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Les assureurs vont ensuite avancer des arguments tirés de la renonciation au droit de renonciation.

Pour les assureurs, le fait pour le souscripteur d’exécuter le contrat signifiait de sa part renonciation à se prévaloir de la faculté de renonciation.
Dans les deux cas, les souscripteurs avaient opéré un certain nombre d’actes de gestion de leur contrat (rachat, avance…) qui montraient sa volonté de l’exécuter.

La Cour de cassation ne l’entendra pas de cette oreille.

Dans le premier arrêt (n°05-12.338), elle énonce : « attendu selon l’article L132-5-1 du Code des assurances, le défaut de remise des documents et informations énumérées par l’alinéa 2 de ce texte entrainent de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu par son premier alinéa ; qu’en vertu de l’article L111-2 du Code des assurances, ces dispositions sont d’ordre public ; qu’il s’ensuit que la renonciation au bénéfice des dispositions d’ordre public de l’article L132-5-1 n’est pas possible. »

Dans le second arrêt (n° 05-10.366) : « attendu que la faculté de renonciation ouverte de plein droit au preneur par l’alinéa 2 de l’article L132-5-1 du Code des assurances, pour sanctionner le défaut de remise par l’assureur des documents et informations énumérées par ce texte indépendante de l’exécution du contrat, le délai de renonciation se trouve prorogé jusqu’à l’accomplissement par l’assureur de ses obligations. »

Le principal fondement de cette position est l’article 6 du Code civil selon lequel « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ».
La jurisprudence constante suit cette position.
Pour exemple, il a pu être jugé que « l’action en révocation des donations pour cause d’ingratitude prévue par l’article 955 du Code civil intéressant l’ordre public, le donateur ne peut renoncer avant que le fait constitutif d’ingratitude se soit produit » (Civ.1ère 22 novembre 1977, n°76-10821).
De même, un autre attendu dispose : « Nul ne peut valablement renoncer à un droit d’ordre public avant qu’il ne soit acquis » (Civ.2ème 25 mars 1991, n°89-21181).

Mais une jurisprudence toute aussi constante permet de renoncer à un droit, fut-il d’ordre public, à partir du moment où celui-ci est né :
– «Une partie peut toujours, après la naissance de son droit, renoncer à l’application d’une loi, fût-elle d’ordre public » (Civ.3ème, 27 octobre 1975, n°74-11656).
-« S’il est interdit de renoncer par avance aux règles de protection établies par la loi sous le sceau de l’ordre public, il est en revanche permis de renoncer aux effets de telles règles ». Dans ce second arrêt, la Cour admettait une telle renonciation à la condition suspensive d’obtention de prêt prévue à l’article L312-16 du Code de la consommation, article d’ordre public, au motif qu’ « en dépit du refus que la banque sollicitée avait opposé à leur demande de crédit, les époux avaient néanmoins poursuivi l’exécution du contrat en signant les demandes de permis de construire et de démolir » (Civ.1ère, 17 mars 1998, n°96-13972).

Les arrêts du 7 mars 2006 opèrent ensuite un revirement de jurisprudence.
Dans les cas d’espèce des arrêts du 7 mars 2006, le souscripteur qui exécute des actes dépendant de la vie normale du contrat comme procéder à des arbitrages, solliciter des rachats ou encore des avances, a incontestablement acquis le droit à renonciation : celui-ci a exécuté le contrat en toute connaissance de cette faculté grâce à la remise d’un document nommé « conditions générales valant note d’information ». Suivant ce raisonnement, le souscripteur aurait bel et bien renoncé à sa faculté de renonciation. Cependant avec les arrêts du 7 mars 2006, la Cour considère désormais que le souscripteur, même ayant exécuté son contrat en toute connaissance de cause, n’en a pas pour autant renoncé à sa faculté.

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