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PARAGRAPHE 1 – L’ABANDON DE DISTINCTIONS MULTIPLES AU PROFIT D’UNE SIMPLE DISTINCTION ENTRE CURATELLE ET TUTELLE

L’ancien régime applicable aux incapables soumettait la souscription du contrat d’assurance vie à deux distinctions. Il distinguait non seulement la curatelle de la tutelle mais faisait également une différence selon que l’opération constitue un acte d’administration ou de disposition.
La tutelle, rappelons-le, est le régime juridique auquel sont soumis les mineurs qui ne sont pas soumis à l’administration légale de leurs parents ainsi que les majeurs judiciairement protégés. Le tuteur ayant pour mission de représenter ces personnes.
La curatelle est une sorte de tutelle allégée sous laquelle sont placées toutes personnes dont les facultés mentales sont altérées et qui ne disposent pas d’une autonomie suffisante pour se gérer elles-mêmes ou gérer leurs biens. Le curateur a pour mission d’accompagner et d’assister ces personnes dans les actes les plus graves. Pour les actes ne présentant pas de gravité, ces personnes agissent seules.
L’acte d’administration est souvent opposé à l’acte de disposition. Leur classification est fondée sur la gravité de leurs conséquences sur le patrimoine de l’intéressé.
L’acte d’administration, tout d’abord, est un acte de mise en valeur du patrimoine ou d’exploitation normale. Il tend à faire fructifier le patrimoine sans en compromettre la valeur.
L’acte de disposition, ensuite, est l’acte le plus grave en ce qu’il porte atteinte ou risque de porter atteinte à la qualité ou à l’importance du patrimoine. Il s’agira par exemple d’aliénation de biens ou de transfert de droits réels.
Selon Monsieur Luc Mayaux « dans son principe, la souscription d’un contrat d’assurance vie doit être regardée comme un acte d’administration ». Dès lors, la personne placée sous curatelle n’avait pas besoin de l’assistance de son curateur, tandis que celle placée sous tutelle devait obligatoirement être représentée par son tuteur. Ce dernier, pouvant conclure la convention sans autorisation.
Cependant, selon cet auteur, certains contrats devaient être considérés comme étant des actes de disposition. Tel est le cas, par exemple, pour les contrats en unités de comptes qui exposent le souscripteur à un risque de pertes financières.
Ici, en matière de curatelle l’assistance du curateur était obligatoire, à défaut, l’autorisation supplétive du juge s’avérait nécessaire; et en matière de tutelle l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles était systématiquement requise.

Par conséquent avant la conclusion d’un contrat d’assurance vie deux questions devaient être posées :
– l’opération envisagée constitue t-elle un acte de disposition ou d’administration ?
– a quel type de mesure de protection l’incapable est-il soumis ?

Ce n’est qu’après avoir répondu à ces deux interrogations que les règles applicables pouvaient être connues. Mais les réponses à ces questions n’étaient pas toujours évidentes car le législateur n’avait pas envisagé toutes les hypothèses et ce sont les praticiens qui étaient souvent obligés de pallier aux carences de la loi en qualifiant eux-mêmes les opérations d’assurance.

Cette multiplicité de distinctions rendait la souscription de tout contrat en général, et du contrat d’assurance vie en particulier floue et complexe.

Dès lors, la loi du 17 Décembre 2007 a abandonné cette double distinction au profit d’une distinction unique entre la curatelle et la tutelle. C’est dans le but de simplifier la conclusion du contrat par l’incapable, qu’elle a introduit dans le code des assurances l’article L132-4-1 alinéa 1 qui prévoit que « lorsqu’une tutelle a été ouverte à l’égard du stipulant, la souscription (…) d’un contrat d’assurance sur la vie (…) ne peut être accomplie qu’avec l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s’il a été constitué. Après l’ouverture d’une curatelle, ces mêmes actes ne peuvent être accomplis qu’avec l’assistance du curateur. »
Par conséquent, en matière de tutelle, peu important le type de contrat souscrit par la personne protégée, c’est le tuteur, muni de l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille, qui la représente. Lorsque c’est une curatelle qui a été ouverte, seule l’assistance du curateur est imposée.
Il n’est donc plus nécessaire de se référer au droit commun ni de s’interroger sur le degré de gravité de l’acte en matière de souscription. La seule interrogation qui subsiste est celle du type de mesure de protection qui a été mise en place. Cela contribue effectivement à la simplification de l’organisation des règles de l’assurance vie en combinaison avec le droit des incapacités. Il est, en outre, également opportun d’imaginer que cela devrait réduire sensiblement le contentieux en la matière. La procédure étant plus claire, le risque de discordance devrait être diminué.
Enfin, les lois réformant cette procédure ont mis l’accent sur la nécessité de respecter, dans la mesure du possible, les droits et la volonté de l’intéressé dit « incapable ». Certains praticiens, soucieux du respect de l’avis de la personne protégée, se sont également mobilisés pour intégrer ce dernier dans l’opération de souscription notamment en matière de tutelle.
En effet, comme l’affirme Madame Nadège Coudoing , à moins que le juge n’ait prévu dans le jugement d’ouverture la possibilité pour l’incapable sous tutelle de procéder, seul ou avec l’assistance du tuteur, à la souscription d’un contrat d’assurance vie, c’est l’organe de protection qui conclura le contrat au nom de la personne protégée. Il est donc permis de s’interroger sur la possibilité d’y associer l’intéressé. Cela s’explique par le caractère personnel d’un tel acte qui justifierait l’intégration, si possible, de l’incapable dans cette opération. Selon l’auteur « bien que l’ouverture d’une tutelle implique un affaiblissement assez grave et durable de l’esprit ou du corps, elle ne signifie pas pour autant que toute personne placée sous un tel régime soit dans l’incapacité totale de raisonner ». Ces préoccupations étaient déjà celles de Monsieur Michel Bauer et Monsieur Thierry Fossier qui œuvraient tous deux pour la défense de l’opinion du majeur protégé. Selon eux, il est vivement conseillé d’intégrer l’incapable à l’opération d’assurance en l’informant « en des termes adaptés » de l’opportunité de souscrire une assurance vie.
La réforme s’est également penchée sur le sujet épineux du choix du bénéficiaire d’un contrat vie souscrit par une personne protégée.

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