Caractéristiques de la population envenimée
Durant notre période de quatre ans nous avons pu colliger 388 cas d’envenimations scorpioniques sur 5180 piqués, soit 7.5 % des piqués, répartis sur les trois cercles sanitaires de la province de Khouribga.
Le cercle sanitaire de Khouribga avec son hôpital provincial Hassan II reçoit le plus d’envenimés (44%) suivi par Oued Zem (35%) puis Bejaad (21%).
La distribution des envenimations selon les années montre une augmentation de l’incidence entre 2001 et 2003, puis une diminution en 2004(figure 1). Cette augmentation peut être expliquée par une meilleure sensibilisation de la population alors que cette diminution par une meilleure connaissance du problème.
Figure 1 : Répartition du nombre d’envenimés selon l’année
Les résultats révèlent que les envenimations sont plus fréquentes entre mai et octobre avec un pic au mois de juillet comme le montre la figure2. Cette période correspond aux fortes chaleurs où les scorpions sont actifs ; Ainsi nos donnés rejoignent celles de la littérature (Abroug et al.1996, Moulki et al. 1997, Touloun et al. 2001, Soulaymani et al. 2002 ; 2004 ; 2005).
Figure2 : Répartition des envenimés selon les mois
La majorité des patients envenimés ont été piqués la nuit (66.5%) et plus de la moitié (52.4%) entre 18 et 24 heures (figure 3) En effet, Les piqûres et envenimations scorpioniques ont lieu principalement en fin de journée et durant la première partie de la nuit car, le scorpion, animal à activité nocturne quitte son gîte à la tombé de la nuit pour s’abreuver et se nourrir. (Champetier 1985, Gaudreault 2000, Goyffon et al.1982, Gueron et al. 1992, Nouira et al.)
Figure3: Répartition des envenimation selon la période de piqûre
Afin d’analyser le temps post piqûre (TPP), nous avons organisé nos données en quatre classes et les résultats obtenus sont schématisés dans la figure 4.
figure4: Répartition des envenimations selon le temps post piqûre
La moyenne du TPP est de 1heure 20 minutes, et 54% seulement des envenimés arrivent avant 1 heure (TPP< 1h) au centre de santé. Les patients arrivés à la structure sanitaire dans un délai inférieur à 1 heure évoluent mieux que ceux qui arrivent tardivement. Et tous les auteurs s’accordent sur le fait que le temps post piqûre est un facteurs décisif dans la prise en charge. (Jeddi et al. 1988, Goyffon 2002, Soulaymani 2002 ; 2004 ; 2005).
La distribution des envenimés en fonction de l’âge des patients (figure 5) montre un maximum chez les jeunes enfants avec moyenne d’âge de 15.19 ± 17.04 ans. De plus la distribution par tranche d’âge a montré que 72% des envenimés ont un âge inférieur ou égal à 15 ans, soit à peu près le trois quart des envenimés. Ainsi, nos données rejoignent ceux de la littérature (Bouaziz et al. 1996, Abroug et al. 1999, Nouira et al. 1999 ; Possani 2000).
Figure5: Répartition des envenimation selon l’âge et la tranche d’âge
Les hommes sont le plus touchés par cette pathologie avec 71% des cas. Le sexe ratio est de
2.4, et le calcul du 2א donne une valeur observée de 65.98, hautement significative.
Les envenimés qui sont les patients arrivés au centre de santé en classe de gravité II et III constituent 7.5% des patients piqués, et presque tous les envenimés sont arrivés en classe II (99%).
Les référés par ou vers une structure sanitaire représentent 76% des patients envenimés. Ils sont référés principalement par la structure sanitaire de Bejaad vers les autres structures.
L’hospitalisation concerne 69% des patients envenimés.
L’hospitalisation, comme le montre le tableau I a lieu principalement au niveau de l’hôpital provincial de Khouribga suivi de la polyclinique de Oued Zem par contre elle est inexistante à Bejaad, ce qui explique le taux de référence élevé chez cette dernière.
Tableau I : Distribution des hospitalisation selon le cercle sanitaire
Les résultats obtenus révèlent aussi que 75% des patients envenimés ont reçus un traitement.
L’évolution est favorable dans 87% des cas, cependant 13% décèdent par envenimation scorpionique.
Caractéristiques de l’évolution
L’analyse de la variance des principaux caractéristiques des deux différents groupes d’évolution (guérison – décès) ont montré des effets significatifs marqués (p< 0.05) concernant l’année, le mois, le temps post piqûre, la classe d’âge et le traitement.
L’évolution des patients envenimés tend à être favorable d’une année à l’autre. La figure 6 montre une importante diminution des décès entre 2001 et 2003, puis une stabilisation en 2004.
Figure 6 : Evolution des envenimés selon l’année
Le taux de létalité par envenimation selon les années indique bien une chute puis une stabilité (tableau II).
Tableau II : Taux de létalité en fonction de l’année
Les décès sont importants durant les mois chauds avec un pic au mois de juillet ; cependant, le taux de létalité par mois est important au début de l’apparition des envenimations : avril (75%) et à la fin : octobre (18.2%). En juillet, les décès atteignent le maximum mais par rapport au nombre d’envenimés, le taux de létalité est de 14.3%.
L’évolution en fonction du temps post piqûre, organisé en quatre classes, des patients envenimés au niveau des trois structures sanitaires étudiées : figure 7 montre que le maximum de décès est observé pour les patients qui sont arrivés à la structure sanitaire entre 1 et 2 heures.
Figure 7 : Evolution des envenimés selon le temps post piqûre
Le taux de létalité spécifique en fonction du temps post piqûre est plus élevé chez les patients arrivant tard aux structures sanitaires. Il est de 6.3% chez les patients arrivés dans un délai inférieur à 1 heure et de 63.8% si le délai est supérieur ou égale à 1 heure.
L’évolution en fonction de la classe d’âge des patients envenimés au niveau des trois structures sanitaires figure 8 montre que le nombre maximal des envenimations est observé chez la classe d’âge de 5 à 10 ans avec 44 envenimations observées alors que le minimum (7) est observé chez les nourrissons dont l’âge ne dépasse pas une année et chez les adultes de 30 à 40 ans.
Figure8: Evolution des envenimés selon la tranche d’âge
Le taux de létalité spécifique tableau III montre que les enfants d’âge inférieur ou égal à 10 ans décèdent le plus à la suite d’envenimations scorpioniques avec un maximum (43%) chez les nourrissons. En effet, le volume corporel du piqué explique cette tendance : plus l’organisme est développé, plus le venin est dilué et donc l’intensité de l’envenimation est faible (Moulki 1997).
Tableau III : Taux de létalité en fonction de l’âge
Le taux de létalité moyen par envenimation est élevé (13%), cependant le taux de létalité spécifique a diminué d’année en année, ce qui montre l’efficacité de la conduite à tenir, développée par le CAPM.
Parmi les patients décédés 19 % ont reçu un traitement contre 4 % n’ayant pas reçu de traitement. Les personnes traitées sont des cas graves présentant des signes d’envenimation sévères alors que les patients non traités sont ceux qui arrivent trop tard et décèdent à l’admission aux structures sanitaires.
Les décès parmi les référés sont plus importants que ceux parmi les non référés, ce qui s’explique par un temps post piqûre plus élevé chez les référés.