I- INTRODUCTION GENERALE
Les scorpions constituent au sein des Arthropodes un ordre mineur mais de grande importance médicale. Ils sont d’un naturel craintif et peuvent piquer lorsqu’ils sont dérangés ou malmenés. Le scorpionisme, pathologie de l’envenimation scorpionique, est un problème qui sévit à travers les cinq continents. Par sa fréquence et sa gravité, il constitue un réel souci pour la santé publique d’une ampleur préoccupante dans de nombreux pays de l’Afrique du Nord, Moyen Orient, Inde et l’Amérique du Sud (1). Les études épidémiologiques rapportent que plus de 5000 personnes dans le monde en meurent chaque année (2).
Au Maroc comme dans beaucoup de pays chauds les piqûres et les envenimations scorpioniques constituent un accident à la fois fréquent et grave. Elles sont la première cause d’intoxication avec 50 à 60% de cas déclarés au Centre Antipoison du Maroc avec une incidence moyenne qui varie entre 0 et 2.45‰ selon les régions. Elles se manifestent particulièrement pendant la saison estivale. La létalité globale est de 4.2‰ intéressant dans 90% des enfants d’âge inférieur ou égal à 15 ans. (3, 4).
Les conséquences économiques et sociales sont importantes puisque cette pathologie occupe 5% de l’activité des urgences, 6.3% de l’activité des services de réanimation et en général des millions de dirhams sont dépensés chaque année pour l’achat de médicaments. En plus, des dépenses de la population rurale vers les hôpitaux et a des conséquences sur le développement de la structure familiale en cas de mort brutale d’enfants jeunes en bonne santé.
Conscient de l’importance et de la gravité des piqûres et des envenimations scorpioniques au Maroc, et afin d’accomplir au mieux ses missions, le centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM) s’est engagé depuis 1990 à surveiller plus particulièrement cette pathologie. Le résultat en a été l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte contre les piqûres et les envenimations scorpioniques, objet d’une circulaire ministérielle (DELM/ INH/ CAPM du 17 mars 1999) adressée à toutes les régions du Maroc avec des recommandations pour sa mise en place L’objectif général de cette stratégie est de diminuer la morbidité et la mortalité causées par l’envenimation scorpionique.
Les objectifs spécifiques sont de:
– Réduire l’incidence des piqûres de scorpion
– Améliorer le comportement de la population et des professionnels de santé vis à vis des piqûres de scorpion
– Améliorer la prise en charge thérapeutique des malades piqués par le scorpion
– Rationaliser l’utilisation des services
L’une des composantes principales de la stratégie de lutte contre les piqûres et les envenimations scorpioniques est l’installation d’un système d’information.
Quatre supports d’information permettant de standardiser l’information sur les piqûres et les envenimations scorpioniques ont été élaborés: le registre, les fiches de référence, les fiches de contre référence, les dossiers d’hospitalisation et les relevés mensuels.
Ces supports ont pour objectif de suivre les différents indicateurs de morbidité et de mortalité liés à ce problème et par conséquent d’évaluer l’impact de la stratégie.
Nous nous proposons à travers cette étude rétrospective de :
– Préciser le profil épidémiologique, clinique, thérapeutique et évolutif des envenimations scorpioniques au Maroc.
– Confrontation de nos données avec des études nationales et internationales
– Evaluer l’efficacité de la stratégie du CAPM pour la lutte contre les PES.
II-SCORPION
A- PALÉONTOLOGIE ET RÉPARTITION
Les Scorpions sont considérés, après les Limules, comme étant les plus grands des Arachnides (5). Actuellement, les plus grands d’entre eux sont Hadogenes troglodytes (21cm) et Pandinus imperator (18 à 20 cm) (6).
Les premiers scorpions fossiles dont l’apparition date du Silurien moyen (425 – 450 millions d’années (MA), étaient aquatiques ou du moins amphibiens (7); ils ont évolué vers le milieu estuaire en fin de Silurien il y a 400 MA puis vers le milieu terrestre à partir de la fin du Dévonien et au début du Carbonifère (350 – 325 MA) (8). Les scorpions actuels ressemblent très étroitement aux formes du Paléozoïque à l’exception des systèmes locomoteur et respiratoire qui ont dû s’adapter en raison de la migration vers le milieu terrestre (9). Les scorpions les plus anciens étaient déjà hautement spécialisés et leur évolution semble s’être arrêtée très tôt (10). Ils ont peu changé depuis près de 400 MA, pour cette raison plusieurs auteurs considèrent ces animaux comme “fossiles vivants” ou “animaux panchroniques” par leur morphologie extrêmement conservatrice (11).
Considérés comme des représentants typiques de la faune des déserts ou des semi-déserts chauds, les scorpions se montrent capables de coloniser les milieux les plus variés des régions tropicales ou tempérées jusqu’à 5000m d’altitude (10).
Certaines espèces sont de véritables cavernicoles et peuvent vivre à 800 m de profondeur (2). Cependant, ils ne s’étendent pas au-delà des 50° au nord et au sud de L’équateur.
B- BIOLOGIE DES SCORPIONS
1. Morphologie
Le corps d’un scorpion est divisé en trois parties: le céphalothorax (ou prosoma), le mésosoma et le métasoma (certains regroupent ces 2 dernières en abdomen ou opisthosoma) (Figure 1).
– Céphalothorax : IL est recouvert dorsalement par la carapace (ou bouclier) qui porte 2 yeux médians et de 2 à 5 paires d’yeux latéraux plus petits. Ventralement, il porte quatre paires de pattes locomotrices et une paire de pédipalpes (ou pattes mâchoires). La bouche située en partie tout à fait antérieure est encadrée par une paire de chélicères.
– Mésosoma : partie avant de l’abdomen divisée en sept segments. Le premier contient les organes sexuels qui débouchent ventralement sous l’opercule génital, le second porte les Peignes (organes sensoriels) et les 3 suivants portent une paire de poumons qui s’ouvrent ventralement par des stigmates.
– Métasoma : ou queue, divisée en cinq segments, le dernier portant l’anus et le telson qui est la vésicule à venin terminée par un aiguillon.
Figure 1 : Morphologie du Scorpion
2. Habitat
Les scorpions sont des animaux thermophiles bien adaptés aux milieux désertiques (12, 13, 14). Ils vivent presque toujours en colonies non socialement organisées. Il s’agit d’une occupation de terrain de proche en proche, car les jeunes s’éloignent peu du lieu de leur naissance et les adultes ne se déplacent jamais très loin (15). Du fait qu’ils se caractérisent par une modeste capacité de déplacement, les scorpions sont de bons indicateurs biogéographiques. Ce mode de déplacement est attribué essentiellement à leur dépendance stricte de microhabitats particuliers (5).
Actuellement, ils sont en bonne position pour les études de la biodiversité avec des implications directes dans les programmes de conservation (10,16)
3. Comportement
Les scorpions sont d’un naturel craintif et peuvent piquer lorsqu’ils sont dérangés ou malmenés. Ils ne sont actifs que pendant la belle saison. Leur vie est considérablement ralentie pendant l’hiver. Du fait qu’ils sont photophobes, sensibles aux rayonnements visibles, ils restent toute la journée cachés sous les pierres, dans des terriers ou sous les écorces d’arbres, et leurs piqûres sont essentiellement nocturnes. Certains s’abritent à l’intérieur des habitations humaines. La photo-réception se produit dans les yeux latéraux de la plupart des espèces de scorpions alors que les yeux médians sont généralement moins sensibles à la lumière (12). Plusieurs espèces de scorpions restent relativement inactives dans leurs terriers pendant 92 à 97% de leur vie (17).
4. Régime alimentaire, prédation et parasitisme
Les scorpions, animaux à digestion externe très lente (18), sont généralement arthropophages (19). Ils se nourrissent de proies vivantes ou fraîchement tuées, essentiellement d’insectes (petits coléoptères, papillons, criquets, sauterelles, fourmis…), de crustacés (cloportes), d’arachnides (araignées, opilions…) et d’autres arthropodes (20). Le cannibalisme est un phénomène commun chez les scorpions (21).
Cependant, certaines espèces peuvent se nourrir de petits vertébrés (reptiles et rongeurs) (19). Dès qu’une proie se trouve à sa portée, le scorpion la happe et l’immobilise avec ses pinces. Tantôt il peut la dévorer sans défense. Econome de venin, il attend prudemment l’effet de la première piqûre avant d’intervenir à nouveau. Les prédateurs de ces animaux incluent par ordre d’importance, les oiseaux, les lézards, les mammifères (singes), les amphibiens, les serpents, les arachnides et les insectes (7). Les scorpions sont généralement parasités par des nématodes (larves de Mermithidae) au niveau des cavités du mésosome et du métasome; et des acariens (Acaridae, Pterygosomidae,…) au niveau des peignes et la membrane articulaire de la chitine (19).
5. Reproduction
Les scorpions sont des animaux ovovivipares ou vivipares (11; 2, 6). La période de gestation s’étend de 3 à 18 mois et la maturité sexuelle est atteinte après 6 à 96 mois soit après 5 à 7 mues (11). La portée peut contenir de 6 à 105 jeunes (20). Juste après la mise, les petits scorpions s’installent côte à côte sur le dos de la mère et y restent de 1.5 à 10 jours (2) jusqu’à subir la première mue après laquelle ils sont capables de subvenir seuls à leurs besoins et mener une vie entièrement indépendante.
6. Particularités
Les scorpions sont caractérisés par une longévité élevée. La plupart d’entre eux peuvent vivre de 2 à 10 ans, mais quelques espèces peuvent atteindre 25 ans ou plus d’existence (2). Une des propriétés les plus remarquables des scorpions est leur capacité de devenir fluorescents quand ils sont éclairés par de la lumière ultraviolette.
En général, d’après leurs stratégies biodémographiques, ces arachnides peuvent être divisées en deux groupes (2):
– espèces à stratégies opportunistes (R – sélection) pour la plupart des Buthidae,
– espèces à l’équilibre ou (K-sélection) pour la plupart des non-Buthidae.
Une des caractéristiques physiologiques des scorpions et leur résistance à toutes les formes d’agressions de l’environnement (thermique, jeune, déshydratation, asphyxie, infections bactériennes, irradiations ionisantes) leur conférant une véritable indépendance à l’égard du milieu extérieur (10).
C- VENIN DE SCORPION:
L’appareil venimeux, logé à la partie terminale du dernier segment abdominal est appelé «Telson». Il se présente sous forme de vésicule munie d’un aiguillon. Cette vésicule est revêtue d’une couche musculaire qui par contraction lui permet l’inoculation du venin.
– TOXICITE :
La toxicite du venin depend de:
– La variete du scorpion;
– La taille du scorpion;
– L¡¦age et la nutrition du scorpion;
– Conditions climatiques ou vit le scorpion.
Le venin du scorpion est thermostable, resiste a la dessiccation sous vide et son pouvoir toxique se conserve pendant plusieurs annees.
– CONSTITUTION:
Les venins de scorpion sont caracterises par la diversite de leurs neurotoxines, toutes de nature proteique. On reconnait actuellement quatre familles de toxines, celles qui agissent sur les canaux sodium, celles qui agissent sur les canaux potassium, celles qui agissent sur les canaux calcium, celles qui agissent sur les canaux chlore. Les deux premieres familles sont de loin les mieux connues.
– ACTION :
Les venins de scorpion ont tous une action neurotoxique et cardiotoxique, mais certaines especes indiennes ont egalement une action hemolytique.