L’article 8 de la Convention sur la désertification encourage fortement le lien et la coordination des activités de la convention sur le climat et de la convention sur la biodiversité. Un groupe de liaison mixte (GLM) a été établi entre les secrétariats des trois conventions. Ceci afin de partager l’information sur les programmes de travail et les opérations de chaque convention.
La désertification est officiellement définie comme « la dégradation des terres en zone arides, semi- arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines ».(42) Le climat fait donc partie des causes objectivement retenues de la désertification et perçues comme telle par le sens commun.
Climat et désertification interagissent, par des séries complexes et partiellement connues d’effets systémiques.
Toutefois, il se révèle nécessaire de clarifier les facteurs qui sont en interaction et sur lesquels une action ciblée serait de nature à générer une plus-value à celle qui serait obtenue par des activités compartimentées dans chacune des conventions prise isolément.
Il existe deux principaux points d’interaction entre la convention cadre sur le changement climatique et la convention sur la désertification. D’une part, les changements climatiques ont un effet conséquent en zone aride et semi-aride, d’autre part, la dégradation du couvert végétal entraîne des émissions de gaz à effet de serre.
Les mécanismes mis en place par la convention sur les changements climatiques et plus spécifiquement le mécanisme de développement propre (MDP) peuvent être des dispositifs particulièrement intéressants pour lutter contre l’effet de serre et de désertification.
La question des synergies entre les trois conventions internationales pour l’environnement est un champ d’investigation récent appelé à se développer. En effet c’est un enjeu scientifique et de développement :
– au plan scientifique, elle conduit à approfondir l’étude de plusieurs champs de recherches complexes tels que le climat, les écosystèmes et les modes d’usage des ressources par les activités humaines, ainsi qu’à identifier leurs interactions ;
– au plan du développement, elle permet d’envisager une forme de lutte intégrée contre la désertification parce qu’elle prend en compte différentes facettes de ce phénomène, non seulement dans ses aspects biophysiques mais aussi dans leur lien avec les modes de production des sociétés. La problématique de la synergie doit en effet être reliée aux aspects de développement socio-économique inhérents à la définition de la lutte contre la désertification ;
– elle conduit à repenser les échelles de réflexion et d’action, qui se situent à la fois au niveau mondial, régional et local ainsi que leur articulation ;
– elle permet enfin d’envisager des économies d’échelles par la mise en œuvre de projets d’environnement et de développement répondant aux principes des trois conventions.
Par l’étude des synergies, la désertification s’affirme comme un phénomène de portée globale.
La lutte contre la désertification s’ancre d’abord dans un ensemble d’actions et de recherches localisées et c’est à cette échelle que la synergie entre les trois conventions peut être étudiée et évaluée dans un premier temps. Ce choix est conforme au principe de participation des populations locales à la mise en œuvre de la convention de lutte contre la désertification.
L’étude des liens entre la désertification et la biodiversité à l’échelle locale conduit à prendre en compte la biodiversité à l’échelle locale comme :
– un ensemble de ressources possibles permettant de diversifier les opportunités économiques : commercialisation, production nouvelle, activités extra-agricoles (tourisme, artisanat…)
– un élément clef de la résilience des écosystèmes et comme facteur de diminution de leur vulnérabilité aux changements climatiques notamment, mais aussi anthropiques.
Ainsi, si l’intérêt des aires protégées est bien réel, il est insuffisant car il faut également préserver la biodiversité au sein des paysages et des agrosystèmes, par le maintien d’espaces boisés ou par des pratiques d’artificialisation favorisant certaines espèces.
L’étude des liens entre la désertification et le changement climatique à l’échelle locale peut avoir lieu à partir de deux entrées :
– Les effets des techniques de lutte contre l’érosion des sols qui peuvent être considérés comme des opportunités en terme d’adaptation aux effets potentiels du changement climatique sur les évolutions de la pluviométrie et sur les cycles hydrologiques.
– Les résultats des techniques de séquestration du carbone, notamment l’agroforesterie et l’agroécologie qui apparaissent comme des vecteurs de récupération du potentiel productif des terres endommagées.
Le changement climatique peut ainsi être ramené à une préoccupation d’ordre local qui concerne les activités de production en milieu agricole ou rural.
La recherche sur ces synergies nécessite donc l’élaboration d’indicateurs destinés notamment à mettre en relief les résultats des actions de lutte contre la désertification sur la mise en œuvre des deux autres conventions.
Pour les interactions entre désertification et biodiversité, deux indicateurs peuvent être retenus, l’un porte sur l’évolution des espèces et l’autre sur celle des paysages :
– le premier consiste à évaluer le nombre d’espèces « récupérées » ou semi-domestiquées par les populations qui se retrouvent confrontées à leur disparition dans les zones affectées par la désertification ;
– le second consiste à relever l’évolution des surfaces par type de paysage : par exemple, pour les régions sahéliennes et soudaniennes, cultures continues ou saisonnières, savanes arborées, savanes arbustives, brousse tigrée, cordons ripicoles ou marécages.
Ces deux indicateurs nécessitent de fixer l’échelle des relevés à celles d’un terroir ou d’un ensemble de terroirs.
Pour les interactions entre désertification et changement climatique, les indicateurs les plus évidents semblent être le relevé des taux de carbone et de matière organique dans les sols faisant l’objet d’une protection ou d’aménagements spécifiques de lutte contre la désertification.
La mise en œuvre de ces indicateurs implique un suivi régulier des sites observés ainsi que l’usage d’un ensemble de techniques scientifiques appropriées.
Le dispositif qui en résulte peut être lourd ou coûteux.
La prise en compte des aspects socio-économiques est nécessaire afin de cerner les liens qui peuvent exister entre une amélioration en termes de récupération des sols et des espèces et un mieux-être économique ou social.
Cependant, dans certaines régions du globe, il est difficile d’évaluer les évolutions du revenu des populations. Des indicateurs qualitatifs portant souvent sur l’évolution des infrastructures collectives ou sociales sont utilisés dans ce cadre. Le nombre de commerces ainsi que les productions de l’agriculture et de l’élevage pris en évolution peuvent aussi servir d’indicateurs de richesse locale.
Enfin, l’étude plus ciblée de l’évolution des inégalités permet quant à elle d’identifier les modes de répartition de la plus-value issue des actions de lutte contre la désertification entre les membres de la collectivité.
Sur le thème de la biodiversité, des études en milieu soudanien africain ont montré que la récupération d’espèces en voie de disparition par les populations donnait lieu à leur appropriation privée. Il en résulte une croissance des inégalités dans l’accès à ces ressources autrefois disponibles sur les espaces collectifs.
Dans le cadre de la relance de la lutte contre la désertification, la redynamisation du PASR-AO doit être renforcée par une politique de développement des communautés des zones à risques.
42 Article 1 de la convention sur la lutte contre la désertification
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