a. Interprétation souple du juge français
Le paiement de l´indemnité d´assurance entre les mains de l´assuré, n´est pas une exigence
de la jurisprudence française. Cette solution nous paraît logique et son applicabilité
s´explique clairement en assurance de responsabilité civile où le versement de l´indemnité
est fait à la victime et non à l´assuré. C´est aussi le cas du paiement effectué par l´assureur
de choses au réparateur du bien endommagé, pour le compte de l´assuré ; très fréquent en
assurances automobiles, le paiement de la réparation se réalise en faveur du garage.
La jurisprudence française n’exige pas que le paiement soit fait entre les mains de
l’assuré.(49)
« Le paiement de l´indemnité n´est pas forcément fait entre les mains de l´assuré, l´assureur
étant subrogé dès qu´il paye au nom de son assuré que ce soit entre las mains d´un créancier
privilégié de l´assuré ou entre les mains de la victime »(50)
d. Interprétation stricte du juge colombien
En ce qui concerne la preuve du paiement, les juges colombiens sont très stricts sur cette
analyse. En effet, dans une décision judiciaire du 27 Octobre 2010, très critiquable à notre
sens, la Cour d´appel de Bogota, a déclaré:
“Lorsque l’action de subrogation s´exerce par la perte de marchandises transportées,
l’assureur doit démontrer les contrats de transport et d´assurance, affirmer le manquement
de l´obligation du transporteur, démontrer le paiement des indemnités en raison du sinistre
et les dommages causés par l´infraction du transporteur, ainsi que le montant des
préjudices, tel qu´il a été soutenu par la jurisprudence.
Dans ce cas, ces exigences n’ont pas été satisfaites, même si les contrats d’assurance et
transport ont été démontrés, le paiement de l´indemnité n´a pas été prouvé par la
Compagnie d’Assurance SURAMERICANA S.A en faveur de l’assuré, Parmalat Colombia
Ltda, ni le montant des dommages causés à cette entreprise par le manquement dans la
livraison des marchandises transportées.
a. En ce qui concerne le premier aspect, la communication du 28 mai 2009, signée par le
représentant légal de Parmalat Colombia Ltda, à travers de laquelle le demandeur affirme
avoir effectué un paiement d’un montant de $217,732.201, en vertu du sinistre survenu le
25 août 2005, garantit par la police numéro 1251088-8, c´est un document dispositif délivré
par un tiers, dont sa valeur probatoire est conditionnée (CPC, art. 277 N° 3, elle n’est pas
présumée par la loi (…)
Le fait qu´il s´agit d´une réponse à une lettre envoyée par le tribunal ne modifie pas la
nature du moyen de probatoire document, puisque la dite preuve régie par l’article 278 du
Code de Procédure Civile n’a lieu que dans le cadre des banques et des établissements de
crédit et sur les opérations relevant de leurs affaires.
Le ticket de caisse numéro 023 335, d´un montant de $217,732.201, étant dispositif et non
authentique, ne peut être apprécié, le fait que la copie soit certifiée, ne signifie pas que le
document, en tant que tel, soit authentique. La même chose peut être dite des documents
visibles aux pages 196, 198 et 199.
Cette exigence n´est pas satisfaite non plus par les documents visibles aux pages 32 et 86
du livre principal, concernant le règlement de la créance (reçu de décharge n ° 4347653) ni
la demande d’indemnisation, car le premier est tout simplement un document authentifié
(vérifié avec l’original), mais pas authentique (on ne sait pas qui est l’auteur) parce qu´il
s´agit d´un tiers différent de Parmalat qui signe en qualité de bénéficiaire (Delima
Marsh) »(51)
Nous sommes en désaccord avec la décision de la Chambre Civile de la Cour d´Appel de
Bogota. Selon ces exigences, la preuve du paiement à la charge de l’assureur, devient une
exigence presque impossible à satisfaire. Dans l’affaire en question on n’a pas tenu compte,
parmi d´autres documents fournis, de la réponse écrite de l’assuré directement au juge,
déclarant qu’il avait été indemnisé par le demandeur, ni la preuve du transfert bancaire à
l´assuré. Il est également important de mentionner la réception de l’indemnisation signée
par l’intermédiaire d’assurance, en l´occurrence, Delima Marsh, où par rapport à l’analyse
juridique montre que le paiement à l’intermédiaire ne prouve pas que l’assuré ait été payé.
La solution française nous paraît parfaitement en accord avec la pratique d´assurance. En
effet, avec l´intervention des intermédiaires d´assurances, il arrive souvent que les chèques
des indemnités leur soient remis pour qu´ils les rendent aux clients ; dans ce sens il ne
devrait pas être considéré comme une absence de preuve de paiement au bénéficiaire,
comme il a été jugé par certains arrêts en Colombie. Une part de la gestion des
intermédiaires consiste aussi à rendre un service au client qui va jusqu´au moment ou
l´indemnité est versée.
Il y a un cas où l´indemnité n´est pas versée à l´assuré, mais à un tiers ; l´assurance de
responsabilité civile. Le paiement est souvent fait directement à la victime. En droit
français la possibilité de subrogation se présente fréquemment dans cette branche
d´assurance, beaucoup moins en Colombie. Il peut arriver que l´assuré soit responsable
envers la victime mais qu´il ne soit pas l´auteur du dommage causé au tiers(52), comme dans
l´assurance de responsabilité civile contractée par le propriétaire de l´immeuble dont un
incendie a causé des dommages à l´appartement du voisin, mais dont l´auteur est le
locataire. L´indemnité sera versée au voisin (tiers) en vertu du contrat de responsabilité
civile du propriétaire. Étant donné que c´est le locataire qui est à l´origine du dommage,
l´assureur de responsabilité civile du propriétaire pourra exercer son recours subrogatoire
contre le locataire.
La jurisprudence Colombienne exige un paiement entre les mains de l´assuré, mais elle va
même au-delà, elle sacrifie le fond pour la forme procédurale assez rigide.
49 Cass.; RGAT 1981, p 509, note A. BESSON.
50 Astegiano La Rizza, Axelle, L´Assurance et les Tiers, Variations sur le thème de la compléxité des relations
contractuelles, Editions Défrénois, 2004, p. 54.
51 Cour d´appel de Bogota, 27 octobre 2010, Magistrat Marco Antonio Alvarez Gómez.
52 Astegiano La Rizza, Axelle, L´Assurance et les Tiers, Variations sur le thème de la compléxité des
relations contractuelles, Editions Défrénois, 2004, p. 54.