Les régions sauraient, à la lumière de la nouvelle constitution, bénéficier d’une large autonomie se matérialisant, plus particulièrement, par la reconnaissance du principe de libre administration(1). De même, il va sans dire que la constitutionnalisation de ce principe est la traduction directe de la volonté de consacrer les collectivités territoriales comme des entités libres et autonomes par rapport aux services de l’Etat(2).
Cependant, le principe de libre administration reconnu aux collectivités territoriales ne saurait être sans limites. Le constituant, dans l’article premier de la constitution du 30 juillet 2011, énonce que l’organisation territoriale du Royaume est décentralisée, et que l’unité nationale est considérée parmi les constances fédératrices de l’Etat-nation. Il en découle que l’unité de l’Etat, comme d’ailleurs l’indivisibilité de la République française, est une condition centrale du principe de libre administration.
Par ailleurs, convient-il de s’interroger sur la valeur de ce principe tant que celui de la « gestion démocratique » subsiste encore dans les dispositions de la nouvelle constitution ? Cette interrogation débouche sur une autre question sollicitant la différence entre la gestion démocratique et le principe de la libre administration. Pourtant, il va de soi que les prémisses de ce dernier sont déjà évoquées au niveau de l’article 1 de la loi 47.96 sur la région, il en est ainsi selon son alinéa 3 « les affaires de la région sont librement gérées par un conseil démocratiquement élu pour une durée de six ans, conformément à la législation en vigueur ». Le législateur a été logique avec lui-même lorsqu’il a parlé du terme « librement » et non de celui « démocratiquement », car la Commune est la véritable cellule de base pour la gestion démocratique de ses affaires et non la région. Et par voie de conséquence, on pourrait dire que la loi sur la région était plus développée par rapport aux autres lois de la décentralisation en matière de la gestion des affaires locales. Plus encore, il convient d’affirmer que le législateur ait été, lors de la formulation de cette loi, conscient de la nécessité d’accorder à la région une marge d’autonomie plus large afin qu’elle puisse se positionner dans un rang côtoyant celui de services de l’Etat, et ce, pour bien entrer dans des négociations avec ceux-ci.
Dans ce sens, en répondant à la question précitée, la gestion démocratique et le principe de libre administration ne sont pas synonymes. Sinon, que serait-il l’intérêt de leur évocation ensemble par le texte constitutionnel du 1 juillet 2011 ? La région deviendrait une entité démocratique(3) par le truchement du suffrage universel direct, ce qui pourrait justifier la gestion démocratique. Alors que le principe de libre administration, tel quel est prévu par la constitution aurait, sans doute une nouvelle envergure que ne l’avait pas auparavant. Ceci pourrait apparaitre aussi bien au niveau de l’instauration des nouvelles relations entre l’Etat et les régions dont la possibilité d’être contractualisées découle de la liberté contractuelle accordée aux régions par le biais du principe de libre administration.
1 Pour reprendre l’expression de Carré de Malberg, « la libre administration », se présente comme une liberté constitutionnellement reconnue et garantie dont le respect s’impose aux autorités politiques (parlement et gouvernement), administratives et même judiciaire. En revanche, » la décentralisation », notion introduite par la constitution du 1 juillet 2011, appartient à la constitution administrative de l’Etat et repose sur la délégation de puissance publique que celui-ci consent aux collectivités locales, sur une concession émanant de la collectivité supérieure. En outre, C.Bacoyannais définit la libre administration comme une liberté attachée à la communauté, au groupe humain que représentent les collectivités locales, alors que la décentralisation se réfère à la collectivité en tant que personne morale et constitue donc un principe d’organisation administrative.
2 T. Zair, Le nouveau statut constitutionnel des collectivités territoriales, in : REMALD, numéro double 99-100, juillet-octobre 2011, p. 25
3 A. Bouaachik, La régionalisation avancée dans la constitution marocaine de 2011, in : REMALD, série « Thèmes actuels », n° 77, 2012, p. 105
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