Préconisation n°1 : tout projet d’externalisation doit faire l’objet d’une étude comparative approfondie. Celle-ci devra mettre en balance les gains économiques escomptés dans le cadre de l’externalisation du service concerné, ceux attendus dans le cadre d’une politique de « mutualisation-interarmisation » et ceux prévus dans le cadre d’une politique de « rationalisation-civilianisation » (remplacement des militaires par des fonctionnaires civils).
Préconisation n° 2 : il convient d’organiser l’évaluation et le contrôle de chaque service externalisé à l’aide d’un tableau de bord. Véritable outil de pilotage à la disposition du ministère de la Défense, ces tableaux de bord seraient constitués de plusieurs indicateurs de performance propres à chaque service.
Préconisation n°3 : l’Etat doit définir une stratégie globale en termes d’externalisation afin de permettre aux sociétés françaises spécialisées dans ce domaine de s’organiser. Une telle structuration favoriserait l’émergence de « géants nationaux » propres à rivaliser avec leurs homologues anglo-saxons.
Préconisation n°4 : les moyens de veille stratégique doivent être consolidés afin de surveiller les coûts et les bénéfices de l’externalisation dans les pays étrangers qui mènent ce genre de politiques.
Préconisation n°5 : l’Etat n’ayant plus les moyens nécessaires à la protection contre la piraterie maritime des navires battant pavillon français, il convient, soit d’accroître les capacités des armées et notamment le nombre d’équipes de protection embarquées de la Marine nationale, soit d’autoriser la présence de gardes armés privés à bord des bâtiments transitant dans les zones jugées sensibles. Dans ce dernier cas, seules les armes non létales seraient autorisées à bord comme les canons à sons (déjà présents sur les navires de guerre américains), les canons à ondes, les armes anti-émeute, etc.
Préconisation n°6 : les comparaisons économiques doivent faire apparaître les coûts de réinternalisation du service concerné.
Préconisation n°7 : l’externalisation au sein des forces armées ne doit pas être guidée par l’urgence économique et la réalisation de gains financiers immédiats. C’est pourquoi, il importe de se demander si ce qui est intéressant à court terme présente un intérêt sur le long terme. La véritable question à se poser n’est donc pas : est-il judicieux d’externaliser aujourd’hui eu égard aux conditions environnementales actuelles ? Mais plutôt : sera-t-il toujours judicieux dans X années d’avoir externalisé aujourd’hui eu égard aux conditions environnementales de demain ?
Préconisation n°8 : les contrats d’externalisation doivent être suffisamment précis concernant la possibilité d’une ré-internalisation. Cette nécessité passe notamment par l’insertion de clauses facilitant la ré-internalisation telles que les clauses de propriété intellectuelle (propriété industrielle et propriété littéraire & artistique).
Préconisation n°9 : nous pensons que la question de l’externalisation ne trouvera pas de réponse appropriée tant que nous n’aurons pas pris conscience de la spécificité de l’outil militaire. Du fait de la particularité des missions dévolues au ministère de la Défense, celui-ci ne peut se voir appliquer le paradigme économique et managérial régissant n’importe quelle entreprise. Ainsi, le fait d’externaliser les fonctions secondaires pour mieux se concentrer sur les fonctions appartenant au cœur de métier n’est pas toujours pertinent dans la mesure où certaines fonctions secondaires sont directement liées au cœur de métier. Par conséquent, il s’agit pour le ministère de la Défense de recenser toutes les fonctions secondaires jugées vitales afin qu’elles ne soient surtout pas externalisées.
Préconisation n°10 : à l’instar de ce qui a été fait dans le cadre des compagnies aériennes, il appartient au ministère de la Défense d’établir une liste noire (blacklist) des ESSD jugées peu sûres (soit en raison de dérives éthiques, de sous-performances, de surfacturations…). Cette liste serait régulièrement actualisée.
Préconisation n° 11 : il faut différencier le recours à des ESSD dans le cadre du fonctionnement courant des armées de celui effectué dans le cadre d’opérations militaires exécutées depuis la Métropole ou un théâtre extérieur. Dans le dernier cas, le ministère de la Défense ne peut se permettre aucune défaillance. Or, les ESSD, aussi professionnelles soient-elles, ne présenteront jamais le même niveau de garanties que les forces armées et cela pour deux raisons principales : tout d’abord, toute entreprise privée peut faire faillite, ce qui n’est pas le cas d’un Etat ; ensuite, les ESSD françaises sont régies par les principes du Code du travail ( droit de retrait, droit de grève, semaine de 35 heures…) et non par ceux du Code de la défense (« esprit de sacrifice », disponibilité « en tout temps et en tout lieu »…). C’est pourquoi, il nous apparaît essentiel que les forces armées françaises conservent les capacités humaines et matérielles nécessaires à l’accomplissement autonome de missions opérationnelles relevant de la souveraineté nationale. Compte tenu des
contraintes budgétaires pesant sur le ministère de la Défense, cette autonomie ne pourra pas dépasser quelques mois, durée à partir de laquelle il sera possible de recourir à des prestataires privés.