Caractéristiques selon les années (Tableau I)
Durant les années 2001 à 2003, nous avons colligé 56557 cas de piqûres et d’envenimations scorpioniques, soit une incidence de moyenne de 1,2‰.
L’incidence moyenne a augmenté de 2,5 fois après la campagne, puis elle est restée à peu près stable entre 2001 et 2003.
Le nombre de provinces et de régions déclarantes a augmenté d’année en année (fig. 3), de même pour le nombre des déclarations qui est devenu 3,6 fois plus important en 2001 par rapport aux années avant la campagne.
Le nombre de cas envenimés a également augmenté de 4,1 fois et le nombre d’hospitalisations de 3,2 fois après la campagne, alors qu’à partir de 2001, l’augmentation est de l’ordre de 1. Cependant, le taux d’hospitalisation a diminué puisque le nombre de déclarations a augmenté considérablement.
Concernant le nombre de décès déclarés, il reste identique quelque soit l’année puisque les décès ont toujours été déclarés contrairement au nombre de piqués, d’envenimés et d’hospitalisés.
La figure 4 représente les proportions de cas piqués, envenimés, hospitalisés et décédés selon les années (le nombre de piqués n’est pas proportionnel aux autres données).
Le nombre d’enfants d’âge ≤ 15 ans piqués par un scorpion augmente d’année en année, cependant le pourcentage diffère peu car ce nombre augmente parallèlement au nombre de déclarations, il constitue 1/3 des piqués (31%).
Le sexe ratio moyen avant la campagne était de 1,02 ; cependant de 2001 à 2003, il montre que les femmes sont légèrement plus touchées (0,94).
Les patients ne sont envenimés que dans 9,7% des cas. Le taux de létalité par envenimation était de 15,23% avant la campagne, et de 2001 à 2003, il oscille autour d’une moyenne de 4,4% soit 3.5 fois moins important.
Avant la campagne, tous les patients ont été traités ; Par contre, de 2001 à 2003, le nombre de cas n’ayant pas nécessité de traitement est très important : en moyenne 67% des patients. Le taux de mortalité moyen est de 0,0053‰ avec une nette diminution entre 2001 et 2002- 2003.
Caractéristiques selon les régions (Tableau II)
Le nombre de piqûres est important à Marrakech- Tensift- Al Haouz, Chaouia- Ouardigha, Souss- Massa- Draa, Tadla- Azilal …par ordre décroissant.
Le sexe ratio montre que les femmes sont le plus touchées dans les régions de Guelmim, Souss-Massa-Draa, Gharb-Chrada-Béni Hssen, Chaouia-Ouardiga et Marrakech-Tensift-Al Haouz, à l’inverse des autres régions comme l’Oriental, Tadla- Azilal ….
Le pourcentage d’enfants piqués d’âge inférieur ou égal à 15 ans augmente au cours des années parallèlement aux déclarations et sa moyenne est de 30%.
Le nombre de décès est élevé dans la région de Marrakech- Tensift- AlHaouz, suivit par Chaouia- Ouardigha, puis Souss- Massa- Draa, ensuite Doukkala- Abda…(fig. 5) Le taux de létalité spécifique est très élevé à Doukkala (1,09%), puis Marrakech (0,56%), suivit par Souss (0,3%), et enfin Chaouia (0,24%), Tadla (0,24%) (fig. 6). Les régions de Fès (2,04%) et Meknès (0,14%) ne sont pas classées précédemment car ce sont des régions qui déclarent uniquement les envenimations et les décès, ce qui élève considérablement leur taux de létalité spécifique.
Caractéristiques selon les années et les régions
Le taux de létalité a diminué de 1,5 fois entre 2001 et 2002, et il s’est stabilisé entre 2002 et 2003 (Tableau III).
On note une diminution du taux de létalité d’année en année à Souss-Massa-Draa et Chaouia-Ouardigha. A Marrakech-Tensift-AlHaouz le taux de létalité a diminué en 2002 de 1,33 fois, puis fluctue autour de 5‰ en 2002- 2003. Par contre, à Doukkala-Abda, on observe une augmentation progressive du taux de létalité selon les années.
L’étude de la variabilité de l’incidence, de la létalité et de la mortalité selon les provinces durant cette période de 3 ans nous a permis de réaliser une carte de synthèse (fig. 7) mettant en valeur les régions à haut risque.
Discussion
L’incidence moyenne des piqûres scorpioniques (1,2‰) est importante et elle diffère d’un pays à l’autre. Elle est de 0,18 ‰ au Venezuela (Maradei- Irastorza 1999), de 0,9‰ en Arabie Saoudite (Al-Sadoon et al. 2003), de 1,56‰ en Algérie (Laid et al. 2000) et de 0,53‰ avant la campagne de sensibilisation contre les piqûres et les envenimations scorpioniques au Maroc (Soulaymani R. 1999).
L’augmentation de l’incidence entre les 3 années s’explique par l’augmentation des déclarations du à la sensibilisation de la population pour consulter chaque fois qu’il y a piqûre. En 2002 et 2003, le nombre d’envenimations et d’hospitalisations sont identiques, ceci parce que le personnel médical est conscient du fait que tout envenimé risque d’évoluer vers un décès et devrait donc être hospitalisé ou alors référé vers une structure plus performante.
Le sexe ratio élevé (1,02) avant la campagne est du au fait que les hommes déclaraient plus les piqûres, par contre entre 2001 et 2003, ce sont les femmes qui sont le plus touchées (0,94%) quoique le scorpion pique au hasard.
Le pourcentage de patients envenimés a diminué d’année en année entre 2001 et 2003, ceci montre une assimilation de la différence entre piqûre simple et envenimation scorpionique.
Le taux d’envenimation moyen était de 10,16% avant la campagne et de 9,7% après la campagne. En Tunisie, ce taux est de 10,2% (Abroug et al.1994) et en Algérie de 17% (Triki et al. 2004).
La diminution du nombre d’hospitalisations d’année en année révèle une rationalisation de la prise en charge, ceci grâce à l’existence d’un arbre de décision clair et facile à appliquer.
L’abstention thérapeutique dans 67% des cas, alors qu’elle était de 0% avant la campagne, est la preuve formelle que les professionnels de santé distinguent parfaitement bien la différence entre simple piqûre et envenimation scorpionique.
La diminution des taux de létalité après la campagne montre une meilleure prise en charge par le personnel médical. Cependant, la létalité au Maroc reste importante par rapport aux autres pays (Goyffon 1989).
Certaines provinces montrent une baisse de l’incidence due à une bonne sensibilisation de la population. Par contre, le taux de létalité et de mortalité n’a pas diminué car la prise en charge reste limitée par l’absence de matériel de réanimation ou de réanimateur qui est nécessaire en cas de détresse vitale (c’est le cas de El Kelaa par exemple).
La carte synthétique de l’incidence et de la mortalité par piqûres scorpioniques (Fig. 7) montre que la piqûre de scorpion est une problématique sanitaire Marocaine touchant les régions du centre sud, principalement Marrakech- Tensift, Doukala- Abda, Chaouia- Ouardigha, Tadla- Azilal et une grande partie du Souss- Massa-Draâ, et ceci durant une période limitée entre mai et septembre (Soulaymani R. 1999), c’est à dire la période estivale. La comparaison de la répartition géographique des sujets piqués avec la carte de la répartition de quelques scorpions (fig.8) au Maroc (Vachon 1952, Touloun et al. 1997, Touloun et al. 2001, Gantenbein 2003, Touloun 2004) révèle une concordance parfaite entre le noyau à forte incidence et mortalité et une importante agglomération des espèces scorpioniques au niveau de cette zone.