1. NARCOTRAFIC ET CORRUPTION : LA SITUATION MEXICAINE
Selon un rapport d’information du comité des affaires étrangères, le principal facteur de violence, de corruption et de tensions qu’aient à affronter aujourd’hui les dirigeants mexicains réside sans doute dans l’importance croissante du narcotrafic.
Le Mexique constitue à la fois un important producteur -notamment le premier producteur de marijuana sur le continent américain- et le premier pays de transit de stupéfiants vers les Etats-Unis, qu’ils proviennent d’Asie (héroïne) ou, surtout, d’Amérique du sud (cocaïne). On estime de plus que, depuis quelques années, les organisations criminelles mexicaines ont pris le relais des cartels colombiens aux Etats-Unis, mettant en place leurs propres structures verticales, depuis les lieux de production en Amérique du Sud jusqu’aux filières de distribution aux Etats-Unis. La mise en oeuvre de l’ALENA a de surcroît permis aux trafiquants mexicains de consolider leurs positions aux Etats-Unis, tandis que le Mexique devenait une des places mondiales du blanchiment d’argent sale. Les trafics de drogues pourraient ainsi -selon certaines estimations- générer au Mexique des revenus équivalents au montant total des exportations normales. Le narcotrafic est estimé à environ 9 % du PIB national.
Face à une situation aussi grave, les autorités mexicaines ont à l’évidence beaucoup de mal à se doter de moyens de lutte efficaces, ne serait-ce qu’en raison de la corruption qu’entraîne naturellement le développement du narcotrafic.
L’objectif est cependant d’autant plus difficile à atteindre que la corruption qui résulte du narcotrafic touche l’appareil d’Etat lui-même et que, de l’aveu même du ministre de la justice, les cartels déversent ” des rivières d’or ” pour corrompre juges et policiers.
Le narcotrafic gangrène enfin le système financier mexicain : trois banques mexicaines ont ainsi été accusées par les services américains, en mai 1998, de blanchiment d’argent au cours d’une opération montée à l’insu des autorités mexicaines.
C’est dans les années 1990 que le cartel de Juarez s’est imposé dans le milieu du trafique de drogue et qu’une grande vague de violence se fait sentir au Mexique.
C’est à ce moment que les narcocorridos apparaissent ; ils servent de chronique, à relater tous les événements et leurs impacts sur la société.
2. PROBLEMES SOCIAUX ET NARCOCORRIDOS
Le trafic de drogues et tout l’argent qui en découle soutiennent en grande partie l’économie mexicaine depuis au moins les années 1920.
Comme les Etats-Unis sont le principal client du Mexique en ce qui concerne les drogues, c’est ce narcotrafic qui joue un rôle important dans les bonnes ou mauvaises relations entre ces deux nations.
Pour le journaliste Iñigo Herraiz, la propagation de la violence dans ce continent et notamment chez les jeunes est facteur de « frustrations et de manque de perspectives de futur ».
On peut alors se demander si dans le cas des narcocorridos, la violence a engendré l’apparition de ce courant musical ou est-ce que ce courant musical contribue à augmenter la violence dans la région.
Pour les autorités mexicaines comme états-uniennes, les narcocorridos inciteraient à la consommation de drogues et diminueraient la gravité des meurtres et autres actes de violence. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a tenté à plusieurs reprises de censurer les narcocorridos (7).
Devant cette violence généralisée il devient nécessaire à la population de se trouver des modèles. Des héros révolutionnaires les mexicains sont passés aux narcotrafiquants.
Ce sont eux les nouveaux modèles, les nouveaux héros.
Les narcocorridos sont plus qu’un simple folklore, outre l’apologie éventuelle qu’ils font des narcos, ils renferment de vraies règles morales.
Ces chansons donnent des règles de vie comme « ne pas côtoyer n’importe qui » afin de réussir dans la vie d’échapper à la pauvreté.
Les narcocorridos peuvent avoir plusieurs fonctions sociales :
• Pouvoir se plaindre des mauvaises conditions de vie et de pauvreté
• Relater des événements
• Créer de nouveaux héros
• Dicter de nouvelles morales et des règles de vie adaptées à la violence de cette société.
Même si les narcocorridos sont de plus en plus écoutés à travers le monde il ne peut accomplir toutes ces fonctions sociales que dans cette région du Mexique et nouvellement en Colombie où le narcocorrido commence à apparaître.
3. PROPAGATION D’UN NOUVEAU PHENOMENE SOCIAL
Comme le souligne Howard Campell, professeur d’anthropologie à l’université du Wisconsin, dans l’introduction du livre de Mark Cameron Edberg, les narcocorridos sont écoutés par un grand nombre de personnes et ce quelque soit leur âges. Il donne ainsi l’exemple d’un enfant, d’une femme et d’un homme qui demande à tour de rôle un narcocorrido lors d’une émission sur XEPZ 1190, Radio Norteña.
En effet plusieurs radios diffusent ces nouveaux corridos, à tout moment de la journée.
Mais il ne s’agit pas là du seul média de diffusion étant donné le grand succès de groupes tels que los Tigres del Norte qui ont même étés nominés plusieurs fois aux Latin Grammy award. Mais tous les chanteurs n’ont pas droit au même destin glorieux que los Tigres del Norte. Ainsi Chalino Sanchez, narcocorridista célèbre s’est fait assassiné (8).
L’engouement est tel que les autorités et les politiques s’inquiètent des éventuelles répercussions que pourraient avoir cette musique sur les mentalités et les comportements mexicains et notamment chez les jeunes. C’est la raison pour laquelle de nombreuses tentatives de censures ont eu lieu : que ce soit l’interdiction de diffuser des narcocorridos dans les radios ou encore des manifestations pour éviter la publication d’un livre de narcocorridos où l’on retrouve de nombreuses chansons, livre comme il en existe beaucoup au Mexique pour les corridos et toutes le autres chansons traditionnelles.
Mais ces tentatives de censures sont restées vaines.
7 Voir annexe Elijah Wald – Corrido Censorship: A Brief History
8 Voir CD, ha muerto Chalino Sanchez – el as de la Sierra
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