Ce que nous tentons d’approcher dans cette partie, c’est le processus par lequel le pouvoir génocidaire est parvenu à faire appel à ce qui pré-existait déjà chez les Hutus (en tant que groupe « historicisé »), c’est-à-dire la pulsion de mort, pour en faire une pure pulsion de mort au service de l’extermination. La politique de la mort (ou nécropolitique), comme expression du droit souverain de tuer selon Mbembe, n’était pas nouvelle au Rwanda. Pour Foucault, elle est même constitutive de tout pouvoir, ce qu’il appelle le « bio-pouvoir », c’est-à-dire le déploiement du pouvoir dans tous les domaines de la vie. En revanche, elle prit des dimensions particulières au Rwanda, déjà lors de la période qui précède le génocide, jusqu’au basculement dans le génocide où elle atteint son paroxysme. Nous tenterons de caractériser les nécropouvoirs qui sont intervenus au Rwanda, de l’Etat colonial jusqu’à l’Etat génocidaire, et d’analyser leurs nécropolitiques qu’ils ont mises en oeuvre au service de leurs intérêts. Mais la nécropolitique n’est pas seulement le déploiement d’une politique de mort sur les individus, elle consiste aussi en une « rencontre » entre un pouvoir et des sujets. Nous essaierons alors de déceler les forces qui ont poussées les Hutus à se soumettre au pouvoir génocidaire.
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