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Partie I : Pouvoir d’autorisation budgétaire du parlement

« Sans doute d’après l’opinion commune, le rôle du parlement n’est pas de gouverner mais, au contraire, de laisser le gouvernement agir de sa propre initiative, sauf à surveiller son activité et à mettre en jeu, s’il ya lieu la responsabilité ministérielle. »

Carré de MALBERG

« Contribution à la théorie générale de l’Etat », Tome II, Librairie du recueil Sirey, Paris, 1922, p.10

Comme avait dit L.BERTRAND : « Gouverner et administrer, c’est toujours dépenser(19) ». L’action de l’Etat, dans cette perspective, (d’autant plus pour les Etats modernes présumés être de droit), ne peut revêtir sa pleine signification que si les moyens financiers nécessaires sont mis à sa disposition. Ces moyens englobent une partie représentée par les contributions versées à l’Etat. C’est la raison derrière le recours de celui-ci au principe du consentement à l’impôt pour emporter l’adhésion des contribuables. C’est de la sorte que naquit l’autorisation budgétaire donnant à l’Etat le droit de lever les impôts dont le produit servira pour le financement de ses actions(20).

Le pouvoir financier du parlement trouve ainsi sa justification dans cette espèce d’accord entre le contribuable et l’Etat. Ce pouvoir exercé par le parlement, par le biais des compétences qui lui sont reconnues par les textes(21), est de nature politique(22) dans la mesure où il ne se consacre pas seulement à l’aspect légal des opérations budgétaires, mais il embrasse toute la politique économique et financière du gouvernement inscrite dans le budget(23).

Ce pouvoir ne doit pas être envisagé comme un obstacle infranchissable devant le pouvoir exécutif qui a pour objectif de gêner l’action de celui-ci, mais comme un moyen de soumettre l’utilisation des deniers publics au droit et à une morale de bonne gestion, pour réaliser un certain équilibre entre le pouvoir législatif et exécutif puisque la procédure budgétaire à l’ère du « parlementarisme rationnalisé » est caractérisée par la prédominance du deuxième sur le premier. Une prédominance manifestée par l’origine gouvernementale des projets de lois de finances(24) conformément à ce qui ressort de l’article 32 de la LOF qui dispose que : «Sous l’autorité du Premier ministre, le ministre chargé des finances prépare les projets de lois de finances ».

Cette prédominance a poussé la plupart des auteurs qui ont traité du pouvoir financier du parlement, et du contrôle parlementaire des finances publiques en général, de se mettre d’accord sur le déclin de l’autorité des parlements dans le domaine budgétaire(25). Si on va dans ce sens , il nous semble légitime de s’interroger sur les traits de ce déclin , tout d’abord, au niveau de l’implication du parlement dans le processus de programmation budgétaire (Chapitre I) pour analyser , ensuite, les techniques et les moyens dont ladite institution dispose pour exercer son contrôle au niveau du débat (Chapitre II) à la lumière des dispositions de la nouvelle constitution de 2011.

19 Cf. BERTRAND (Léon), « le contrôle parlementaire des finances publiques », Imprimerie Mont Louis, Clermont Ferrand, 1963, p.09.
20 OUJEMMAA (Saïd), « le contrôle des finances publiques au Maroc », édition WALLADA, Casablanca, 1995, p31.
21 Dans ce sens l’article 75 de la constitution de 2011 dispose dans son 1er alinéa que : « Le Parlement vote la loi de finances, déposée par priorité devant la Chambre des Représentants, dans les conditions prévues par une loi organique. Celle-ci détermine la nature des informations, documents et données nécessaires pour enrichir les débats parlementaires sur le projet de loi de finances »
-En plus l’article 33 de la loi organique des finances stipule que : «Le projet de loi de finances de l’année est déposé sur le bureau de l’une des deux Chambres du Parlement, au plus tard, soixante-dix jours avant la fin de l’année budgétaire en cours ».
22 Dans ce sens le professeur ELARAFI (H.) affirme que : « l’expérience marocaine a démontré que l’examen financier du parlement manque trop souvent de rigueur car il est guidé par des connotations politiques étroites pour justifier sa présentation que par une expertise technique sur les affaires financières », Cf. ELARAFI (Hassane), « gestion des finances de l’Etat : budget, comptabilité, trésor », REJJES, Rabat, 2006, p.309.
23 OUJEMMAA (Saïd), « le contrôle des finances publiques au Maroc », op.cit, p.33.
24 On a utilisé ici le pluriel par ce que tous les projets de lois de finances sont d’origine gouvernementale que ce soit la loi de finances initiale, la loi de finances rectificative ou la loi de règlement.
25 Parmi ces auteurs on peut citer BERTRAND (Léon), ELARAFI (Hassane), OUJMAA (Saïd), FIKRI(Abdelkbir), FABRE (Francis-Jean), CHABIH (Jilali), ZEMRANI (BENSALAH Anas), CHouvel (François) et bien d’autres.

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