Sanctions de droit commun
Les sanctions au manquement à l’obligation de remise des documents d’information précontractuelle peuvent d’abord être celles prévues par le droit commun des contrats.
Par exemple, l’article L112-2 du Code des assurances, par exemple, ne parait pas prévoir de sanction spécifique. A contrario, Hubert Groutel estime qu’à l’instar des assurances collectives, les informations non transmises pourraient être inopposables au preneur d’assurance (« L’Information de l’assuré : nouvelles avancées », Resp. Civ et Assur. 2005).
Le souscripteur ne pourra qu’agir sur les moyens suivants :
-en responsabilité pour manquement de l’assureur ou de l’intermédiaire au devoir de conseil et d’information ;
-en nullité pour vices du consentement en se basant sur la réticence dolosive. Il faudra ici prouver le fait que l’information a été retenue, c’est-à-dire qu’elle n’a pas été délivrée du tout. Dès lors que l’information est transmise, même en dehors des formes prévues par les textes, il n’y a pas dol ; en effet , le dol n’en est un que si celui-ci est source d’erreur pour la victime. Ainsi, la forme ne compte pas mais uniquement le contenu de l’information transmise.
Le souscripteur devra ensuite prouver que cette erreur –provoquée par l’absence de délivrance de l’information- a été déterminante dans son consentement. L’absence de délivrance de l’information ne suffit pas à remplir cette condition. En effet, l’information peut avoir été transmise par une autre personne que l’assureur ou l’intermédiaire, ou encore le souscripteur ne pourrait arguer de son ignorance vu sa profession ou son niveau d’études. En ce sens, un arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation en date du 2 octobre 2002 a décidé qu’un directeur de société ne pouvait ignorer les risques attachés à certains supports d’un contrat en unités de compte. La même juridiction a estimé, dans un arrêt du 18 février 2003, qu’un agrégé en sciences physiques, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, de l’Institut d’études politiques de Paris et encore de l’Ecole Nationale de l’Administration ne pouvait se réfugier derrière son ignorance.
On a pu voir qu’en assurance de groupe, la sanction est plus sévère : les informations qui n’auront pas été délivrées à l’assuré ne pourront lui être opposables ; la nature des documents remis a moins d’importance que le contenu de l’information effectivement délivrée.
Sanctions spécifiques
La sanction en assurance-vie du défaut de remise des documents informatifs prévus aux articles L 132-5-2 et L 132-5-3 est la prorogation du délai de renonciation. Ici, nul besoin de prouver un préjudice ou un vice du consentement, nous sommes en face d’une prorogation de plein droit.
C’est le défaut de remise des documents qui est sanctionné et non pas la carence dans l’information elle-même. Ainsi, la loi DDAC prévoit deux documents devant être remis, et quand bien même l’information fut-elle délivrée dans un document unique, l’obligation n’est pas satisfaite pour autant.
Dans le cas prévu par la loi ou le contrat comportera l’encadré valant note d’information, la sanction sera la même si cet encadré n’est pas en conformité avec les prescriptions de la loi et qu’aucune note n’est remise (ce qui sera systématiquement le cas dans la mesure où la raison même d’être de cet encadré est de dispenser l’assureur de fournir une note d’information distincte).
Une application si restrictive du texte laisse envisager des dérives possibles.
Jean Bigot envisage par exemple dans son «Traité du droit des assurances » l’hypothèse selon laquelle pourrait être sanctionné l’assureur qui remettrait bien les documents exigés, qui délivrerait une information complète, mais répartie dans ces documents de manière non conforme à la loi. Ce serait le cas par exemple où l’assureur fait figurer dans la note ce qui doit figurer dans la proposition d’assurance ou même l’hypothèse inverse. En effet même si la loi ne le prévoit pas expressément, selon l’esprit du texte qui institue la note d’information comme un document explicatif, un résumé des dispositions essentielles du contrat, les juges pourraient être amenés à suivre un tel raisonnement en retenant que la note se trouve alourdie par une surabondance d’informations, ou la proposition dépouillée de son contenu. Une telle possibilité est d’autant plus redoutable que l’on a pu voir que dans un souci de sécurité, les assureurs ont tendance, à tort, à fournir le maximum d’informations possible.
S’agissant de la sanction, celle-ci est réellement lourde de conséquences pour l’assureur : le délai de prorogation ne commence à courir qu’à partir de la remise effective des documents c’est-à-dire que le souscripteur pourra exercer la faculté de renonciation jusqu’au trentième jour calendaire après cette remise.
Il paraît en outre indéniable que dans l’éventualité où ces documents sont bien remis mais que le contenu de l’information fait défaut, la même sanction s’applique.
Cette prorogation ne pourra pas excéder 8 ans à compter de la date où le souscripteur est informé de la conclusion du contrat.
La fixation d’un tel délai était, semble-t-il nécessaire dans la mesure où cette faculté n’aurait pas eu de limite : en effet aucune date butoir n’était fixée pour son exercice.
De plus selon une certaine partie de la doctrine, la prescription trentenaire n’était pas non plus applicable. Selon N. BANDRAC, (« La Nature juridique de la prescription extinctive en matière civile », Thèse Paris II, 1983), la prescription n’éteint pas le droit mais l’action qui y est rattachée ; or, la faculté de renonciation ne s’exerce pas par une action mais par une simple lettre envoyée à l’assureur.
Malgré tout, même si la fixation d’un délai pour l’exercice de cette faculté constitue une avancée, celui-ci parait trop long.
Dans la pratique, le dénouement du contrat se fait au bout de 8 ans par le jeu de la garantie « vie » et ce pour des raisons fiscales. Cela signifierait donc que dans l’hypothèse extrême où la faculté est exercée en toute fin de ce délai, alors que la garantie a déjà joué, l’assureur serait tenu à la fois de régler l’indemnité due ainsi que de rembourser les primes versées. Sur ce point l’avant-projet de loi DDAC semblait plus raisonnable car il fixait ce délai à 5 ans.
Dans le cas particulier des contrats en unité de comptes, cette possibilité de récupérer les primes versées pourra être utilisée à mauvais escient. Il faut rappeler que dans ce type de contrats, le risque financier est normalement supporté par le souscripteur.
En cas de baisse de la valeur des supports du contrat sur les marchés financiers, le montant des primes devient supérieur à cette valeur. Tout rachat engendrerait alors des pertes importantes pour le souscripteur. La tentation pour ce dernier est alors de tenter d’utiliser cette sanction afin de pouvoir exercer la faculté de renonciation.
Les arguments de ces souscripteurs peu scrupuleux étaient basés sur l’absence dans la documentation informative de toute indication sur la garantie décès en cas d’exercice de la faculté de renonciation. Depuis la loi du 11 juin 1985, l’assureur est dans l’obligation de restituer l’intégralité des primes versées au titre de la garantie décès en cas d’exercice de la faculté de renonciation ; cette information n’est plus pertinente.
D’autres se sont appuyés sur le fait que les informations ne figurent pas dans le bon document ou encore qu’aucune note d’information n’a été remise. On a pu voir précédemment que l’important était le contenu de l’information fournie et il paraît, là encore, extrême d’arguer d’un manquement à son obligation d’information de la part de l’assureur pour une simple inversion entre certaines informations et certains documents.
Enfin les demandeurs ont pu utiliser l’argument du défaut de remise de la note d’information à une époque où la pratique des conditions générales valant note d’information était administrativement autorisée par la Fédération Française des Sociétés d’Assurance mais à laquelle la loi DDAC n’avait pas légalisé cette pratique. Le recours était donc facilité par le vide juridique entourant la question.
On voit donc bien que l’information pertinente a été délivrée mais dans des formes qui différent plus ou moins de celles prévues par la loi. Il est alors aisé de soupçonner les demandeurs d’être de mauvaise foi.
Cela a alors engendré plus d’une cinquantaine de cas dans lesquels on se retrouvait avec un souscripteur conscient des risques encourus par le choix d’un contrat en unités de compte, ayant procédé à des arbitrages, des rachats partiels, des avances, et qui, dès l’instant où la conjoncture leur devient défavorable, se plaignent d’un manque d’information et veulent y renoncer.
Ces souscripteurs sont bien souvent des épargnants importants comme le font remarquer M.BELMONT et H.LASCOMBES dans « Le Droit du renard » (RGDA 2003 p.413 et s.).
Dans son « Traité des assurances », J. BIGOT dénonce ces « mauvais perdants sur le marché financier» selon ses propres termes, en les accusant d’avoir eu davantage de réussite sur le marché du droit afin de se faire conseiller une protection qu’ils ne méritent pas au vu de leur mauvaise foi. La limite à ces affirmations se trouve dans le fait que le souscripteur si bien conseillé aura du mal à prouver son ignorance (on a vu précédemment que le savoir que possède le souscripteur en raison de son activité professionnelle ou de son niveau d’études peut compenser la carence d’information).
Sur ce point, B.FAGES (« Le comportement du contractant », thèse AIX, PUAM 1997, spéc. N°652) a pu écrire « qu’il serait contradictoire qu’un créancier cherche cumulativement à obtenir la résolution et à poursuivre l’exécution ». Or, le souscripteur qui voudra bénéficier à la fois des effets de l’exécution du contrat et de son « annulation » manifeste de la même contradiction.
Le danger est de vider les contrats en unités de compte, sinon de leur substance, au moins de leur esprit, qui consiste à faire le choix d’un placement plus risqué car plus rémunérateur, dans la mesure où les souscripteurs tendent à vouloir le supplément de rémunération sans supporter le risque. Ainsi ce risque accru est supporté par les assureurs dont ce n’est évidemment pas le rôle.
Voilà les dérives qu’un régime légal de protection des souscripteurs visant uniquement à renforcer l’information de ceux-ci a pu entrainer.
Une boulimie d’information précontractuelle ne sera vraisemblablement bénéfique au souscripteur. Celui-ci requerra aussi une information au cours de la vie du contrat, à travers une véritable activité de conseil ou encore des mises en garde de la part de l’assureur.