a. En droit français
Une interprétation stricte de l’article L-121-12 du Code des Assurances indique que l’action
n’est recevable qu’après paiement effectif. En effet, l’article se réfère à « l’assureur qui a
payé une indemnité». Cependant, la jurisprudence a fait une interprétation plus large. Elle
admet que le paiement soit fait avant que le juge statue. Ce n’est pas une solution
particulière aux assurances, mais une application générale du nouveau Code de la
Procédure civile qui dans son article 126 signale : « Dans les cas où la situation donnant
lieu à fin de non recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si la
cause a disparu au moment où le juge statue ».(36)
« Est recevable l´action engagée par un assureur, avant l´expiration du délai de forclusion
décennale, contre les responsables des dommages dont il doit sa garantie, bien qu´il n´ait
pas eu, au moment de la délivrance de son assignation, la qualité de subrogé de son assuré
faute de l´avoir indemnisé, dès lors qu´il a payé l´indemnité due à celui-ci avant que le juge
du fond ait statué sur cette action. »(37)
« La régularisation (c´est à dire le paiement de l´indemnité par l´assureur) peut n´avoir lieu
qu´au stade de l´appel. »(38)
Ces interprétations jurisprudentielles rendent possible l´exercice du recours subrogatoire de
l´assureur dans les nombreux cas où le paiement de l´indemnité peut prendre même des
années, pensons par exemple aux cas d´avarie commune où la liquidation est une procédure
lente et compliquée.
Un autre assouplissement jurisprudentiel en matière de paiement concerne les assureurs,
tiers payeurs qui n’ayant pas versé les indemnités prévues sous forme de rente, peuvent
cependant exercer le recours subrogatoire sur la base de leur engagement de payer la
rente.(39)
En France, l´assureur peut gérer le risque de forclusion, « lorsque la forclusion est proche, il
délivrera rapidement son assignation, sans avoir à indemniser immédiatement son assuré.
Et s´il est assigné en justice par le bénéficiaire de sa garantie, il est en droit d´appeler en
garantie les responsables ou co- responsables et leur assureur. »(40)
On observe une tendance de la jurisprudence à permettre le recours subrogatoire de
l´assureur à travers une interprétation large des règles.
b. En droit Colombien
La solution est différente en droit Colombien car il n’y a pas d’assouplissement
jurisprudentiel vis-à-vis de l’expression consacrée par l’article 1096 du Code de commerce
« L’assureur qui paie une indemnité ». Si l’indemnité n’est pas payée, la subrogation légale
n’opère pas et le juge n’admet pas de paiement postérieur. Sur le plan pratique, pour éviter
les effets de la prescription, si le paiement n’a pas été effectué, par exemple parce qu´il
s´agit d´un sinistre compliqué où le chiffrage est difficile, une des possibilités
envisageables serait de présenter l’action en justice en représentation de l’assuré.
En Colombie, l´assureur qui agit en justice, en exercice du recours subrogatoire, doit
toujours intenter une audience de conciliation avant toute assignation, selon la loi 640 de
2001, moment où le paiement doit déjà avoir été fait. Cette conciliation constitue une
exigence fondamentale pour pouvoir agir en justice.
Mais plus stricte encore était l´exigence de l´article 35, paragraphe 2 de la loi 1395 de 2010,
récemment déclarée inconstitutionnelle par la Cour Constitutionnelle Colombienne, selon
laquelle les preuves écrites devaient être apportées par les parties pour l´audience de
conciliation pré-judiciaire. Au cas où la conciliation échouait, les preuves nouvelles ne
pouvaient pas être considérées par le juge dans la procédure.(41)
Deux aspects doivent être envisagés :
– L´un, purement procédurale, concerne le moment où la preuve du paiement est
apportée. La procédure civile en droit Colombien est strictement formelle et rigide,
les moments où les preuves peuvent être apportés sont délimités par la loi ; la
preuve du paiement doit être apportée seulement pendant ces étapes au risque de ne
pas être évalué par le juge.
– Un autre aspect sur le fond, concernant la date du paiement proprement dit : celle –
ci doit être préalable à l´assignation en justice.
36 Article 126 Code de procedure civile français.
37 Cass. 1re civ., 18 juin 1985, n° 84-12.430: Bull. civ. I, n ° 187.
38 Cass. 3e Civ., 15 nov. 1989: Bull. Civ. III, n° 215.
39 22 oct. 2009, 2ème civ., Dalloz 2009, p. 2683.
40 Cass. 3e Civ., 16 mars 2004, n ° 01-17.450 : Jurisdata n° 2004-023014 ; RGDA 2004 ; p. 504 et La note de
L. Mayaux.
41 Cour Constitutionnelle, C – 598/2011.