La loi du 17 décembre 2007 a ouvert les possibilités de choix du bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie.
Le régime antérieur, se voulant très protecteur, en était devenu « un frein à l’assurance » pour la personne placée sous un régime de tutelle. En effet comme l’affirme Monsieur Luc Mayaux « l’acte de désignation du bénéficiaire n’est pas seulement unilatéral, il est aussi personnel au souscripteur. Lui seul peut l’accomplir à l’exclusion notamment de son représentant légal ».
Par conséquent, en matière de curatelle, le curateur n’ayant qu’une mission d’assistance et l’intéressé agissant seul, cela ne posait pas de réelle difficulté.
Mais en matière de tutelle, qui consiste en une représentation de l’incapable par le tuteur, cela paralysait quasiment toute action.
Loi , jurisprudence et doctrine s’accordaient à penser que l’acte de désignation du bénéficiaire était un acte personnel et intime qui ne pouvait être réalisé par une personne extérieure, quand bien même il s’agissait d’un représentant légal.
Un assouplissement pouvait être envisagé lorsqu’il s’agissait d’une désignation à titre onéreux puisque l’on peut considérer que si la décision restait personnelle, le caractère intime s’estompait. L’obstacle était, par ailleurs, difficilement franchissable lorsqu’il s’agissait d’une désignation à titre gratuit. En effet, une personne placée sous tutelle dont les facultés mentales étaient totalement altérées n’avait aucunement la possibilité de désigner un tiers bénéficiaire à titre gratuit puisque aucune personne ne pouvait se substituer à elle et agir en son nom. La seule alternative à ce blocage aurait été l’obtention d’un accord du juge attribuant exceptionnellement au tuteur le pouvoir de désigner un tiers bénéficiaire à titre gratuit. Procédure qui ne semble pas avoir reçu d’application.
Conscient de ces importantes lacunes, le législateur à remodelé la procédure de désignation du bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie par un incapable.
Désormais, et ce depuis le 18 décembre 2007, c’est l’article L132-4-1 du code des assurances qui régit ce processus. La méthode de désignation a été considérablement simplifiée puisque l’article précédemment cité dispose que « lorsqu’une tutelle a été ouverte à l’égard du stipulant, la souscription ou le rachat d’un contrat d’assurance sur la vie ainsi que la désignation ou la substitution du bénéficiaire ne peuvent être accomplis qu’avec l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s’il a été constitué. Après l’ouverture d’une curatelle, ces mêmes actes ne peuvent être accomplis qu’avec l’assistance du curateur ».
Il en résulte que le majeur placé sous tutelle peut enfin désigner un bénéficiaire que ce soit à titre gratuit ou à titre onéreux, et ce, par le biais de son tuteur qui agit en son nom. La procédure est ainsi la même que pour la conclusion du contrat, à savoir l’obtention de l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué en cas de tutelle et l’assistance du curateur en cas de curatelle.
De plus, le texte ne distingue plus la désignation à titre onéreux de la désignation à titre gratuit, ni le fait que le bénéficiaire soit le souscripteur lui-même (la personne protégée) ou un tiers. La procédure permet donc de choisir librement le bénéficiaire du contrat d’assurance vie et ouvre ainsi, à la personne protégée, un large choix.
Il est désormais incontournable de se poser la question suivante : le curateur ou le tuteur peut-il être le bénéficiaire du contrat ?
L’article L132-4-1 alinéa 2 du code des assurances répond à cette interrogation et dispose que ces derniers seraient présumés « être en opposition d’intérêts avec la personne protégée ». Le code civil prévoit une solution en matière de tutelle à l’article 389-3 alinéa 2 qui dispose qu’un tuteur ad hoc, nommé par le juge, peut vérifier que la désignation soit conforme à l’intérêt de la personne protégée. La loi du 5 mars 2007 a repris cette solution et l’a appliquée à la curatelle. Ainsi, si tout danger est écarté pour la personne protégée ainsi que pour son patrimoine, tuteurs et curateurs pourront être les bénéficiaires du contrat. Cette nouvelle mesure est appréciable car souvent les organes de protection sont des proches de l’incapable. Ce sont souvent les parents, époux ou les enfants adultes qui sont désignés. Leur qualité de tuteur et curateur n’est ainsi plus un obstacle à la transmission du patrimoine de la personne fragilisée par la voie du contrat vie.