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Jonathan Wieme

Non classé

Responsable marketing et communication de la marque de maroquinerie de luxe
Niyona.(128)

Ilaria Badjir : Comment construit-on l’identité d’une nouvelle marque de
maroquinerie, belge de surcroit ?

Jonathan Wieme : Nina Bodenhorst (qui s’occupe de la création des pièces) a décidé
de lancer sa propre marque après avoir travaillé chez Delvaux et Nathan Baume. On a
vraiment dû définir ce qui allait nous différencier des autres marques. On a voulu faire
du « made in Belgium » même si on savait que les coûts de production sont plus
élevés. Se positionner avec un beau produit artisanal avec un atelier de maroquinerie
et de belles techniques… On a joué sur les points faibles des autres pour mettre en
avant notre savoir-faire. Je trouve dommage qu’aujourd’hui, il ne reste plus beaucoup
d’ateliers en Belgique, où les gens peuvent venir voir comment se passe la création,
sentir les matières…On cherche vraiment à éduquer les gens à notre travail et savoirfaire.

I.B : Félicitations pour votre prix au « International Design Awards in Los Angeles » ;
cela ajoute un atout dans votre communication ?

J.W : Merci ! La beauté du produit est bien mise en valeur. Tout le monde sait faire des
belles choses, mais au final, dans les magasins, on retrouve souvent les mêmes
modèles de sac… On voulait avoir une autre identité visuelle que ce qui existait déjà.

Voilà pourquoi on travaille avec du matelassé et des modèles de cuir vintage. On
ajoute des touches différentes pour que le produit puisse s’affirmer esthétiquement.

Comme nous sommes encore une marque naissante, on à la chance d’être plus
flexibles par rapport aux grandes maisons. Pas de palette de couleurs imposées par
exemple, réaliser un sac en cuir lisse ou grainé ne nous demande pas plus d’effort et
c’est ça qui est notre avantage…

Le sur-mesure pour les clients est très important, c’est la touche finale.

I .B : Pour votre visibilité dans la presse en tant que jeune créateur, quelle est votre
stratégie ?

J.W : La marque est récente, elle est née en 2010. Il a bien fallu nous faire connaitre.
On travaille avec une agence de presse : Sophie Carré. Nous l’avons choisie, car elle
croit en nous et partage les mêmes valeurs, que nous voulons refléter à travers notre
marque.

Les parutions dans la presse apportent une visibilité et une crédibilité. Les gens
peuvent constater que nous sommes présents dans les plus beaux magazines belges et
cela nous aide pour aller démarcher dans les boutiques… Le bouche à oreille se fait et
c’est plus facile de se faire une place dans le milieu. Les press day sont aussi
importants pour faire parler de nous.

I.B : La marque Niyona est présente sur Facebook , Twitter , Instagram ,
Pinterest…Quel est le but de cette stratégie ?

J.W : C’est simple, nous n’avons pas encore énormément de budgets… Si ça ne tenait
qu’à moi, je voudrais faire beaucoup plus d’événements off line. Mais le digital est là,
gratuit et à disposition de tout le monde. Je travaille à la base pour une agence de
publicité, d’où mes connaissances dans le secteur. Autant les utiliser à bon escient.

Facebook est un bon outil, facile d’accès pour connaitre son audience : qui aime la
marque, qui s’y intéresse… C’est un noyau dur, notre page récolte plus de mille fans en
un an seulement. Pour une jeune marque, c’est vraiment pas mal ! Après, il faut rester
vigilant et ne pas partir dans trop de directions différentes, rester complémentaire
dans son discours sur les différents réseaux. Instragram, on l’utilise pour le côté visuel,
montrer la création et l’inspiration dans les ateliers, être proche des consommateurs…
C’est l’effet « Behind the scene » dont les gens raffolent.

Le twitter est là pour partager des news plus générales par forcement liées à la
marque, mais des choses que l’on apprécie dans le milieu de la mode, du design,
stylisme…On ne peut pas partager ça sur notre page Facebook, car elle existe pour
montrer notre travail.

Le site web est la carte d’identité digitale de la marque : quelqu’un qui pense à Niyona
pour trouver les informations de base va aller sur le site web.

C’est toute la volonté d’être complémentaire sur les réseaux sociaux, maintenant cela
demande une bonne gestion, le contenu est le plus important, sans contenu de
qualité, tout ça n’a aucun intérêt !

I.B : Désormais, on ne peut plus passer à côté du digital lorsque l’on communique
pour une marque ?

J.W : Le but premier de communiquer pour une marque de luxe sur internet, c’est de
faire vendre son produit. On va chercher le consommateur sur le web, on ne va pas
l’amener en magasin, mais sur l’E-shop pour qu’il puisse directement faire ses achats.
C’est là que les réseaux sociaux sont magnifiques, car ils permettent de trouver les
bonnes personnes et on peut décider où les amener.

Il y a tous les âges sur internet, il suffit d’aller sur la bonne plateforme. On a constaté
que la moyenne d’âge des personnes qui nous suivent sur Facebook a entre vingt-cinq
et trente-cinq ans alors que dans la réalité, nos clients sont un peu plus âgés. Il faut
rester vigilant à ça, car notre produit a tout de même un coût, le pouvoir d’achat… Je
reçois souvent des mails de jeunes personnes m’expliquant qu’elles adorent nos
produits, mais qu’elles n’ont pas encore les moyens de se payer un sac Niyona… Ce
n’est pas grave, car les jeunes d’aujourd’hui seront les clients de demain…Les marques
de luxe vendent du rêve, il ne faut pas perdre ça de vue…

Avant tout lancement d’une marque, il y a une étude de marché qui se fait, on avait
constaté que la présence digitale pour les marques de luxe belge est quasiment nulle.
Même Delvaux n’a pas une aussi belle page Facebook que nous. Delvaux n’a pas
encore établi sa stratégie digitale, enfin je suis sûr que cela se prépare pour bientôt et
quand ça tombera, ça risque de faire mal pour les jeunes créateurs comme nous !

I.B : Vous pensez à vous diriger vers les blogueurs ?

J.W : Oui, on y pense assez souvent, mais c’est très difficile, on a envie de garder une
certaine « inaccessibilité ». Je suis froissé quand je vois des concours sur les blogs ou
sur Facebook pour gagner des produits, cela me dérange et ne me donne pas envie de
m’associer à cette marque. C’est trop facile, il suffirait de remplir un bête
questionnaire pour gagner un sac Niyona, non c’est contradictoire à nos valeurs ! On a
souvent des demandes de blogueurs qui veulent s’associer à la marque par le biais de
concours, oui cela permet une visibilité facile et rapide c’est indéniable. Mais je qualifie
ça de « prostitution de produit » et je ne veux pas faire ça pour Niyona.

Il y a des blogueurs qui font du super boulot, avec de beaux articles. Avec eux oui,
pourquoi pas envisager une collaboration valorisante pour les deux côtés ? On a eu
une belle action avec Nokia.

Le dernier Smartphone N9 qui est sorti dernièrement, Nokia est venu vers nous en
nous demandant de créer spécialement une pochette pour ce téléphone qui allait être
distribué aux blogueurs. Cette action avait son intérêt vu qu’on pouvait valoriser notre
savoir-faire, on a d’ailleurs eu un très bon impact…Je préfère ce genre d’action aux
échanges avec des intérêts faciles.

Maintenant, je ne sais pas comment va vraiment évoluer notre travail avec les
blogueurs, car il est tellement facile de se prétendre blogueur aujourd’hui, je n’ai pas
envie de perdre mon temps à les caresser dans le sens du poil pour obtenir quelque
chose en retour, alors que je pourrais être occupé à travailler pour améliorer mon
produit.

I.B : Communiquer sur les réseaux sociaux pour une marque de luxe, ce n’est pas un
risque de perdre un peu de son prestige ?

J.W : Quand on a lancé la page Facebook, certaines personnes nous on fait comme
réflexion : « Mais les gens qui achètent vos sacs ne sont pas sur Facebook quand
même ? »

Honnêtement, je pense que si, ils le sont et même si ce n’est pas le cas, et alors ? On
avait envie de montrer à tout le monde qui était la marque Niyona. Ce n’est pas parce
qu’on est caché que l’on est forcement plus exclusif ou plus luxueux… Ça devient
délicat si je trouve mon produit dans un magazine un peu « cheap », là c’est
dangereux, car c’est un manque de respect envers la clientèle qui achète mes sacs. Il
faut rester vigilant à ne pas libérer son produit n’importe où, car à partir du moment
où l’on publie sur internet du contenu, il ne nous appartient plus ! Voilà pourquoi
certaines marques restent réticentes au digital…

I.B : L’avenir du digital comme outil de communication, vous le voyez comment ?

J.W : Ca ne va ne jamais détrôner quoi que ce soit, le digital trouve sa force quand il
est utilisé en complément d’une autre forme de communication. La manière dont on
l’utilise va changer, elle est déjà en train d’ailleurs. On ne va plus rester derrière son
ordinateur, on migre déjà sur nos smartphones et c’est là qu’il faudra aller pour
trouver sa cible. Le papier aura toujours sa force, en tant que marque de luxe, on rêve
toujours d’avoir une belle page de publicité dans un célèbre magazine ou une affiche
exposée en rue.

On va vouloir se différencier et être plus créatif que son voisin, maintenant ce n’est pas
parce que tu possèdes une page Facebook que tu fais de la communication digitale.
Une mauvaise gestion, un mauvais contenu peuvent rapidement détruire une marque.

I.B : Avec plus de moyens, vous seriez partant pour faire de grandes actions de
communication digitale ?

J.W : Bien sûr, je trouve magnifique l’expérience que permet le digital, c’est plaisant et
agréable. Burberry est pour moi le meilleur exemple de comment bien communiquer
de manière digitale. Je suis l’Instagram de Burberry, ils ont vraiment des actions
innovantes, ils invitent les meilleurs photographes à faire les comptes-rendus de leur
défilé. Il n’y a que le digital qui permet ce genre de belle collaboration… J’aimerais
créer un magazine I-pad par exemple !

I.B : Quels sont les liens entre le luxe et le digital ?

J.W : Le digital et le luxe vendent du rêve, une chose exceptionnelle à laquelle j’ai
assisté il y a quelques années à Paris. L’enseigne Repeto, ils étaient les premiers à le
faire, ils ont totalement digitalisé leur vitrine. On pouvait changer l’univers de la vitrine
avec des gestes, changer l’arrière-plan… Voilà où le luxe et le digital se rejoignent, ils
donnent un côté pétillant et magique aux consommateurs ! C’est vraiment cette magie
en tant que jeune marque que l’on a l’ambition d’atteindre. Créer une expérience
luxueuse et digitale qui a un côté jouissif et plaisant.

128 http://www.niyona.be/

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