peut définir la confirmation comme étant un acte par lequel une personne renonce unilatéralement à se prévaloir de la nullité relative d‟un acte juridique.
Un arrêt rendu le 9 novembre 1999(16) par la Cour de cassation permet de répondre à ce questionnement. Il s‟agit d‟un arrêt rendu à propos de l‟assurance d‟un golf affecté d‟un sinistre connu de l‟assuré antérieurement à la souscription de la police. La Cour de cassation a estimé que la validité de la police n‟était pas nécessairement affectée, la nullité pour défaut d‟aléa étant relative.
L‟assureur, bénéficiaire du droit d‟invoquer la nullité peut donc y renoncer pour des raisons d‟opportunité par exemple. Cela ne compromettra pas la validité de ses recours par la suite au titre de l‟action directe. Le fait que la nullité soit relative signifie que la nullité pour absence d‟aléa n‟est pas une nullité pour absence de risque. En effet, le risque est l‟objet même du contrat d‟assurance et ce à travers la notion d‟obligation de couverture incombant à l‟assureur. Cependant, le contrat dont l‟objet est inexistant encourt la nullité absolue. L‟hypothèse d‟un contrat d‟assurance sans risque à couvrir est inconcevable. Il est radicalement nul, d‟une nullité pouvant être invoquée par quiconque et insusceptible de confirmation. La nullité pour absence de cause étant désormais relative pour la jurisprudence(17), il semble donc que le défaut d‟aléa soit assimilé à une absence de cause.
Même si la nullité est destructrice, le fait qu‟elle soit relative permet une certaine sauvegarde du contrat. En effet, à supposer que l‟assuré accepte que le sinistre ne soit pas couvert puisque réalisé avant la souscription du contrat, et qu‟il continu à payer les primes, l‟assureur ayant encaissé les primes ne pourrait invoquer l‟exception de nullité dans l‟hypothèse de survenance d‟un nouveau sinistre. L‟encaissement des primes vaut alors confirmation. L‟aléa est de fait utilisé pour délimiter l‟étendue du contrat mais n‟en conditionne pas la validité.
L‟absence d‟aléa est à l‟origine de l‟anéantissement du contrat d‟assurance que cela soit pour l‟avenir seulement ou de façon rétroactive. L‟aléa doit nécessairement porter sur l‟événement incertain, objet de la garantie du contrat. L‟élément qui est déjà arrivé ou qui n‟est pas arrivé mais qui ne pourra plus jamais arriver n‟est pas aléatoire. C‟est en ce sens que l‟aléa se rapproche du risque puisqu‟un contrat sans aléa est alors un contrat sans risque. Lorsque l‟incertitude disparait, elle emporte l‟aléa avec elle. Certains risques ne peuvent se réaliser à nouveau. Lorsque la réalisation du risque est postérieure à la souscription du contrat, il encourt la résiliation mais en aucun cas la caducité. La caducité est réservée au cas de la perte totale de la chose, à la condition qu‟elle résulte d‟un événement non couvert par le contrat car le risque cesse de courir.
Si le sinistre est antérieur à la souscription, la solution est différente, le contrat est alors nul pour défaut d‟aléa. Selon le Professeur Luc Mayaux, il est à souligner que le Code des assurances ne prévoit la nullité du contrat que si la chose a déjà péri. Auquel cas, seule la perte totale de la chose entraine la nullité du contrat pour défaut d‟aléa. Le Code envisage également le fait que la chose ne soit plus exposée aux risques. Cependant, la jurisprudence ne semble pas faire de cas de cette distinction en énonçant la nullité du contrat pour défaut d‟aléa en toute circonstance. Il semble donc que l‟aléa ne s‟identifie pas exactement au risque puisque c‟est l‟événement réalisé supposé connu des parties qui conditionne l‟existence de l‟aléa et non pas les conséquences de cet événement sur le risque.
4. EQUIVALENCE DE LA NOTION DE RISQUE ET D’ALEA
On peut définir le risque comme étant un événement dommageable dont la survenance est incertaine quant à sa réalisation ou à la date de cette réalisation. L‟assurance porte sur des faits déterminés comportant une incertitude : l‟aléa. Cependant, l‟aléa bénéficie d‟une certaine autonomie par rapport à la notion de risque.
Il y a risque quand une personne se trouve dans une situation d‟incertitude. Le risque est une situation, c’est-à-dire un état de fait, généralement durable, voire intermittent, à laquelle est exposé l‟assuré(18). « Être en risque c’est être en danger(19) », le risque serait donc un événement redouté, synonyme de péril. Cependant, il peut arriver que l‟événement incertain soit envisagé favorablement comme en assurance en cas de vie. Cela n‟entachera en aucun cas l‟assurance de nullité. Le risque n‟a donc pas à être entendu comme un événement redouté, l‟essentiel est l‟incertitude au regard de l‟événement envisagé.
Peut-on cependant assimiler les notions de risque et d‟aléa ? Avant toute démonstration il parait nécessaire de souligner que le risque et l‟événement sont à distinguer. En effet, l‟événement réalise effectivement le risque, alors que le risque préexiste à l‟événement redouté et lui survie si toutefois le sinistre demeure répétitible. Dès lors, peu importe qu‟un sinistre antérieur connu se soit produit avant la conclusion du contrat, si un sinistre de même nature peut se produire à nouveau. Ainsi par exemple, en cas d‟accident survenu à un véhicule avant la conclusion d‟un contrat d‟assurance automobile, le contrat ne sera pas frappé de nullité alors même qu‟un risque connu s‟est déjà réalisé, mais ce risque connu ne sera pas couvert par le contrat. Il est nécessaire de différencier le risque et l‟événement, qui ne sont pas toujours assimilables. En l‟espèce, le risque connu préexistera toujours à la conclusion du contrat d‟assurance, c‟est d‟ailleurs ce qui en motive la conclusion. Afin de déterminer la nature de la notion de l‟aléa, il conviendrait d‟apprécier l‟état de connaissance du risque et de l‟événement.
En définitif, les notions de risque et d‟aléa se confondent uniquement dans le sens où le risque est nécessairement aléatoire en droit des assurances.
5. PROBLEMATIQUE
Si lors de la souscription du contrat d‟assurance le preneur sait que le sinistre couvert s‟est déjà réalisé, l‟assurance est alors frappée de nullité. En revanche, il existe deux conceptions du risque assurable pouvant être envisagées lorsque celui-ci s‟est réalisé avant la souscription du contrat et qu‟il est inconnu des parties.
Le contrat d‟assurance est aléatoire, encore faut-il déterminer de quel aléa il s‟agit. En effet, il existe deux visions de la notion d‟aléa et le choix de l‟une ou de l‟autre conception de l‟aléa conditionne la qualification, l‟existence et l‟exécution des contrats aléatoires. Selon la conception retenue, les conséquences vont être radicalement différentes.
La conception objective se réfère uniquement à la situation réelle du risque. Elle s‟en tient aux faits, peu importe que les parties aient conscience de la réalisation du risque. La conception subjective tient compte de l‟existence de l‟aléa dans l‟esprit du contractant à l‟opération d‟assurance. Il ne sera question ici que de l‟aléa apprécié au temps de la souscription et non de celui qui conditionne les prestations de l‟assureur en cours de contrat.
Il convient dès lors de s‟intéresser à la façon dont évolue l‟instrumentalisation du caractère aléatoire du contrat d‟assurance et sa répercutions sur la notion d‟aléa. Il paraît nécessaire qu‟une conception dualiste de la notion soit retenue (PARTIE 1) même si dans le cadre de l‟application de ces notions, celle de l‟aléa subjectif semble prédominante (PARTIE 2).
1 Association Henri Capitant , P. BAILLOT , Y.-M. LAITHIER , A.-C. MULLER , Collectif, L’aléa – Journées nationales; Tome XIV/Le Mans, Rapport introductif par Valérie Lasserre-Kiesow.
2 Cass. 1re civ. 11oct. 1994, n°93-11.295, Bull civ. I, n°277.
3 T.G.I. de Villefranche-sur-Saône, 10 novembre 1989.
4 G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, ed.2007.
5 L. MAYAUX, Les grandes questions du droit des assurances, L.G.D.J., ed. 2011.
6 H. GROUTEL, F.LEDUC, P. PIERRE, M. ASSELAIN, Traité du contrat d’assurance terrestre, litec, n°162, note 340.
7 POTHIER, Traité des contrats aléatoires « selon les règles tant du for de la conscience que du for extérieur », t. 4, éd. Rouzeau-Montaut, 1767, p. 313.
8 H. GROUTEL, F.LEDUC, P. PIERRE, M. ASSELAIN, Traité du contrat d’assurance terrestre, litec.
9 H. GROUTEL, F.LEDUC, P. PIERRE, M. ASSELAIN, Traité du contrat d’assurance terrestre, litec, n°162.
10 L. MAYAUX, Les grandes questions du droit des assurances, L.G.D.J., ed. 2011.
11 « Le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain. Tels sont : Le contrat d’assurance, Le jeu et le pari, Le contrat de rente viagère.»
12 « Lorsque l’équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d’après un événement incertain, le contrat est aléatoire. »
13 J. KULLMANN, Lamy assurances, Le contrat d’assurance, éd. Lamy 2011.
14 Y. LAMBERT-FAIVRE et L. LEVENEUR, Droit des assurances, 12e édition, Coll. Précis Dalloz.
15 Cass. Com., 10 juin 1960.
16 Cass. 1re civ. 9 nov. 1999, n° 97-16.306, n° 1706 : RGDA 2000. 33, note J. Kullmann.
17 Cass. 1ère civ. 20 février 2001 n°99-12574, Bull civ. 2001.
18 J. BIGOT, Traité de droit des assurances, tome III, n°55.
19 L. MAYAUX, Les grandes questions du droit des assurances, L.G.D.J., ed. 2011.
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