A- Approches théoriques du déficit budgétaire, du commerce extérieur et de la croissance économique
Les keynésiens considèrent le budget de l’Etat comme une variable de commande dans le cadre de la politique budgétaire. De ce fait, le budget de l’Etat est, selon eux, le levier principal et le plus efficace de la politique économique. Dans ce cadre, le déficit budgétaire est utilisé à des fins de relance et de régulation des activités économiques grâce au multiplicateur keynésien.
En effet, dans une perspective keynésienne (rôle du multiplicateur), un déficit budgétaire peut permettre de relancer l’activité économique grâce au supplément de revenu distribué aux agents économiques. La croissance des revenus qui en résulte, va permettre en retour d’augmenter les recettes fiscales et de diminuer le déficit budgétaire. Un budget en déficit est ainsi une politique volontariste de relance économique et non pas la conséquence d’une récession. Dans ce cas, on parle de « déficit voulu ». En outre, une crise économique peut contraindre l’Etat à consentir d’énormes fonds publics pour la résorber. Alors, il se crée un déficit budgétaire qui n’est plus voulu mais « subit », car ne résultant pas d’une politique volontariste de relance économique.
Cependant, cette vision keynésienne n’est pas partagée par les libéraux et les néo- libéraux. Pour SMITH, l’augmentation des dépenses publiques et des déficits entraîne une baisse de la demande privée. Ainsi, l’activité du secteur public supplante celle du secteur privé : effet d’éviction. Déficit et excédent sont alors décriés. Un excédent est considéré comme un prélèvement injustifié de ressources des contribuables qui risqueraient d’être gaspillées tandis que le déficit est considéré comme dangereux, comme une menace pour le bien être de la population.
Les théoriciens de la croissance endogène dont ROMER, ont tenté une conciliation entre les deux précédentes théories. Selon eux, la comparaison entre capital privé et capital public (résultant de l’action étatique) qui est à la base des théories contradictoires n’a pas sa raison d’être. Ceci dans la mesure ou dans les modèles de croissance endogène, la productivité globale des facteurs qui n’était qu’un résidu dans les autres modèles de croissance (celui de SOLOW par exemple), résulte de l’accumulation des différentes formes de capital (capital physique, humain, privé, public, technologique). Dans ce cas, toutes les sortes de capital sont mises sur le même pied d’égalité. Ainsi, le financement public d’activités à externalités positives est du domaine du possible.
Les mercantilistes sont les précurseurs de l’analyse théorique du commerce international ; le mercantilisme se présente sous la forme d’un ensemble d’hypothèses approximatives sur la manière dont les nations devraient régir leur commerce. La conception du commerce international était alors simple : dans l’intérêt de chaque nation, il fallait encourager les exportations et décourager les importations. Il faudra attendre la fin du 18ème siècle pour voir émerger des théories beaucoup plus élaborées en matière de commerce international. Ainsi, deux principes ont été développés : le principe de l’avantage absolu par SMITH et celui de l’avantage comparatif par RICARDO. La principale contribution des classiques réside dans le libre échange entre les diverses nations. Ainsi, selon RICARDO, sur la base de la spécialisation, l’échange est toujours possible quelque soit les coûts de production en vigueur dans les pays concernés. Aussi, il serait dans l’intérêt de chaque pays et de l’ensemble des pays de laisser le commerce s’établir sans entrave entre les nations.
Mais cette théorie a évolué. Ainsi, le cas simple de l’échange entre deux nations conduit à des abstractions différentes selon les écoles de pensée :
– les néo-classiques raisonnent en termes de prix, le commerce international naît des différences de prix qu’ils contribuent à réduire.
– Les post-keynésiens raisonnent en terme de revenu ; le commerce international n’étant pas un jeu à somme nulle, le PNB d’une nation augmente au dépens de celui d’une autre, mais il est soumis à des fluctuations en coups d’accordéon dues au multiplicateur d’exportation.
– Les marxistes raisonnent en termes de lutte des nations. Les nations capitalistes exploitent les nations prolétaires. D’où une aggravation de l’écart entre pays riches et pays pauvres.
B- Revue critique et empirique de littérature
Cette partie relate quelques travaux empiriques réalisés.
MANSOURI (2003) a montré qu’au Maroc, les dépenses publiques en capital ont un effet d’entraînement sur l’investissement privé et sur la croissance économique réelle. Selon lui, les dépenses de consommation publiques évincent l’investissement privé suggérant que le gaspillage sévissant au sein du secteur public est nuisible pour l’accumulation du capital au sein du secteur privé.
Un certain nombre d’études sur les pays industrialisés, semble indiquer qu’une politique budgétaire expansionniste ne permet pas toujours de sortir une économie d’une récession. Pour BALDACCI et al (2003), lorsque l’endettement public est déjà élevé, il se peut qu’une augmentation du déficit budgétaire entraîne une baisse de l’investissement et de la consommation privés, ce qui annule l’effet d’une hausse des dépenses publiques ou d’un allègement fiscal sur la demande. Plusieurs études sur les pays de l’OCDE montrent qu’une réduction du déficit budgétaire peut accélérer la croissance économique lorsque l’endettement public est élevé et insoutenable. Une réduction des emprunts publics servant à financer les dépenses pousse généralement le taux d’intérêt à la baisse, ce qui encourage l’investissement privé toutes choses étant égales par ailleurs. En effet, la baisse du déficit pousse le secteur privé à réduire les estimations d’obligations fiscales actuelles et futures, ce qui stimule la croissance économique par le biais de l’investissement et la consommation privés. Quant à la relation de causalité entre composition des dépenses, le déficit budgétaire et la croissance économique, les auteurs ont utilisé un modèle économétrique qui examine l’effet de plusieurs variables budgétaires (le déficit budgétaire et la composition du budget) et d’autres variables (y compris l’investissement privé, la scolarisation et le taux d’activité) sur la croissance économique réelle de 39 pays. Comme résultat, une amélioration d’un point du PIBr du solde budgétaire a un effet positif et significatif sur le taux de croissance économique réelle en l’augmentant d’un quart de point au moins.
ALMENDOU (2004), dans son étude sur la causalité entre endettement et croissance économique dans les pays de l’UEMOA couvrant la période 1972-2001 aboutit à la conclusion que le taux de croissance des exportations et le ratio dette extérieur sur PIB sont positivement corrélés au PIB. Par contre, le service de la dette et le taux d’intérêt réduisent la croissance du PIB.
ODJO et OSHIKOYA (1998) ont montré que l’investissement, le taux de croissance de la population, les exportations, le taux d’inflation, le taux de change réel, la dette extérieure constituent les principaux déterminants de la croissance économique de long terme. Leur travail a consisté à l’estimation économétrique de toutes les variables susceptibles d’influencer le PIB par habitant de 17 pays africains répartis dans trois groupes que sont : les exportateurs de pétrole, les pays à revenu intermédiaire et les pays à faible revenu. A travers une série de régressions, ils ont monté l’impact de chaque facteur sur le taux de croissance du PIB par tête. Pour eux, les pays exportateurs de pétrole sont relativement plus sensibles aux investissements que les autres groupes. La faible sensibilité des pays à faible revenu à l’investissement semble s’expliquer par le manque de facteurs complémentaires (capital humain) pour assurer son efficacité. En revanche, la croissance de la population ne semble pas constituer un obstacle pour les pays à faible revenu, même s’il ne leur est pas recommandé de négliger les politiques de population du tiers monde.
ASCHAUER (1989) a montré qu’aux Etats-Unis, une augmentation du stock des équipements publics induit une croissance de la productivité. Pour certains pays de l’OCDE, ARTHUS et KAABI (1993) ont montré que les dépenses publiques dans leur ensemble ne semblaient pas avoir d’effet sur la croissance, autre éventuellement que conjoncturel, mais que par contre des dépenses ciblées (recherche, éducation par exemple) paraissaient très productives. Selon VEGAZONES (1997), le financement par emprunt des dépenses publiques évince les investissements privés par l’intermédiaire de l’augmentation du taux d’intérêt.
FISCHER (1993) s’est intéressé aux effets de l’instabilité macroéconomique sur la croissance économique. En utilisant des données de panel, il a relié le taux de croissance du PIB à certaines variables macroéconomiques clés. Ainsi, le taux d’inflation, le déficit budgétaire et les termes de l’échange sont reconnus comme ayant un impact significatif sur la croissance. Pour lui, l’instabilité macroéconomique favorise les mauvaises performances économiques.