La Constitution haïtienne de 1987 s’inscrit dans une perspective de rupture avec le
système politique d’avant le 07 février 1986, marquant la chute du régime de dictature des
Duvalier.
C’est la consécration formelle d’un renoncement au statu quo ante dans le système
politique haïtien. En ce sens, la Constitution de 1987 se veut le reflet des aspirations du
peuple à la démocratie et à une meilleure gouvernance publique. Par conséquent, l’adoption
de la Constitution du 29 mars 1987 constitue l’engagement solennel d’Haïti d’entrer dans un
processus de démocratisation et de promouvoir une nouvelle forme de gouvernance.
Il va sans dire qu’une telle démarche s’inscrit, entre autres, dans une dynamique de restauration de
l’autorité et de la crédibilité de l’Etat et vise la protection des libertés fondamentales, une
participation de plus en plus accrue du citoyen dans les arènes de décisions publiques, la
transparence, la responsabilisation des serviteurs publics et l’obligation de rendre compte dans
la gestion publique en vue de l’efficience de l’action publique et donc du mieux-être collectif
de la Communauté politique(1).
Compte tenu de ce qui précède, il paraissait tout à fait logique, après la chute du
régime des DUVALIER, d’engager de vastes chantiers de réformes dans le secteur public
haïtien.
C’est le cas de dire que la nouvelle architecture institutionnelle de l’Etat telle que
tracée dans ses grandes lignes par la Constitution du 29 mars 1987 était en porte-à-faux à
l’existant en termes de pratiques politico-administratives héritées du statu quo ante.
A tire indicatif, l’Administration publique, instrument par lequel l’Etat remplit ses
missions de service à la population, fut rapidement dans le collimateur des citoyens Haïtiens
exaspérés réclamant un changement de paradigme dans le modèle de gestion de la Fonction
publique en vue des services publics de qualité et accessibles à tous. D’où, la réforme de
l’Administration et de la Fonction publique fut très tôt l’un des voeux, voire une exigence
d’une large partie de la population haïtienne. Cette exigence trouve sa traduction dans le rejet
du régime de dictature des DUVALIER par la voie insurrectionnelle ; dans la révolution
juridique intervenue par l’abrogation totale d’une Constitution et l’adoption d’une nouvelle,
celle du 29 mars 1987 ; et enfin dans l’utilisation d’une kyrielle de formes de répertoire
d’action collective, comme des manifestations de rue, des sit-in (…) en vue de la présentation
des cahiers de charge aux pouvoirs publics.
En effet, la réforme des services publics et de la Fonction publique devrait sortir le
secteur public haïtien de sa défaillance dans l’accomplissement de ses missions et objectifs
envers les citoyens. Donc, l’idée c’est d’avoir une Administration publique performante,
tournée vers la satisfaction des usagers des services publics. En revanche, comment réformer
et mettre en oeuvre le nouveau système politico-administratif institué par la nouvelle
Constitution après une tradition séculaire de dictature, de présidentialisme et de culte de la
personnalité ? Comment ce volontarisme d’insuffler une nouvelle ère dans les services publics
et la Fonction publique peut-il renverser une culture administrative vieille de plusieurs
décennies ?
Si, comme nous venons de le voir, la question de la modernisation des services publics
et de la Fonction publique en vue de la performance est l’un des axes majeurs des réformes
institutionnelles en Haïti depuis après la chute du régime des DUVALIER ; l’Etat haïtien s’est
vite vu accompagner par la Communauté internationale, particulièrement les institutions
internationales de financement et celles de coopération et d’aide au développement dans cette
quête de modernisation en vue de la performance. D’ailleurs, fort souvent, les engagements
concrets et formels des différents gouvernements successifs de réformer l’Administration et la
Fonction publique en vue de la performance sont pris sous l’impulsion des acteurs
internationaux ; quand lesdits engagements ne constituent pas purement et simplement une
conditionnalité de l’aide internationale dont le pays ne peut s’en passer vu sa dépendance
financière de plus en plus accrue vis-à-vis de la communauté internationale.
Par ailleurs, dans le cadre de ce travail de recherche académique, par souci de
délimiter notre objet d’étude, nous nous intéressons plus spécifiquement aux enjeux et défis
d’une Administration publique haïtienne performante au carrefour de l’exigence des citoyens
et de l’incitation des acteurs internationaux, tout en maintenant le cap sur le volet de la
modernisation de la Fonction publique comme levier de cette quête de performance.
A. PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE
A bien comprendre la dynamique de cette quête de performance au niveau de
l’Administration publique par le levier de la modernisation de la Fonction publique, l’Etat
haïtien se trouve au carrefour d’une double exigence : une pression en interne, exercée par les
citoyens exigeant la performance en vue des services publics de qualité et accessibles à tous ;
et une pression internationale incitant l’Etat à la performance dans un contexte de raréfaction
des ressources ou de dépendance financière ou encore de crises financières.
Ainsi, dans le cadre de la coopération d’aide au développement, maints acteurs
internationaux interviennent, depuis la décennie des années 1980 et plus systématiquement
depuis 1994(2), sous forme d’appui technique et financier dans le chantier de la réforme
institutionnelle en Haïti dont la réforme administrative est l’un des volets d’importance.
Toutefois, les différents acteurs internationaux impliqués dans l’incitation de l’Etat en vue de
la modernisation de la Fonction publique pour une Administration publique performante en
Haïti, parlent-ils d’une même voix ? Leur vision de cette réforme, rencontre-t-elle celle de la
population qui exige des services publics de qualité et accessibles à tous? L’Etat, n’est-il pas
poussé à se réformer dans des orientations stratégiques différentes ?
En effet, selon Séverine BELLINA, Dominique DARBON, Stein Sundstol ERIKSEN et
Ole Jacob SENDING : « de nos jours, les Etats sont confrontés à des exigences de
légitimation, tant sur le plan intérieur qu’international. D’une part, on attend d’eux qu’ils
agissent d’une manière qui correspond aux souhaits et aux priorités de leur population.
De l’autre, ils sont confrontés à une série d’exigences extérieures (de la part d’autres Etats,
d’organisations internationales, des donateurs, etc.). Le dilemme de nombreux Etats en
situation de fragilité est que les attentes de leurs citoyens ne correspondent pas à celles des
acteurs extérieurs impliqués(3) ». D’où, la théorie de la « double contrainte ».
En réalité, cet appui technique et financier des acteurs internationaux de la réforme
s’inscrit dans le cadre des programmes de renforcement institutionnel des pays en transition
démocratique, engagés par les institutions de financement et de coopération ou d’aide au
développement ; lequel renforcement institutionnel s’inscrit dans un cadre plus global de
reconceptualisation actuelle de l’Etat, surtout dans les pays pauvres, par les acteurs
internationaux. C’est qu’ils établissent des liens de causalité entre bonne gouvernance et
développement(4).
Elles se situent par rapport à la question de la « conditionnalité gouvernance
démocratique et développement » et s’entendent sur le principe d’antériorité de la
gouvernance démocratique par rapport au développement, comme pour prendre position dans
« le dilemme de l’oeuf et de la poule(5) ». C’est comme imposer des réformes des institutions
publiques pour la mise en oeuvre d’un environnement institutionnel propre à favoriser une
meilleure canalisation de l’aide et donc le décollage économique. La finalité de leur
implication dans la modernisation de la Fonction publique est d’obédience économique.
Thierry Delpeuch(6) explique assez clairement cette dimension des enjeux du marché de la
coopération internationale en matière d’aide au développement. Comment alors comprendre
cet accompagnement desdites institutions internationales au prisme de la théorie de la
modernisation et de celle qui la conteste, en l’occurrence, la théorie de la dépendance ?
Les administrés, entendons par là les citoyens Haïtiens dans leurs rapports avec l’Administration,
ont certes à gagner d’une modernisation de la Fonction publique en vue de la performance de
l’Administration publique haïtienne et d’ailleurs ils l’exigent. En revanche, quels devraient
être la nature, l’orientation et le sens de cette modernisation de la Fonction publique, compte
tenu les réalités politiques, socio-économiques locales et les attentes des citoyens Haïtiens ?
En fait, selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) :
« L’histoire récente de la réforme de l’État en Haïti dans ses deux grandes composantes de
réforme administrative et de décentralisation remonte à l’adoption de la Constitution de 1987
et figure à l’agenda politique depuis le retour à l’ordre constitutionnel de 1994. Ce processus
a évolué au rythme des crises sociopolitiques et institutionnelles qui ont jalonné cette période
de la vie nationale. C’est en décembre 1997, sous le premier quinquennat du Président René
Préval, qu’une action d’envergure – la création de la Commission nationale à la réforme
administrative (CNRA) – a été entreprise. Cette action a eu pour effet de traduire la volonté
du gouvernement d’alors de doter le pays d’une administration à la hauteur des grands défis
auxquels il devait faire face(7)».
Nous faisons remarquer que le processus de modernisation de la Fonction publique
remonte même au début de la décennie 1980 avec la crise financière et donc la pression
corolaire des institutions de Bretton Woods en vue d’engager des réformes d’ajustements
structurels. En revanche, nous pouvons quand même accorder qu’il y a eu effectivement une
nouvelle émergence de la question de la modernisation dans l’agenda institutionnel
gouvernemental au retour d’ARISTIDE en 1994.
Depuis, une multitude de stratégies et programmes de réformes administratives sont
adoptés dans différents documents préparés avec l’appui technique et financier des acteurs
internationaux et présentés par les gouvernements successifs haïtiens à la Communauté
internationale aux fins d’accompagnement technique et financier pour leur mise en oeuvre.
A titre d’exemples, nous pouvons citer le « Programme d’appui à l’Administration publique
haïtienne, été 2007 », « Le Plan d’action stratégique pour la réforme administrative globale
en Haïti, novembre 1998 », « Le Programme-cadre de la réforme de l’Etat, 2007-2012 », etc.
Aussi, les questions de la gouvernance démocratique ou plus globalement de la bonne
gouvernance et de la modernisation de la Fonction publique en vue de performance de
l’Administration publique ont-elles été soulevées dans maints documents-cadre à l’aide
internationale, préparés par l’Etat haïtien avec la Communauté internationale et soumis aux
bailleurs et aux institutions de financement. Nous pouvons citer : le « Cadre de coopération
intérimaire, 2004-2006), « Le Document de stratégie nationale pour la croissance et la
réduction de la pauvreté, 2008-2010 », « Le Plan d’action pour le développement et le
relèvement d’Haïti, Mars 2010 », etc.
De plus, tour à tour, plusieurs mesures plus concrètes ont été adoptées en vue
l’opérationnalisation et l’effectivité de la modernisation. C’est dans cette perspective que
l’ « Ecole nationale d’Administration et de politiques publiques d’Haïti (ENAPP) » a été
créée, quoiqu’elle n’existe que de nom, jusqu’à aujourd’hui. Un « Office de Management et
des Ressources humaines (OMRH) », chargé du pilotage opérationnel des activités de la
réforme a été créé. « Le Conseil supérieur de l’Administration et de la Fonction publique
(CSAFP) », responsable du pilotage stratégique de la modernisation du service public et de la
Fonction publique a vu le jour. Bien avant, une « Commission nationale de la Réforme
administrative et de la Fonction publique (CNRAFP) » a été aussi créée, mais n’existe plus
aujourd’hui.
En termes de production juridique, trois décrets d’importance ont été émis :
1) Décret du 17 mai 2005 portant organisation de l’Administration centrale de l’Etat
2) Décret du 17 mai 2005 portant révision du Statut général de la Fonction publique
3) Décret du 23 novembre 2005 établissant l’organisation et le fonctionnement de la Cour
Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif désigné sous le sigle
CSCCA.
Aujourd’hui, où est-on avec le processus modernisation de la Fonction publique en vue de
la performance de l’Administration publique ? Quels sont les échecs, les réussites et les défis
encore à relever ? Existe-t-il un suivi ou une cohérence entre ces différentes mesures de
modernisation ? L’engagement étranger en Haïti, ne va-t-il pas en même temps tantôt dans le
sens du renforcement des institutions publiques et tantôt dans la canalisation de la
gouvernance en direction de la société civile ? Si tel est le cas, ces deux démarches sont-elles
complémentaires ou peut-on y voir une double démarche de renforcement institutionnel d’un
nouvel Etat en construction et celle de son affaiblissement corrélatif ?
Les différents acteurs de différents horizons impliqués d’une façon ou d’une autre dans la
production d’efforts ou la fourniture de moyens techniques ou financiers visant à améliorer la
qualité des services publics, la modernisation de la Fonction publique et la performance de
l’Administration s’accordent à reconnaitre que les résultats obtenus jusqu’ici sont souvent en
deçà des défis à relever. D’où une évaluation convergente et concluante de l’action publique
dans ce domaine. Existe-t-il des variables explicatives endogènes à cet état des lieux non
satisfaisant ou du moins est-on en face d’une approche inappropriée de la question de la
modernisation de l’Administration publique dans le cas d’Haïti par le marché international de
la coopération technique ou par les acteurs internationaux plus globalement?
En fait, en plus du nouveau paradigme politico-administratif institué par la Constitution de
1987, le phénomène de la globalisation et l’évolution constante des besoins de la société font
de la question de la modernisation du secteur public haïtien une nécessité. L’un des piliers
incontestable de cette modernisation demeure la réforme de la Fonction publique. Que peut
être le paradigme le plus pertinent de cette réforme de la Fonction publique pour un pays
pauvre et en transition démocratique comme Haïti?
Ce questionnement montre bien l’intérêt et la pertinence du concept de performance qui
englobe à la fois la double dimension de l’efficacité et l’efficience, c’est-à-dire arriver à
atteindre les objectifs fixés, dans le sens ultime de la satisfaction des usagers des services
publics, avec le peu de moyens disponibles dans un souci d’optimisation des ressources.
Le processus de modernisation de la Fonction publique en vue de la performance de
l’Administration, est-ce un mouvement de réforme d’inspiration managériale ou selon le
modèle bureaucratique wébérien ou encore a-t-on choisi au cas par cas ou bien des
instruments du New public management ou bien de s’inscrire dans une logique bureaucratique
à la Weber dans sa conception avancée, sachant que ces deux modèles ne sont pas
indépassables ? Quel prisme a été privilégié jusqu’ici par l’Etat haïtien et/ou les acteurs
internationaux ? Ces derniers et la population, ont-ils la même représentation de la
performance de l’Administration ?
A dire vrai, l’Administration publique fait montre de beaucoup difficultés à se libérer du
poids de la tradition. Les « vieux démons » comme la corruption, le favoritisme, le népotisme,
le trafic d’influence, la crise de l’accessibilité et de la qualité des services publics continuent
encore de rythmer le quotidien des services publics et de la Fonction publique en Haïti.
Or, l’insurrection populaire occasionnant la chute du régime des DUVALIER et l’adoption de la
nouvelle Constitution de 1987 ont cristallisé les aspirations du citoyen Haïtien à des services
publics de qualité et accessibles. De plus, les acteurs internationaux ne sont pas moins dans
l’attente d’une nouvelle gouvernance administrative. La dépendance financière d’Haïti c’est
en quelque sorte le prétexte de leur intervention et la recherche de l’efficacité de l’aide fonde
la légitimité de leurs pressions.
Cette crise d’efficacité est en quelque sorte liée, en grosso modo, aux insuffisances de la
Fonction publique et des Fonctionnaires en raison des faiblesses de qualification des agents
publics, de la quasi-absence de l’attractivité de la Fonction publique et du phénomène
récurrent de la fuite des cadres générée par l’absence de politique de fidélisation du personnel.
Le modèle de gestion de la Fonction publique n’est pas fondé sur le management par
objectifs. Qui plus est, l’Etat, sur la suggestion des acteurs internationaux de la réforme,
développe et entretient une certaine représentation du Fonctionnaire qui est en quelque sorte
antinomique à toute dynamique de performance de la Fonction publique, c’est la conception
de « Fonctionnaire-poids ».
Cette conception du Fonctionnaire amène l’Etat à l’envisager comme un fardeau pour le
trésor public dans un contexte raréfaction des ressources financières, au lieu d’être vu comme
une ressource et qui pourrait potentiellement pourtant, par sa créativité et à condition d’être
qualifié, compétent et valorisé, être le socle de l’optimisation des maigres ressources
disponibles dans la perspective de l’efficience de l’action publique.
Face au constat de la crise d’efficience de l’Administration publique haïtienne, un
processus de modernisation de la Fonction publique comme levier de performance de
l’Administration est engagé. Quels sont les enjeux du processus de la modernisation de la
Fonction publique par rapport à la réforme globale de l’Etat et de la gestion publique ?
Quelles sont les réussites et les échecs des différentes tentatives de réformes engagées dans la
Fonction publique ? Dans le cadre de la modernisation de la Fonction publique, les efforts de
professionnalisation et de formation réalisés, ne sont-ils pas annulés par les politiques
récurrentes de réduction du personnel ? Quels sont les impacts du séisme du 12 janvier sur le
processus de la réforme de la Fonction publique ?
L’Etat haïtien fait face à un ensemble d’enjeux et de défis en vue d’une optimisation
effective de la Fonction publique. La problématique de la philosophie « quelle Fonction
publique pour quel modèle d’Etat » reste un préalable difficile à dépasser. Les acteurs
internationaux de la réforme sont omniprésents, influents et leur démarche participe d’une
certaine reconceptualisation de l’Etat. Or, il existe une quasi-absence d’appropriation des
projets de réformes par la société haïtienne.
Quelles pourraient être, dans ces conditions, les conséquences des aléas de l’alternance
politique sur le processus de réforme engagé ? Si la performance de l’Administration doit être
tournée vers la satisfaction ultime des citoyens Haïtiens, la question de la modernisation de la
Fonction publique, ne devrait-elle pas être d’abord un projet de société ? Existe-t-il une
uniformité ou une dichotomie entre la conception des acteurs internationaux et celle des
citoyens Haïtiens de la modernisation de la Fonction publique ? Comment l’Etat haïtien, dans
le contexte de sa dépendance, peut-il prétendre assurer une coordination et canalisation de
l’accompagnent des acteurs internationaux quand ces derniers n’ont pas nécessairement les
mêmes motivations ? Qu’en est –il du poids de la dynamique de l’instabilité politique sur le
processus de modernisation ? Pour assurer l’implémentation de la culture du résultat dans la
Fonction publique, comment contrer le phénomène de la culture de la corruption si nous en
sommes aussi à parler d’une culture de l’impunité ?
En définitive, à l’ère des NTIC, l’Administration électronique parait, en principe, comme
un levier majeur de la performance des Fonctionnaires dans la prestation des services.
L’usage interne des NTIC dans les services publics est susceptible d’améliorer, entre autres,
leur fonctionnement interne. L’usage externe des NTIC est aussi susceptible de révolutionner
les rapports entre l’Administration et les citoyens dans le sens de la qualité. Comment
cependant épargner les enjeux liés à la fracture numérique entre les populations des villes et
des campagnes, entre les riches et les pauvres, etc. ? Quels sont enfin les avantages et les
limites d’une « e-administration » confrontée aux défis de la pauvreté ?
En somme, d’une façon ou d’une autre, à l’ère de l’économie du savoir et dans un pays à
démocratie émergeante et à faibles ressources humaines et financières comme Haïti ; un pays
où l’on se demande à bon droit si la majeure partie de la population n’est pas en droit de
presque tout attendre de l’Etat, vu ses conditions socio-économiques précaires,
l’Administration publique se doit d’être performante. D’autant que l’Etat se trouve à la
croisée d’une exigence des citoyens et d’une incitation des acteurs internationaux en vue de la
performance.
Qui plus est, il paraît impensable de concevoir une Administration publique
efficace et efficiente, donc performante, surtout dans le contexte haïtien tel que décrit plus
haut, sans un investissement sur le terme dans l’attractivité de la Fonction publique et une
rénovation, axée sur la fidélisation, du modèle de management des Fonctionnaires, véritables
ressources humaines du secteur public et qui constituent le poumon de l’Administration.
Or, c’est ce qui paraît le moins évident dans la dynamique de la modernisation engagée. Ainsi,
est-ce le cas de dire que l’Etat haïtien se trouve face à un devoir relevant d’un défi qu’il est
pourtant contraint de relever. D’où toute la pertinence, l’actualité et l’intérêt de notre
QUESTION DE DEPART
Les enjeux et défis auxquels se heurte l’Etat, dans le cadre de sa réforme de la
gestion publique, particulièrement le levier de la modernisation de la Fonction publique
en vue d’une Administration publique performante, sont-ils insurmontables ?
B. HYPOTHESES DE RECHERCHE
Une réforme de la gestion publique par le levier de la modernisation de la
Fonction publique en vue d’une Administration publique axée sur la performance est
une obligation de l’Etat, mais relève d’un défi tant les enjeux et insuffisances sont
énormes. Les contraintes sont dues à des facteurs endogènes et exogènes. Néanmoins, ces
enjeux et défis ne sont guère insurmontables moyennant une continuité dans la volonté
politique de rendre effective la modernisation ; une politique soutenue sur l’attractivité
de la Fonction publique ; une coordination et une canalisation de l’accompagnement des
acteurs internationaux de la réforme ; un processus participatif et multi-niveau dans
une dynamique de co-production de la réforme par le réseau des acteurs engagés dans le
processus de modernisation, tout en s’assurant, qu’en tout état de cause, tout projet de
modernisation de la Fonction publique soit d’abord un projet de société en vue de sa
viabilité.
C. CADRE METHODOLOGIQUE
Nous éviterons d’emblée une approche purement juridiste de la question. Tout en
privilégiant le soubassement théorique et les méthodes d’analyse propres au Droit public ; la
sociologie politique, l’analyse des politiques publiques, l’histoire des institutions publiques
haïtiennes, entre autres, pourront aussi nous permettre de saisir l’objet d’étude dans toute sa
complexité.
Vu notre objet d’étude, nous entendons faire usage de la méthode structuraliste et
nous ferons une approche à la fois inductive et déductive pour la vérification de l’hypothèse
qui pourra être ou bien confirmée ou bien infirmée, sinon nuancée.
Cela nous aura permis de démontrer que la problématique de la modernisation de la
Fonction publique en vue d’une Administration publique haïtienne axée sur la performance,
dans le cadre plus global de la réforme du secteur public en Haïti, pour être abordée dans
toute sa complexité, est liée, entre autres, à la problématique de la dépendance financière de
l’Etat haïtien vis-à-vis de la communauté internationale, à son déficit de crédibilité et son
autorité écornée, au fait que la Fonction publique soit de moins en moins attractive, à son
statut d’Etat à démocratie émergente avec une transition démocratique mouvementée par les
soubresauts de la dynamique de l’instabilité politique, à une population de plus en plus
exigeante et à une tradition séculaire de pratiques anciennes en déphasage au nouveau
paradigme politico-administratif institué par la Constitution de 1987. En conséquence, c’est
un tout complexe, il faut une approche plutôt systémique de la question pour pouvoir saisir la
problématique dans ses tenants et aboutissants.
De plus, comme instrument de collecte de l’information, nous adoptons l’observation
documentaire. Cette technique nous aura permis d’une part de recueillir les données
nécessaires à notre recherche et d’autre part de les analyser et les confronter
systématiquement. Donc, nous recueillerons divers types de documents dont des manuels
généraux, des encyclopédies, des précis et traités, des ouvrages et périodiques spécialisés, des
documents officiels et des sites Internet officiels et/ou spécialisés, tout en prenant soin d’en
vérifier l’authenticité réelle, condition sine qua non d’une recherche documentaire digne de ce
nom.
Le sérieux et la crédibilité de notre travail de recherche académique a été pour nous une
préoccupation constante. Dans cette optique, des renvois aux références bibliographiques ont
été systématiques. Pour cela, nous avons utilisé l’exemple de références « à l’ancienne » et
l’exemple de références avec la « formule codée ».(8)
D. ANNONCE DU PLAN
En vue de la rédaction et la présentation de ce travail de recherche académique, nous
adoptons la structure binaire. Une cadre rédactionnel en deux parties, chaque partie
comportant 2 chapitres. Les chapitres sont à leur tour divisés en sections et ces dernières en
paragraphes et/ou sous paragraphes.
La première partie est ainsi intitulée :
« L’Administration publique haïtienne : état des lieux non satisfaisant et
processus de réforme en vue de sa performance ».
Dans le cadre de cette première partie, nous abordons la problématique de la crise
d’efficience de l’Administration publique haïtienne (chapitre premier). Face à ce constat de
crise, l’Etat haïtien, sous la double pression des citoyens et des acteurs internationaux, engage
un processus de modernisation de la Fonction publique comme levier de performance de
l’Administration publique (chapitre 2).
Par ailleurs, cette modernisation de la Fonction publique en vue de la performance de
l’Administration publique est bel et bien une obligation de l’Etat, mais relève aussi d’un défi
tant les enjeux et insuffisances sont énormes. Les contraintes sont dues à la fois à des facteurs
endogènes et exogènes. D’où, l’intitulé de la deuxième partie de notre travail de recherche :
« L’Etat haïtien face à l’obligation et aux contraintes de l’optimisation effective
de la Fonction publique : quelle issue ?
Dans le cadre de cette deuxième partie, nous essayons d’abord de camper l’Etat haïtien
face aux enjeux croisés et défis de la modernisation effective de la Fonction publique
(chapitre 3). Ensuite, nous essayons de démontrer que la modernisation effective de la
Fonction publique comme un levier de performance de l’Administration constitue, certes, un
défi, mais relevable (chapitre 4).
1 C’est la philosophie dégagée dans le préambule de la Constitution de 1987 : « Le peuple haïtien proclame la
présente Constitution pour garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la liberté et à la
poursuite du bonheur ; pour constituer une Nation haïtienne socialement juste, économiquement libre… ; pour
rétablir un Etat stable et fort… ; pour implanter la démocratie… ; pour assurer la séparation et la répartition
harmonieuse des pouvoirs de l’Etat au service des intérêts fondamentaux et prioritaires de la Nation ; pour
instaurer un régime gouvernemental basé sur les libertés fondamentales…la participation de toute la population
aux grandes décisions engageant la vie nationale […].
2 Epoque correspondant au moment dit de « retour à l’ordre constitutionnel » symbolisé par le retour physique le
15 octobre 1994 du Président exilé Jean-Bertrand Aristide en Haïti et reprenant ipso facto les rênes du pouvoir.
3 Séverine BELLINA, Dominique DARBON, Stein Sundstol ERIKSEN et Ole Jacob SENDING. « L’Etat en
quête de légitimité – Sortir collectivement des situations de fragilité », Editions Charles Léopold Mayer, Paris,
2010, page 79.
4 Quoique pour Agnès Pouillaude, par exemple, ce lien de causalité reste supposé plutôt que prouvé, en raison du
caractère normatif et idéologique de la « bonne gouvernance » comme modèle de développement. Agnès
Pouillaude in « la ‘bonne’ gouvernance, dernier né des modèles de développement. aperçu de la mauritanie ».
5 Expert ICONZI ; Gizèle BELEM ; Corrine GENDRON. Conditionnalité gouvernance démocratique et
développement, « dilemme de l’oeuf et de la poule » ou problème de définition ?, page 37.
6 Thierry Delpeuch « La coopération internationale au prisme du courant de recherche « droit et développement
» », Droit et société 1/2006 (n°62), p. 119-175.
URL : www.cairn.info/revue-droit-et-societe-2006-1-page-119.htm.
7 Site officiel du PNUD/Haïti : http://www.ht.undp.org/public/publicationdetails.php?idpublication=31 La page
est consultée le 15 février 2011.
8 Michel Beaud. L’art de la thèse, La Découverte, Paris, 5ème éd., 2006, pages 129 à 134.