Dans cette troisième partie, nous verrons comme le numérique et le virtuel reprennent corps, mais aussi les interrogations que se pose le musée virtuel à l’institution pour clore sur l’expérience du Brooklyn museum et son expertise en matière de réseaux.
A – La crainte du musée vis-à- vis du multimédia
L‟émergence des produits multimédias posent aux musées un certain nombre de questions. Elle se développe en une crainte sur le statut de l‟objet comme objet authentique. Ce débat semble rappeler celui qui s’est jadis tenu sur la photographie. Le musée craint aussi la concurrence entre la visite et l‟utilisation du multimédia ou la concurrence entre le multimédia et les autres modes de médiation. Les spécialistes pourtant reprochent souvent une approche fragmentaire ou superficielle des oeuvres et des savoirs pour le grand public C‟est pour cela que toutes les formes de médiation du musée sont bonnes et doivent s‟articuler en synergie Bien que la reproduction mécanique ait pu diluer l‟aura entourant l‟ojet d‟art, elle n‟a pas dévalué l‟ uvre originale, ni détruit son statut d‟objet culte Bien au contraire les reproductions à la chaîne du Cri d‟Edgar Munch ou des Nénuphars de Monet a plutôt augmenté le désir du public de contempler les originaux.
S‟opposeront ceux, pour qui le mandat du musée s’arrête à sa première fonction de montrer des oeuvres authentique et ceux pour qui, il est plus intéressant d’instruire à la signification des oeuvres, quitte à ne pas les voir.
Pour lutter à la fois contre les réfractaires à toutes les innovations et ceux qui pronent la technologie sans discernement, un groupe de technoréalistes s‟est crée en 1999.(1) Formés par trois auteurs américains, reconnusdes technologies de l’information, ils ont écrit le manifeste pour un technoréalisme en huit points: Il ne faut pas confondre le plaisir d‟acquérir et de distribuer de l‟information avec la tâche plus ardue qui consiste à transformer ces informations en savoirs, résumé en une phrase lapidaire « L’information n’est pas un gage de connaissance » point quatre du manifeste.
Face à l‟extraordinaire développement des multimédias, le conservateur peut hésiter entre deux attitudes extrêmes, bien définies par Claude Levi Strauss : celle du « bricoleur » qui dit « A quoi l‟outil que l‟on me propose, pourrait- il bien me servir ? et celle de l‟ l‟ingénieur qui dit : Pour atteindre ce but, de quel outil j‟ai besoin ? » . Dans tous les cas, il est clair que le but du multimédia au musée ne doit pas être la technique mais bien la médiation des savoirs.
B – La communauté virtuelle, le risque d’une addiction à Internet
Pour le musée, dans le cadre d’une d‟une réflexion pour connaître ses publics et en attirer d’autres, utiliser les possibilités du multimédia apparaît comme une bonne stratégie en gardant comme premier objectif, l‟incitaion à amener le public physiquement au musée.
Le néo-tribalisme actuellement perceptible dans le cyberspace peut avoir de vraies répercussions dans la vie réelle et inciter les utilisateurs, tout en leur laissant la possibilité de conserver les codes établis en ligne, de préférer des rapports sociaux physique plutôt que virtuels.
Car le trop grand développement des relations virtuelles ne peut qu‟être néfaste à celles entrenues dans la vie réelle, pour la simple raison que le temps qu‟on passe à agrémenter sa vie virtuelle est du temps que l‟on perd à vivre sa vie réelle La vie virtuelle ne doit pas nuire à la vie sociale, pour cela il faut qu‟elle se répercute dans la vie réelle. Alors qu‟en ligne on favorise la participation avec le « chat ou bavardage en ligne », de nombreux forums ou l’échange d’emails qui supposent tous une interaction sociale, les résultats d‟une enquête de l‟agence gouvernementale Statistiques Canada nous enseigne que : « les grands internautes passent beaucoup plus de temps seuls que les non-internautes, à contexte social ou démographique équivalent. » (2)
C – L’expérience du musée de Brooklyn avec les réseaux
Quel est l”intérêt d’impliquer le public dans la réactivité face à l’actualité du musée et son fonctionnement et comment la multiplication des outils et des réseaux devient le vecteur organisionnel du musée.
Le musée de Brooklyn est singulièrement web 2, il s‟est accaparé de ces outils pour faire de son musée un lieu de partage et d‟échange au dela des frontières du musée, véritablement sur un territoir virtuel propre.
Naît au dix-neuvième siècle dans le but de rendre d‟avantage vivant le quartier dans lequel il s‟insére, ses collections permanentes comprennent aussi bien des oeuvres de l’Égypte ancienne que des chefs-d’oeuvre de l’art contemporain. (3)
Le musée, aujourd„hui connu pour sa communauté virtuellle, avait déj pour objectif en 1960 grâce à son directeur Duncan Cameron, d‟entrenir une relation, un lien essentiel avec son public tout en voulant contribuer à son éducation. Depuis cette période, l‟expérience du visiteur n‟a cessé d‟être au centre des préocupations de l’institution.
L‟ouverture du musée aux réseaux sociaux s‟inscrit donc dans une continuité de proximité avec le public. Dès 1997, lors des conférences Museums and the Web, particulièrement axés sur Internet et à la suite des conférences internationales sur l‟hypermédia et l‟interactivité dans le musée (ICHIM)de 1991, sont présentées les premieres texpériences du musée de Brooklyn sur les réseaux sociaux. L’emploi du terme « médias sociaux » par Shelley Bernstein(4), directrice du pôle multimédia pour le musée de Brooklyn est mentionné pour la première fois, en 2007 dans un article intitulé : « Créer une communauté en ligne au musée de Brooklyn : une chronologie ». Elle y évoque des actions entreprisest dans le musée réel invoquant un mur blanc laissé à la porté de l‟imagination du public et de sa participation. Cette action est pensée pour qu‟on y trouve un écho sur l‟espace virtuel du musée, son site internet, avec un espace dédié à la possible réalisations de graffiti virtuel.
Aujourd‟hui, le Brooklyn Museum est présent sur de nombreux réseaux sociaux comme MySpace, Facebook, Twitter, Flickr, YouTube, Blip.tv. Sa stratégie a été d‟attribuer pour chacun de ces outils des objectifs différents Ainsi, Twitter donne la possibilité de communiquer des informations de dernièere minute ou l‟actualité des expos, Flickr permet à la communauté « Brooklyn Museum » de partager ses expériences de visites via des photos, sur YouTube le musée diffuse des interviews d‟artistes ou de conservateurs et parfois présente les expositions via des teasers, sur MySpace on laisse une libre parole aux visiteurs. Facebook a le même intérêt cependant ses contenus sont destinés à une cible différente avec une quantité plus importante de widgets.(5)
Le musée relaie de la même façon sur son blog, son intégration dans les médias sociaux. Le musée y développe un point de vue original au public grâce aux interviews des conservateurs, ou le montage des expositions du musée qu‟il y poste Le musée de Brooklyn s‟intègre très facilement à la génératoin web 2 0, en usant de ces outils : blog, flux, rss, auquel le visiteur peut s‟abonner, podcats audios et vidéos qui donnent accès au savoir du musée, aux conférences qui y ont eu lieu …
Le musée de Brooklyn va même jusque à créer une application Facebook directement en lien avec l‟art, pour tous les musées nommé Artshare. Le but de cette application consiste à permettre à ses utilisateurs, de regrouper des images d‟ uvres phares, postées par les differents musées qui y participent L‟utilisateur peut alors se constituer une sorte de musée ou galerie virtuel regroupant ses oeuvres favorites. L‟internaute a ensuite la possibilité d‟afficher sa sélection sur le mur de son profil Facebook.
On peut retrouver ces différents évenements web 2 dans la rubrique community du site(6).
La réactivité du web 2 donne donc la possibilité de créer une véritable communauté virtuelle autour du fonctionnement du musée et de l’actualité, grâce à une pluralité d„échange sur differents supports (Twitter, Facebook, Myspace…) ainsi que par le biais de différents médiums (texte, photos, videos).
Le musée, s‟il possède une vie épanouie et assumée sur la toile, marque une priorité à cette expérience : faire véritablement de la communauté virtuelle, une communauté réelle.
Dans cet esprit, le musée propose en juin 2008, sur Facebook, de réaliser Click a crowd curated exhibition, un projet visant à faire du public le conservateur d‟une exposition. Les artistes et leurs oeuvres étaient choisis par les membres d‟un forum créé pour l‟occasion auquel renvoyait la page du musée sur Facebook Les résultats furent ensuite examinés par un jury d‟experts et les oeuvres furent exposées dans le musée selon le choix fait dans le forum.
Un des autres projets du même type mise en place en décembre 2008 consiste à créer une nouvelle catégorie de membre pour le musée de Brooklyn qu‟il dénomme les First Fan Ce projet s‟adresse aux visiteurs du musée et leur propose d‟être eux-mêmes acteurs de sa vie sur le web.La participation des internautes aux tags des oeuvres d‟art, et à leur attribution de commentaires est alors récompensée.
Le membre First Fan bénéficie à la fois d.avantages dans le musee reel, comme la participation exclusive a des vernissages, happenings et soirees, des rencontres avec l.equipe du musee et les artistes exposants, à des ateliers, l‟entrée prioritaire aux séances de cinéma, ainsi que dans l‟espace virtuel des médias sociaux avec une page dédiée sur Twitter, l‟accés à une newsletter ainsi qu‟ la base de données exclusives des images et vidéos du musée via son compte privé Flickr.
Cette expérience semble fonctionner comme l‟indique le site avec « plus de 7 000 participants par samedi, où le musée salue la représentation croissante des publics jeunes (71% ont moins de 45 ans), la mixité sociale (plus de 50% de visiteurs de couleurs) et les jeunes enfants (15% des visiteurs sont accompagnés de moins de 12 ans). » (7)
De plus, les membres du programme se rencontrent par groupe de 15 à 30 personnes tous les premiers samedis de chaque mois, ce qui permet une réelle
relation entre les membres, en compagnie des responsables du programme William D Cary et Shelley Benrstein, ce qui renforce la sensation d‟appartenir à une véritable communauté. Lors de ces rencontres, les membres peuvent venir accompagnés d‟amis non membres, qui auront quoi qu‟il en soit un impact positif sur la communication du musée et pouvant être réprésentés comme des ambassadeurs du programme. Non seulement le musée se créé une réelle communauté de visiteurs fidélisés et intéressés puisque participants mais en plus il se créé une communication à moindre coût.
Le Musée du Louvre,expérimente à son tour en 2009, en ouvrant un groupe sur Facebook réservé aux abonnés de la « Carte Louvre Jeunes », leur donnant accès à des avantages similaires à ceux proposés par le programme First Fan.
Le musée de Brooklyn à travers ces différentes expériences, réussit pleinement à briser la frontière entre lui et son visiteur, en renforcant les liens qu‟ils entretiennent. C‟est bien l‟avenir du musée réel qui se joue surs ces plateformes virtuelles et non sa destruction, à condition que l’impact sur le réel, la structure matérielle du musée est véritablement été pensé dans l’utilisation des outils multimédia.
(1) Manifeste pour un technoréalisme par Andrew Shapir, David Shenk et Steven Johnson , http://www.technorealism.org/
(2)Internet influence-t-il l’emploi du temps des Canadiens? Par Statistique Canada, août 2006 http://www.statcan.gc.ca/bsolc/olc-cel/olc-cel?catno=56F0004M2006013&lang=fra :
(3) Shelley Bernstein, Créer une communauté en ligne au musée de Brooklyn : une chronologie
http://www.archimuse.com/mw2007/papers/caruth/caruth.html :
(4) http://www.brooklynmuseum.org/about/index.php?l=english : Rubrique About du site du Brooklyn museum.
(5)en première année du “first saturday” sur le site Club Innovation & Brooklyn Museum : 80 000 participants Culture CLIC France. http://www.club-innovation-culture.fr/brooklyn-museum-plus-de-88-000-participants-pendant-la-premiere-annee-du-first-saturday/