De vous sentir :
o mieux
o paisible
o reconnu
o moins seul
o compris
o triste
o plus isolé
o avoir envie d’avoir un projet de vie
Cette question, nous l’avons posé telle quelle durant les deux premiers entretiens. Pour les deux derniers, nous l’avons adapté avec des questions de relance afin d’obtenir plus précisément les différentes émotions qui peuvent apparaître. En effet, nous nous sommes aperçues que les deux premières personnes ont eu de la difficulté à nous livrer leur sensible.
En fait, nous nous rendons compte qu’au départ nous n’avons pas formulé cette question adéquatement. La tournure de phrase a empêché leur expression d’émotions. Heureusement, pour nous les émotions sont quand même apparues mais plus succinctement dans cette question et plus largement dans d’autres items.
Ainsi, Woody dit qu’il était rongé, tendu par des tracas administratifs.
Il a pu dire qu’il se sentait mieux quand il avait des « bons copains », il se sentait plus paisible car il pouvait discuter d’émotions avec eux. Cependant, quand ses quelques amis devaient partir soit pour transfert ou fin de peine, c’était très dur pour lui. Il a également éprouvé des émotions fortes lors des moments de départ de certains codétenus, il en va jusqu’à pleurer et c’est de nouveau le « bas ».
Woody mentionne également le « fond du trou » après la visite de ses proches. C’est plus une tension. Il n’a jamais voulu en parler avec des professionnels pour avoir du soutien. Woody nous a dévoilé son espace thymique du moment lorsqu’il nous parle « d’au fond du trou », de sa difficulté à en remonter seul puisqu’il ne s’est pas adressé à du personnel pénitencier qui aurait pu l’aider.
Charles mentionne peu d’émotions particulières pendant l’entretien. C’est à la fin de la rencontre qu’il parle de rage, de frustration, de sentiment de culpabilité tout en ne se livrant pas particulièrement sur ses émotions.
Cependant durant l’entretien, de temps en temps une phrase nous a été livrée de son état émotionnel, lors de relations surtout avec les surveillants, comme par exemple : «(…) Si je m’engueulais avec un gardien, je ne disais pas de gros mots, mais je faisais respecter mes droits d’humain. (…). (…) mais je haussais la voix. (…) ».
De plus, il se décrit comme quelqu’un qui n’est pas diplomate. Il a profité d’en discuter avec les « psys » car il a eu l’obligation de poursuivre un suivi thérapeutique pendant sa peine : « J’ai dû faire un travail là-dessus, car je dis toujours les choses vraies mais pas toujours comme il le faut, pas vraiment diplomate. (…) J’ai eu le déclic heureusement (…). (…) J’ai beaucoup changé (…) ».
Charles décrit « l’opportunité » qu’il lui a été imposé pour entrer dans un processus de changement. Il semble que c’est Charles qui a pu donner sens aux mécanismes qui lui sont arrivés et a pu ressentir les forces créatrices qu’il avait en lui (Binswanger 4.3, page 31).
Le suivi thérapeutique a été exigé sûrement selon l’acte (la cause) qu’il a commis. Mais selon les dires de Charles, nous pouvons supposer que le spécialiste a été ouvert à la rencontre et était plus dans l’empathie que dans l’interprétation pour préserver la liberté de Charles. Le spécialiste l’a peut-être accueilli dans le moment présent ce qui a peut-être permis à Charles de s’ouvrir aux choses concrètes de la vie.
Doe cite les émotions telles que la colère, la rage, l’impatience et l’apaisement quand il y a les parloirs.
Il associe la colère et la rage à l’administration pénitencière puis il ajoute que l’apaisement apparaît chez lui quand un parloir a lieu. Cependant, l’impatience est une émotion qui est présente tout au long de son incarcération puisqu’il dit : « L’impatience quotidienne d’attendre que l’on sorte (…) ».
Raphael signale des émotions comme la joie, la tristesse. La joie par exemple de jouer aux cartes, d’être avec les codétenus à l’atelier, de se raconter les blagues.
Il nomme aussi la violence et la compassion qui ne sont pas des émotions mais auxquelles nous pouvons associer la colère et la sensibilité à la souffrance des autres.
De nouveau, ces citations nous donnent de précieuses informations sur le concept de l’espace thymique de Binswanger (chapitre 4.3).
Nous pouvons voir que diverses émotions sont apparues selon les détenus. Elles ont été vécues, exprimées, gérées et « habillées » de façons différentes selon chacun. En effet, les détenus ont décrit avec leurs mots des moments plus faciles ou difficiles à vivre et comment ils ont pu « profiter » ou non du soutien des professionnels.
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