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INTRODUCTION GENERALE

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Le 22 juin 1971, lors du huitième sommet de l’Organisation de l‘Unité Africaine(OUA) tenu à Addis-Abeba, Ethiopie, Félix Houphouët-Boigny, premier Président de la République de Côte d‘Ivoire déclara : « La paix à l’intérieur des Etats africains ne doit reposer que sur la justice, la tolérance, le dialogue permanent, le respect de la personne humaine et de sa dignité, le respect des libertés, l’égalité entre tous les hommes. Mais si l’absence de dialogue signifie le mépris de l’homme, la confiscation des libertés, les jugements arbitraires, les exécutions sommaires, elle ne peut avoir d’autres conséquences que de susciter des oppositions décidées à tout tenter afin de renverser ces régimes d’oppression »(1).

L‘histoire ancienne de la Côte d‘Ivoire remonte au moins au début de l‘ère chrétienne et voit se succéder chefferies et royaumes divers(2). À l‘époque moderne, les premiers Européens à se rendre dans la région sont les Portugais qui lui donnent son nom actuel. Le commerce de l‘ivoire, des fusils et la traite des noirs se mettent vite en place. Les Français arrivent en 1637 et s‘installent surtout sur la côte, avant d‘en faire une colonie en 1893.

Bien qu‘inclus dans l‘Afrique occidentale française (AOF), les populations de la Côte d‘Ivoire resteront considérées comme de simples sujets sans droits de représentation contrairement aux habitants des quatre communes du Sénégal qui disposaient de la citoyenneté française. Ce n‘est qu‘à partir de 1946 que les Ivoiriens obtiendront la citoyenneté française et, en 1958, la loi cadre permettra le transfert de nombreux pouvoirs de la métropole vers les autorités locales.

Le pays accéda à l‘indépendance le 7 août 1960 avec à sa tête Félix Houphouët-Boigny(3). Issu d‘une famille de haut rang propriétaire de riches plantations, ce dernier avait commencé sa carrière politique en 1944 en fondant le Syndicat agricole africain et sera l‘un des fondateurs du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) qui recouvra l‘ensemble de l‘AOF (à l‘exception de la Mauritanie). Après la Seconde Guerre mondiale, Houphouët sera élu à la première assemblée constituante. Il représenta par la suite la Côte d‘Ivoire à l‘Assemblée nationale française de 1946 à 1959, se consacrant essentiellement aux organisations politiques interterritoriales au sein de l‘AOF. Il sera également ministre de la République Française trois ans durant. Il deviendra Premier ministre de la Côte d‘Ivoire en avril 1959 et sera élu président en 1960. Constamment réélu à partir de 1965, son parti, le Parti Démocratique de Côte d‘Ivoire(PDCI), occupera alors tous les sièges de l‘Assemblée nationale.

Les 30 premières années de son « règne » seront souvent présentées comme une période faste, celle du « miracle ivoirien ». Le système colonial avait irrémédiablement transformé les divers espaces autochtones de commerce et d‘échanges et réorienté l‘économie vers l‘exportation de produits agricoles non transformés et l‘importation de produits européens manufacturés. Dès le début des années 1960, le pays avait axé sa politique de développement sur l‘expansion des exportations de matières premières et la substitution aux importations reposant sur quelques industries. Tout en accordant à l‘État un rôle central, le pouvoir avait favorisé également et très activement les investissements privés et les capitaux étrangers. Le pays avait alors affiché des taux de croissance record, et avait connu un développement économique et social prometteur. D‘environ 4 millions en 1960, la population avait atteint les 12 millions d‘habitants en 1980.

Cette augmentation rapide de la population était non seulement due à l‘amélioration des conditions de vie mais aussi à l‘immigration, encouragée par Houphouët-Boigny. De nombreux Maliens, Burkinabés, Guinéens et Sénégalais s‘étaient installés dans le pays en quête d‘une vie meilleure, fournissant une main-d‘oeuvre bon marché à l‘économie rentière de plantation et contribuant à la production de richesses dont ils ne seront par contre que très peu à bénéficier largement. Peu diversifiée, l‘économie avait souffert structurellement d‘une forte dépendance extérieure et de déséquilibres importants entre ses différents secteurs d‘activités. Et lorsque les termes de l‘échange lui étaient défavorables, elle vacilla et s‘effondra. La chute des cours des produits agricoles de base survenue à la fin des années 1970 avait ainsi provoqué une dépression d‘autant plus grave qu‘à la faveur du « boum du café et du cacao », la Côte d‘Ivoire s‘était alors engagée dans une politique monétaire et fiscale expansionniste appuyée sur les revenus des exportations en forte croissance. L‘augmentation de l‘endettement extérieur avait alors été immédiate autant que la montée de l‘inflation. Confronté à une croissance économique fortement ralentie, le pays s‘était engagé dans un Programme d‘ajustement structurel (PAS).

Au début des années 1990, quand le vieux Houphouët-Boigny mourra, le pays en était à son quatrième Programme d‘Ajustement Structurel(PAS) qui n‘avait pas plus de succès que les précédents. La crise avait profondément érodé les bases socio-économiques du régime. Une période d‘instabilité politique s‘ouvra alors, ponctuée par un coup d‘État (1999) et une rébellion (2002) militaires laissant un pays déchiré et exsangue, et qui avait abouti à l‘impasse constitutionnelle.

Depuis la mort, en décembre 1993, de l‘autocrate Félix Houphouët-Boigny, la Côte d‘Ivoire avait donc connu une guerre de succession au sein du parti unique, le Parti Démocratique de Côte d‘Ivoire (PDCI). Elle avait opposé principalement Alassane Ouattara, néolibéral, Premier Ministre du défunt président, à Henri Konan Bédié, président de l‘Assemblée Nationale et longtemps considéré comme son dauphin(4). Bédié en était sorti vainqueur, en recourant, entre autres, à l‘argument de « l‘ivoirité », en évoquant la nationalité présumée douteuse de son rival, mettant en avant son appartenance ethnique Dioula (un groupe ethnique du Nord de la Côte d‘Ivoire, classé comme « voltaïque ») et le fait qu‘il avait bénéficié conjoncturellement d‘un passeport de la Haute-Volta (actuelle Burkina Faso). La dite « ivoirité », en tant que chauvinisme ethnico-confessionnel à l‘égard des Dioula musulmans, va devenir un discriminant majeur dans la lutte pour le pouvoir.

Henri Konan Bédié se voit par ailleurs renversé au Noël 1999 par une mutinerie militaire. Les mutins qui se justifieront en parlant de l‘instrumentalisation de « l‘ivoirité » et de la « baoulisation(5) » des sommets de l‘État, porteront à la tête de l‘État le général Robert Guéi, l‘ancien chef d‘état-major de l‘armée ivoirienne, gestionnaire du soutien de Houphouët-Boigny à la rébellion libérienne des années 1980-1990, et lui aussi, victime de la « baoulisation » menée par Bédié. Ce gouvernement, dit de transition, avait parmi ses principales missions l‘éradication de « l‘ivoirité » et l‘organisation d‘élections démocratiques. Mais Alassane Ouattara, leader du Rassemblement des Démocrates Républicains (RDR), ainsi que plusieurs autres candidats potentiels, dont le président renversé H. Bédié, ne pouvaient être candidats à l‘élection présidentielle de 2000, organisée de manière à permettre la confiscation du pouvoir par Robert Guéi. Et c‘était Laurent Gbagbo, ancien syndicaliste enseignant-historien, exilé en France de 1985 à 1988 et fondateur du Front Populaire Ivoirien(FPI), emprisonné par Ouattara lors des manifestations étudiantes en 1992, qui l‘emporta avec un faible taux de participation.

En septembre 2002, un putsch armé contre Laurent Gbagbo, alors en visite en Italie, était déjoué. Avorté, ce putsch était transformé en rébellion politico-militaire dans le nord du pays. A son tour, Gbagbo était accusé d‘avoir amplifié le phénomène de « l‘ivoirité ».

Depuis lors, la Côte d‘Ivoire se voit coupée en deux. D‘un côté, la partie septentrionale et une partie du centre sous le contrôle de la rébellion politico-militaire (Forces Armées des Forces Nouvelles – FAFN) dirigée par Guillaume Soro, originaire du Nord, ancien dirigeant du mouvement étudiant (Fédération des Etudiants et Scolaires de Côte d‘Ivoire, FESCI, alors classé à gauche), qui était passé de la lutte aux côtés de Laurent Gbagbo ou du FPI, contre le régime du PDCI, au ralliement ( pendant la phase Gbagbo de « l‘ivoirité ») à Alassane Ouattara, néolibéral. Par ailleurs, les FAFN avaient fait de Bouaké, troisième ville du pays, la capitale de leur zone. De l‘autre côté, la partie méridionale (qui comprend la capitale économique Abidjan et la ville portuaire de San Pedro) et une partie du centre, demeureront sous le contrôle gouvernemental de Gbagbo. Entre les deux s‘installa une force d‘interposition française, renforcée ensuite par une mission onusienne. Cette interposition qui fut considérée comme une Zone de confiance restera une bande démilitarisée de 12 000 km et sera démantelée le 16 avril 2007, juste un mois après la signature de l‘Accord de Paix d‘Ouagadougou(APO).

Cinq ans durant, on aura donc assisté à des accords signés sous l‘égide de la « communauté internationale », jamais intégralement respectés, au racket des commerçants et des transporteurs sur les routes, aux manifestations populaires violemment réprimées, meurtrières, y compris par des milices privées politiques, aux affrontements armés entre les armées loyaliste et rebelle, aux bombardements entre l‘armée loyaliste et l‘armée française (novembre 2004 à Bouaké et à Abidjan). Une paix, considérée comme durable, était finalement signée, le 04 mars 2007, à Ouagadougou, entre le gouvernement de Laurent Gbagbo et les Forces Nouvelles (FN) de Guillaume Soro, avec pour facilitateur le président burkinabé Blaise Compaoré, jusqu‘alors présumé complice, voire tuteur, de la rébellion.

Avec l‘Accord politique d‘Ouagadougou (APO), la voie était donc considérée comme ouverte vers l‘élection présidentielle devant mettre fin à la crise. Depuis lors, il y a eu plusieurs avancées politiques remarquables. Le Secrétaire Général des Forces Nouvelles a été nommé Premier Ministre et le nouveau gouvernement de réconciliation nationale comprennant des représentants de presque toutes les fractions. Meme si des progrès avaient été réalisés sur un certain nombre de questions sensibles, il restait encore tant à faire. Un Centre de Commandement Intégré(CCI) pour les militaires avait été mis en place mais le processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion(DDR) n‘avait pas avancé comme on le prévoyait. Il en va de même pour la création d‘une armée intégrée. Il y a eu des débuts de redéploiement des autorités locales de l‘Etat (en particulier les préfets et sous-préfets) dans les zones autrefois contrôlées par les rebelles, mais le redéploiement des autorités gouvernementales avait été lent,laissant les services sociaux subir une forte pression.

Bon nombre de personnes déplacées par le conflit commenceront a retourner dans leurs localités d‘origine mais l‘infrastructure sociale et économique demeuront fragile. Les questions du foncier rural et les différends sur la nationalité continueront de constituer une menace sérieuse à la cohabitation, à la stabilité et à un processus de paix encore fragile. La sécurité alimentaire ne sera pas garantie pour des pans entiers de la population, en particulier pour les foyers les plus vulnérables. Car non seulement leur capacité de production restera limitée, mais leurs revenus ne leur permettront pas d‘acheter ce qui leur manquait. Il en résultera une malnutrition infantile généralisée avec des poches de hauts niveaux de malnutrition aiguë, surtout dans le nord du pays. Le système sanitaire qui avait été ravagé par la guerre et par la perte de personnel qualifié demeurera affaibli malgré le large éventail de projets menés par les acteurs humanitaires et gouvernementaux en terme de réparations d‘infrastructure, de vaccination et de formation d‘agents de santé. Les indicateurs sanitaires resteront inquiétants et les taux de mortalité pour les nouveau-nés et pour les enfants de moins de cinq ans resteront les plus élevés du monde et ne cesseront de progresser.

Au regard des besoins humanitaires du moment et des impératifs émergeant en terme de relèvement précoce et de développement, les acteurs humanitaires se concentreront plutôt sur des actions d‘urgence en partenariat soit avec les departements gouvernementaux ou, avec les organismes non gouvernementaux. La signature de l‘Accord avait alors entraîné chez les parties prenantes principales(les ONGs, les agences des Nations Unies et la communauté des bailleurs de fonds) , une révision de fond des différents scénarios et des priorités humanitaires. C‘etait dans ce contexte qu‘une table ronde des bailleurs de fond avait été organisée le 18 Juillet 2007 par le Premier Ministre et le Ministre de l‘Economie et des Finances. Cette initiative avait permis d‘enregistrer des promesses de financement de 80 millions de dollars destinés à un Programme Spécial d‘Urgence(PSU) pour contenir l‘impact de la crise.

De ce montant total, 6 millions de dollars seront décaissés du budget de l‘Etat ivoirien. L‘objectif global visait était l‘instauration des conditions permettant un retour et des conditions de vie durables pour les populations vulnérables de Côte d‘Ivoire.

Par contre, après six(06) reports successifs, l‘élection présidentielle avait finalement eu lieu en octobre et novembre 2010. Au lieu d‘aboutir à la fin de la crise tant espérée, à l‘issue du deuxième tour, elle plongea plutôt la Côte d‘Ivoire dans une situation très embrouillée et présentée comme porteuse de plus de menaces que septembre 2002.

A l‘issue des résultats du premier tour d‘élection présidentielle, Alassane Ouattara du RDR et Laurent Gbagbo de La Majorité Présidentielle(LMP) devront se confronter le 28 Novembre 2011 pour le deuxième tour remporté par Alassane Ouattara selon la Commission Electorale Indépendante(CEI) et attribué à Laurent Gbagbo par la Cours Constitutionnelle(CC). Laurent Gbagbo avait d‘ailleurs commencé à le contester, disant que c‘était aux Ivoiriens de régler leurs affaires et non à la Communauté internationale.

Bien que l‘objectif de la création de la CEI était de rendre incontestable le résultat des élections, sans pour autant contester la légitimité du Conseil constitutionnel qui devait promulguer les résultats après le travail de la CEI ; ce n‘était pas ce qu‘il s‘était passé car le Conseil constitutionnel, après avoir fait obstacle à la proclamation des résultats en temps voulu (trois jours après le scrutin), pour tenter de discréditer la CEI, avait plutôt contesté le résultat des élections en donnant la victoire à Gbagbo, arguant de fraudes dans certains bureaux de vote surtout au nord du pays, zone supposée être range du Côté de Ouattara.

La mission des Nations Unies en Côte d‘Ivoire (ONUCI), sur basé de son mandat de certification donné par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, avait procédé à un nouveau décompte en tenant compte des réclamations de Gbagbo et en annulant des résultats lorsqu‘il y avait accusation de fraude dans des bureaux de vote où Ouattara était déclaré vainqueur. Malgré ces annulations, Ouattara était toujours devant. Gbagbo était devant à l‘issue du premier tour mais un bon nombre de candidats du premier tour avaient appelé à voter pour Ouattara au second .Ce report très important de voix sur Ouattara fut le fruit des accords entre lui et Henri Konan Bédié qui était classé troisième au premier tour d‘élection. D‘où la concrétisation du Rassemblement des Houffouetistes pour la Démocratie et la Paix(RHDP), alliance que Laurent Gbagbo n‘avait jamais prévue dans sa stratégie.

Depuis lors, la Cote d‘Ivoire aura deux « présidents de la République », le sortant Laurent Koudou Gbagbo et son rival Alassane Dramane Ouattara. Chacun des « présidents » s‘appuiera sur un soutien réel au niveau national. À cette « légitimité » interne, presque équilibrée, s‘ajoutera ou s‘opposera une légitimation extérieure déséquilibrée et caractéristique de la souveraineté limitée des États postcoloniaux africains , par la « communauté internationale »,.

Eu égard à la promesse faite par les deux candidats lors du débat radiotélévisé à la veille du deuxième tour, présenté comme une leçon de démocratie pour les autres élections présidentielles africaines, cette crise semblait plutôt surprenante. Les violences, parfois meurtrières, signalées pendant la campagne du deuxième tour étaient souvent interprétées comme des faits qui ne compromettaient pas la suite des événements.

Les résultats du premier tour n‘ayant fait l‘objet d‘aucune contestation, malgré quelques irrégularités, les « observateurs » n‘auraient d‘ailleurs prévu ni le blocage de la publication des résultats, ni les proclamations contradictoires de la Commission électorale indépendante (CEI), en charge de la proclamation des résultats provisoires, et du Conseil constitutionnel (CC), en charge de la proclamation des résultats définitifs à certifier par la Mission des Nations Unies en Côte d‘Ivoire(ONUCI).

Mais les résultats proclamés par la CEI, annonçant la victoire d‘Alassane Ouattara, avaient été certifiés par la Mission des Nations Unies en Côte d‘Ivoire(ONUCI) alors que le CC avait attribué la victoire à Laurent Gbagbo, après déduction des présumées fraudes, qui avaient été constatées dans certains départements septentrionaux considérés comme fiefs du candidat Alassane Ouattara.

Depuis ce calamiteux scrutin présidentiel, les menaces et médiations extérieures se succèderont pour tenter d‘obtenir le retrait de Gbagbo au profit d‘Ouattara. Après la visite de pas moins de cinq autres chefs ou anciens chefs d‘État africains, la médiation de Raila Odinga, Premier ministre kenyan, à nouveau missionné par l‘Union africaine (UA), échoua. Même si le contenu des discussions restera secret, il semblerait que Gbagbo s‘était vu proposé l‘impunité et un exil doré pour lui, sa famille et certains de ses proches au pouvoir en échange de sa reconnaissance d‘Ouattara comme vainqueur (résultat probable des élections, mais difficilement vérifiable), ce que ce dernier exigea comme préalable à toute discussion. Un partage de l‘exécutif (présidence pour l‘un et primature pour l‘autre), solution qui avait prévalu au Kenya et au Zimbabwe après les violences post-électorales, ne semblera envisagé par personne, ni les protagonistes ni leurs soutiens extérieurs. Quant à l‘hypothèse de revoter dans les bureaux litigieux, comme le demandait la société civile, ou de réorganiser totalement les élections, ce que prévoyait théoriquement la Constitution, elle avait été soigneusement ignorée.

Depuis la reconnaissance de la victoire d‘Ouattara par les États-Unis(USA), suivis par la France, l‘Union européenne (UE), et les différentes institutions africaines (Union Africaine, CEDEAO), le camp Ouattara fera de la surenchère tandis que celui de Gbagbo jouera la montre, soufflant le chaud et le froid, rendant tous deux inaudibles les appels à l‘apaisement lancés par certains milieux (religieux, diplomates, intellectuels, ONG…). Les USA puis l‘UE avaient commencé par décider un gel des avoirs privés et des visas pour certains membres du régime Gbagbo, mesure sans grande portée. Les pressions s‘étaient ensuite exercées sur les pays africains de l‘Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), où les discussions avaient été très vives, pour que le contrôle du compte ivoirien à la Banque centrale de cette zone CFA, soit retiré à Gbagbo. Il s‘agira d‘une tentative pour asphyxier financièrement l‘État ivoirien, susciter le mécontentement des fonctionnaires, et surtout le retournement des militaires, dont les officiers étaient pour l‘instant restés fidèles à Gbagbo malgré diverses sollicitations.

Mais des moyens de contourner la Banque centrale existaient pour le régime en place. Pour ce faire, Ouattara et Soro, dont la rébellion contrôlait toujours le nord du pays, ne cesseront d‘appeler à un renfort militaire extérieur pour déloger Gbagbo. La France et les USA ne pourront se permettre d‘intervenir unilatéralement et ne pourront compter sur une résolution du Conseil de sécurité, pour cause de vétos chinois et russe. Ils s‘efforceront d‘obtenir une opération africaine, appuyés en cela par le président nigérian Goodluck Jonathan qui dirigeait la Communauté Economique des États d‘Afrique de l‘Ouest (CEDEAO).

Réunis le 18 janvier 2011 à Bamako (Mali), les chefs d‘état-major des pays de cette institution avaient affirmé être techniquement prêts pour une telle intervention, mais la réalité paraissait plus nuancée. Gbagbo pouvait dès lors compter sur le soutien militaire de l‘Angola, allié de longue date, auprès duquel il se réarma en ce moment, et sur la neutralité de certains chefs d‘États africains, aux motivations diverses. Certains se refuseront à couper complètement les ponts avec lui ; d‘autres, tout aussi mal élus, voire plus, redouteront un précédent qui pourrait compromettre à l‘avenir leur maintien au pouvoir ; enfin des craintes légitimes existeront quant aux représailles probables contre les très nombreux ressortissants étrangers présents sur le sol ivoirien.

Alassane Ouattara bénéficiera d‘un soutien quasi unanime de la « communauté internationale », c‘est-à-dire des États-Unis, de la France, de l‘Union Européenne, du Conseil de sécurité des Nations Unies, de l‘Union Africaine, de la Communauté économique et douanière des États de l‘Afrique de l‘Ouest (CEDEAO), etc. Si, au départ, Laurent Gbagbo avait bénéficié du soutien de la Russie ou du Mexique, par exemple, celui-ci avait été vite perdu. Depuis peu, certains chefs d‘État africains à l‘instar de Jacob Zuma (Afrique du Sud) ou du président en exercice de l‘Union Africaine, le Malawite Bingu wa Mutharika, voire l‘un des médiateurs, Yayi Boni (Bénin) se démarqueront de l‘intransigeance de leurs pairs de l‘Union Africaine, sans partager pour autant le soutien
inconditionnel à Gbagbo, manifesté par l‘Angolais Eduardo Dos Santos. Dans l‘établissement de l‘ancienne métropole coloniale, Gbagbo ne bénéficiera que du soutien de certains dignitaires du Parti socialiste français, opposés à la position officieuse de celui-ci, membre de l‘Internationale socialiste comme le Front patriotique ivoirien (FPI) de Gbagbo. Quant à l‘Afrique des partis politiques et des intellectuels, sur le et hors du continent, elle était sérieusement clivée.

La répression orchestrée par les forces fidèles à Gbagbo avait déjà fait plusieurs morts parmi les militants pro-Ouattara réels ou supposés, selon l‘Organisation des Nations Unies(ONU), qui restera en revanche silencieuse sur les exactions commises en zone rebelle contre les Ivoiriens pro-Gbagbo, lesquels venaient pourtant grossir les rangs des Ivoiriens déjà exilés au Libéria. L‘ONU, dont les forces sur place étaient harcelées par les partisans de Gbagbo, avait décidé l‘envoi de 2 000 nouveaux casques bleus sur place, en plus des 8 500 déjà présents, et des 900 militaires français pour bien maintenir la paix.

La Cote d‘Ivoire se retrouvera dès lors dans une situation d‘imbroglio car le résultat des urnes était contesté de part et d‘autre. Pourtant, il faudra rappeler que la façon dont s‘étaient déroulées les élections était le résultat d‘une succession d‘accords politiques conséquemment aux affrontements armés, entre les Forces nouvelles de Côte d‘Ivoire et le pouvoir d‘Abidjan en 2002 : Accra 1 (2002), Marcoussis (2003), Accra 2 (2003) et 3 (2004), Pretoria 1 et 2 (2005) et les accords politiques d‘Ouagadougou (2007). Tous ces accords avaient impliqué Laurent Gbagbo lui-même, les différentes forces politiques de Côte d‘Ivoire, l‘État français, l‘Union africaine, la CEDEAO et l‘ONU.

Pour ce faire, partant de la définition classique de la phase de transition politique(6), qui correspond au passage d’un régime à l’autre, s’achève avec l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement et d’une assemblée législative résultant d’une élection libre et disposant d’un pouvoir souverain et suivie d’une phase de consolidation de la démocratie pour en assurer la stabilité ;

A la lumière du contexte décrit ci-dessus et partant de la définition du concept de la paix telle que tirée de la citation de Félix Houphouët-Boigny, premier Président de la République de Côte d‘Ivoire et Père de la nation , lors du huitième Sommet de l’OUA tenu à Addis-Abeba le 22 juin 1971(7) ;
Nombreux observateurs, y compris moi-même, ne cesseront de s‘interroger sur les enjeux relatifs au déroulement et à l‘aboutissement du processus de la transition politico-humanitaire et postélectorale en Côte d‘Ivoire. Nous pourrions formuler certaines de ces différentes interrogations sous forme de quelques questions suivantes :

« C‟est quoi, ou alors, en quoi consiste la transition politique et humanitaire ?

Quels sont les fondements, les causes et les conséquences de la crise ivoirienne?

Quand commence la transition et quels en sont les indicateurs, les points de repère et les défis pour la Côte d‟Ivoire?

Qu‟en est –il de l‟efficacité des stratégies et les mécanismes de coordination ,de plaidoyer et de réponse adoptées pendant la période de transition et qu‟en-est-il de leur implication pour la Côte d‟Ivoire?

Que peuvent être les leçons tirées de la gestion de la crise ivoirienne pour le pays, la sous-région et le continent africain ? ».
De ces plusieurs soucis et interrogations, nous est venue l‘idée de consacrer notre recherche et d‘orienter notre thèse de Ph.D en Sciences Politiques (Relations internationales et diplomatiques) sur l‘analyse des enjeux de la transition politique et humanitaire tout en nous focalisant sur la crise politico-militaire et postélectorale en Côte d‘Ivoire.

Les objectifs de recherche

Notre travail de recherche comporte un double objectif, à savoir :
• Identifier, quantifier l‘ampleur et analyser les enjeux, les indicateurs, les points de repère et les défis de la période de la transition politique et humanitaire en Côte d‘Ivoire ;
• Discuter de l’efficacité de différentes stratégies, des mécanismes de coordination, de plaidoyer et de réponses entreprises ; dégager leurs implications politiques, opérationnelles et stratégiques et contribuer à la formulation des voies et des solutions permettant de garantir la stabilité politico-sociale et économique en Côte d‘Ivoire, dans la sous-région et en Afrique.

Les hypothèses de recherche

Cinq hypothèses de recherche permettront d‘atteindre notre double objectif à savoir :

• La Crise politico-militaire et postélectorale en Côte d‘Ivoire qui a, de manière globale, exacerbé les conditions de vies des populations ivoiriennes en générale et celles des populations des provinces de l‘Ouest, du Centre, du Nord et d‘Abidjan en particulier ; trouve ses fondements dans la transition du régime de parti unique à un régime multipartiste, l‘ivoirité et surtout des résultats de l‘élection présidentielle contestée ;
• Les différentes actions humanitaires ,politiques et diplomatiques menées par la communauté internationales en appui aux efforts locaux et sous régionaux, ont permis d‘améliorer le contexte politico-militaire ainsi que les conditions de vies des populations fragilisées par la crise et surtout les déplacées internes et les retournées ;
• Durant la période de transition, les stratégies et les mécanismes de coordination, de plaidoyer et de réponse humanitaires, politiques ,socioreligieuses, militaires, médiatiques, juridiques et diplomatiques sont nécessaires pour faire face à certains besoins politico- militaires et humanitaires résiduels et/ou additionnels, avant de céder la place aux stratégies et mécanismes de coordination et de réponse à long terme.
• Les leçons tirées de la gestion de la crise ivoirienne peuvent être utiles pour la stabilité sous régionale et africaine.
• En vue d‘assurer la stabilité politico-sociale et économique en Côte d‘Ivoire, la transcendance des contradictions, le relèvement des vrais défis politico-sociaux et la réconciliation nationale constituent une base solide pour assurer la reconstruction de la paix et la stabilité politico-économique et sociale en Côte d‘Ivoire et dans la sous-région de l‘Afrique de l‘ouest

L’outil et la méthodologie de recherche

L’outil de recherche

Notre analyse s‘appuiera sur un outil de recherche et d‘analyse communément appelé « la Méthode Harmonisée d’Analyse des risques (MEHARI)»(8).
La MEHARI est développée, depuis 1996, par le Club de la Sécurité de l’Information Française (CLUSIF) pour aider les décideurs (responsables de la sécurité, gestionnaires de risques et dirigeants) à gérer la sécurité de l’information et à minimiser les risques associés. Réduire les risques impose de connaître les enjeux et les processus majeurs pour l’organisation afin d’appliquer les mesures organisationnelles et techniques de manière à optimiser les investissements.

Cette démarche implique donc d’utiliser les pratiques et solutions à la hauteur des enjeux et des types de menaces sous toutes ses formes.

Schéma I : L‘illustration des pratiques et solutions à la hauteur des enjeux et types de menaces

Schéma Les enjeux de la transition politique et humanitaire le cas de la crise politico-militaire et postélectorale en Côte d’Ivoire 1

La MEHARI fournit un cadre méthodologique, des outils et des bases de connaissance pour :

1) analyser les enjeux majeurs,
2) étudier les vulnérabilités,
3) réduire la gravité des risques,
4) piloter la planification d‘actions,

Les modules de MEHARI peuvent être combinés, en fonction de choix d’orientation ou de politiques pour bâtir des plans d’action ou, tout simplement, pour aider la prise de décision comme indiqué ci-après.

Schéma II : Le processus de la Méthode Harmonisée d‘Analyse des Risques (la MEHARI)

Schéma Les enjeux de la transition politique et humanitaire le cas de la crise politico-militaire et postélectorale en Côte d’Ivoire 2

1 Fondation-fhb.org.- Citations du premier Président de la Côte d‘Ivoire, Félix Houphouët-Boigny.- http://www.fondation-fhb.org/index.php?nom=paix
2 Npa2009.org.- Comprendre la crise ivoirienne.- Tiré de http://www.npa2009.org/content/comprendre-la-crise-ivoirienne/
3 Voir tous les détails sur le site officiel de la fondation Houffouet- Boigny pour la paix via le lien http://www.fondation-fhb.org/index.php?nom=gb
4 Dynalias.org. –Article.- http://orta.dynalias.org/inprecor/article-inprecor?id=1099
5 Le fait d‘avoir les cadres d‘unique ethnie « Baoulé» dans toutes les chaines de prise de décision
6 Toupie.org.-Transition démocratique.- http://www.toupie.org/Dictionnaire/Transition_democratique.htm/
7 Fondation-fhb.org.- http://www.fondation-fhb.org/index.php?nom=paix, déjà cité
8 Clusif.asso.fr.- Méthode Harmonisée d‘Analyse des risques (MEHARI).-, http://www.clusif.asso.fr/fr/production/mehari/

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