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Section 1: Appréhension technique du risque climatique par l’assurance

ADIAL

La notion de risque climatique recouvre différents risques qui ont leurs propres intensités et leurs fréquences. Il est alors indispensable que les assureurs connaissent de manière la plus précise possible leurs caractéristiques. (§ 1) Pour cela, ils peuvent compter sur les données météorologiques. Grace à ces dernières, il est possible d’envisager l’évolution du climat et de connaitre les probabilités de survenance d’un sinistre climatique. (§2)

§1. Notion de risque climatique : intensité et fréquence

Le risque de nature climatique représente prés de 66,5% des catastrophes naturelles au niveau mondial. En termes de fréquence, c’est le continent asiatique le plus touché par le risque naturel, suivi des Etats-Unis puis de l’Europe. Le risque climatique recouvre différents risques comme l’inondation, les coulées de boue dues à des averses importantes, les tempêtes, ouragans, cyclones, grêle, gel, orages… Il convient alors d’étudier plus précisément les conséquences du risque d’inondation, qui représente le premier risque climatique en France avec la montée des eaux qui menace nos côtes (A), suivies des tempêtes, ouragans et cyclones (B) et de la canicule dont la France a été victime notamment 2003 (C).

A/ Inondation et montée des eaux

Les inondations constituent l’un des risques climatiques qui entraine le plus de pertes économiques, à cause de leurs intensités et leurs fréquences. Ainsi, ce risque comptabilise à lui seul près de 1822 événements, soit environ un quart des sinistres au niveau mondial(42) et provoque 55 049 décès sur la période 2001 à 2010. Les inondations se produisent le plus souvent à proximité d’une rivière. Il existe deux types d’inondation : L’inondation éclair et les crues. L’inondation éclair est la plus dangereuse. Elle est difficile à prévoir car elle se produit après des orages ou averses violentes. Ces inondations ne sont pas toujours situées près des rivières, elles peuvent intervenir dans n’importe quel endroit, dès lors que le sol ne peut plus absorber l’eau et que l’écoulement se fait lentement.

Le niveau d’eau atteint vite son maximum et peut redescendre aussi vite. Ce type d’inondation entraine des dégâts matériels importants mais surtout des pertes humaines. Le type d’inondation la plus courante, notamment en France, c’est les crues. Elles se produisent après d’importantes précipitations. Le débit de la rivière va atteindre son maximum et le surplus ne pourra pas être évacué du fait de la faiblesse du courant. Le débit de la rivière va alors sortir de son lit.
Même si ces crues sont plus courantes, elles sont néanmoins difficiles à prévenir. Cela nécessite des moyens importants pour pouvoir déterminer le niveau des précipitations, mais également son impact sur le niveau de la rivière.

Cependant, il est possible de déterminer les zones à risque avec leurs probabilités d’occurrence. Les inondations provoquent différents dégâts. Du point de vu de la nature, elle peut entrainer une modification du lit de la rivière, des érosions du sol, transporter des débris plus ou moins importants et provoquer des glissements de terrains ; entrainant ainsi la destruction ou la détérioration des biens présents. De plus, elle peut entrainer une pollution des eaux ; c’est surtout le cas lorsque des usines sont situées à proximité de la rivière. Elle peut aussi être à l’origine des destructions de véhicules terrestres à moteurs, des matériaux, machines ou encore des marchandises stockées.

Les infrastructures routières et de télécommunications peuvent également être endommagées. Tous ces dommages peuvent être encore plus importants si une infrastructure de rétention d’eau cède. Une inondation majeure peut entrainer une perte économique de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Ainsi, en 2003, l’inondation en Allemagne a atteint 9,2 milliards d’euros, et celle de la République Tchèque est estimée à 3 milliards d’euros(43). Le changement climatique a une influence sur la fréquence des inondations. Ainsi, l’élévation de la température va augmenter l’évaporation et va provoquer plus de précipitations. Par conséquent, certaines régions épargnées par les inondations seront classées à risque. Enfin, l’augmentation de la température entraine la fonte de la calotte glacière et donc une augmentation du niveau de la mer, pouvant en théorie atteindre une plusieurs dizaine de mètres. Ce constat pose un énorme problème car 50% de la population mondiale se situe au bord des océans, des mers et des deltas. Par conséquent, cela va provoquer un déplacement de la population, et la destruction de la production locale.

Les fréquences des inondations vont être plus importantes en cas de hausse des océans. Ainsi, à New York, les crues qui sont centennales, vont revenir tous les quatre ans à partir de 2080, et ce, selon une étude dont le scénario est le moins catastrophique. Pour terminer, les ilots et les atolls, comme les Maldives, sont menacés de disparition. Il appartient à l’Etat de mettre en place des mesures de prévention, en aménageant des digues, des barrages ou des canaux aux bords des rivières et des mers. Il faut mettre l’accent sur le développement de moyens de prévisions des inondations et de la montée des eaux afin
de mettre en place des mesures de protections préalables des biens et des personnes. Ceci peut prendre la forme de plan de zone à risque(44).

B/ Les tempêtes, typhons, cyclones et ouragans

Ils sont caractérisés par des vents violents, allant de 120 à 350 km/h. La formation et l’énergie des tempêtes tropicales ou des cyclones dépendent de la quantité d’eau évaporée et donc de la température de l’air et de l’océan. Cette dernière doit atteindre 27°C avant qu’un cyclone puisse se former. En ce qui concerne les cyclones, les zones les plus sensibles sont les littoraux(45). Ces derniers sont soumis aux dégâts matériels provoqués par l’effet du vent mais également aux conséquences de ce dernier sur les courants marins, provoquant ainsi des raz de marée.

Ce phénomène représente un coût significatif pour les compagnies d’assurance. En effet, depuis 1950, prés de deux tiers des dépenses d’indemnisation au niveau mondial ont servi à couvrir les dégâts engendrés par des ouragans. Sur la période de 2001 à 2010, les cyclones et tempêtes ont entrainé la mort de 229 037 personnes(46). Les moyens pour se prémunir et se protéger contre ces événements extrêmes sont rares. La prévention doit se porter sur la construction des bâtiments avec du matériel plus résistant, comme le béton armé. Quant aux prévisions, elles se sont améliorées, du fait de développement des technologies,
notamment des satellites. L’Etat doit également jouer son rôle en faisant respecter et en mettant à jour ses plans de prévention des risques.

C/ Les canicules

Les régions les plus sensibles à ce risque climatique sont les régions à climat tempéré, comme la France. Les régions arides, c’est-à-dire dont le niveau de précipitation annuelle ne dépasse pas le millimètre, sont habituées à une forte chaleur la journée et craignent donc moins ce phénomène. La sécheresse ne peut pas être estimée avant sa survenance. Elle ne peut être détectée qu’au moment où elle se produit, par la hausse de température, le nombre de jours sans
précipitation, taux d’évaporation et d’humidité ainsi que la nature des sols. Les conséquences de la sécheresse sont progressives. Cela commence par les feux de forêts, entrainant pour les producteurs une perte de récolte. Si le feu est mal maitrisé, il peut atteindre les habitations et les entreprises, qui enregistreront des pertes de matériels, de production et une perte financière. Les feux de forêts sont des sinistres importants car ils arrivent en seconde position, après les inondations, avec 893 sinistres(47).

Un autre impact de la canicule sur la nature est la rareté de la végétation, entrainant la famine du bétail pour les pays en développement. Pour les pays développé, cela entraine un risque de fourrage. De plus, si la période de sécheresse dure trop longtemps, elle peut provoquer des famines, paralysant ainsi tout l’économie d’un Etat. Chaque année, ce sont des milliers de personnes qui meurent de famine ou de soif. Notre actualité en témoigne avec la Somalie, des milliers de personnes meurent chaque jour et celles-ci sont obligées de tout abandonner pour émigrer, voyant sur leur trajet leurs enfants mourir de soif. Les famines causées par la sécheresse se localisent dans les pays en voie de développement. Il s’agit des premiers réfugiés du risque climatique. Ainsi, au regard des pertes humaines, les canicules sont à l’origine de 92 674 décès au niveau mondial sur la période de 2001 à 2010.

Le commerce est également touché. En effet, en matière de transport fluviaux, du fait du niveau trop faible de l’eau, les navires commerciaux ne peuvent plus naviguer. Ainsi, la canicule provoque des pertes économiques aux entreprises et à l’Etat lorsque sa population en souffre.

Du coté des assureurs, la sécheresse cause des sinistres surtout en matière de récolte et de construction. Avec le phénomène de retrait et de gonflement du sous-sol, la canicule de 2003 a généré des sinistres de ce type qui ont coûté près de 1,2 milliard d’euros à l’assurance. Ce coût aurait d’ailleurs dû être bien supérieur si l’Etat n’avait pas décidé de stopper les arrêtés de catastrophes naturelles, et de mettre en place un fonds spécifique de compensation
qui au final s’est avéré insuffisant pour indemniser toutes les victimes de ce péril. Afin de diminuer ces effets néfastes, il faut utiliser l’eau avec modération en changeant nos habitudes. En matière d’agriculture, il faut privilégier des cultures qui résistent mieux à la hausse de température. Pour la construction, il faut éviter de construire sur des sols argileux.

Ainsi, l’impact d’un risque climatique tant en France que dans le monde à des conséquences ravageuses. Une seule entreprise ne peut pas faire face au coût des dommages provoqués par le climat, l’assurance joue alors un rôle primordial. Pour cela les assureurs mais également les entreprises, recourent à la météorologie afin de mieux adapter leurs couvertures et de mieux appréhender ce risque.

§2. L’importance de la météorologie

La France dispose de l’un des trois meilleurs instituts de météorologie au monde avec Météo France. Cette étude de la connaissance et de l’anticipation climatique est un domaine dans lequel les avancées technologiques progressent rapidement, permettant ainsi de déterminer avec de plus en plus de précisions les prévisions météorologiques.

Ainsi, selon météo France, tous les cinq ans, ses prévisions augmentent d’un jour de fiabilité. La météorologie permet de déterminer les prévisions à court et moyen terme, selon des méthodes différentes et ayant chacun des inconvénients et des avantages (A). Ces données sont indispensables aux entreprises météo sensibles, aux assureurs et au marché financier (B).

A/ Les méthodes de prévisions

Pour pouvoir obtenir des données météorologiques, il existe deux méthodes. La première est la méthode historique où l’évaluation du climat est déterminée en projetant les données du passé. La deuxième méthode est l’anticipation, elle repose sur la modélisation du climat. Actuellement, seules les prévisions à court terme, soit 6 jours et moyen terme, soit 5 ans, sont réellement fiables.

L’étude des prévisions à court terme s’effectue à travers la situation réelle de l’atmosphère sur laquelle sont appliqués des modèles de circulation générale. Pour ces prévisions, les météorologues utilisent une méthode de simulation numérique. Cette méthode permet de déterminer le climat sur une zone considérable, par la représentation de l’atmosphère sous forme de grille « dont la résolution est typiquement de l’ordre d’une dizaine à une centaine de kilomètres horizontalement et de quelques centaines de mètres verticalement. »(48).

Chaque grille représente l’atmosphère avec ses caractéristiques comme la température, la pression et le taux d’humidité. Ceci permet de constituer l’état initial de l’atmosphère. Sur cette base, le modèle numérique va simuler des scénarios sur l’évolution du climat. Au regard de la convergence des résultats, ils élaborent alors un indice de confiance sur tel ou tel scénario. Les prévisions à moyen terme, permet de déterminer les prévisions qui vont de quelques semaines à quelques mois. Cette méthode est spécifique, elle est étudiée par les professionnels et notamment par des centres qui se sont spécialisés comme le centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme.

Cette approche est différente de la prévision métrologique classique, elle utilise une approche probabiliste, permettant de prendre en compte « la nature chaotique de l’atmosphère »(49). Pour cela les professionnels vont établir différentes trajectoires du climat, en modifiant les conditions initiales par des données chaotiques. Ceci prend la forme de distribution de probabilité. Elle est très utile pour détecter les événements climatiques extrêmes comme les cyclones.

La méthode des prévisions à court terme, permet de déterminer les variables météorologiques sur une échéance allant de trois heures à dix jours. Pour les prévisions de un à trois jours, leur fiabilité est importante. Au delà, le niveau de confiance décroit, c’est pour cela que les professionnels recourent à la méthode des probabilités. Par conséquent, les prévisions météorologiques à long terme ne sont pas fiables à cent pourcent.

En Europe, l’accès aux données métrologiques représentent un certain coût ; à la différence des Etats-Unis où ces données sont facilement accessibles et à moindre coût. En France, Météo- France, vend ses études sur la sécheresse, la température, la pluviométrie, les tempêtes… pour une période précise. Il s’agit de données historiques que les acheteurs veulent projeter dans l’avenir. Or, ces données ont été prises à une certaines époques, où n’était pas pris en compte le réchauffement climatique, l’influence de l’urbanisation, le changement de localisation de la station métrologique : ville, montagne ou sur la côte et
l’évolution des instruments de mesures. Météo France doit alors adapter ces données en intégrant ces différents paramètres.

Météo France vend ces informations à 3,90 euros pour une donnée. Or, les entreprises, pour pouvoir mettre en place une couverture du risque climatique, ont besoin des informations sur une longue période, environ trente ans, ce qui représente un budget non négligeable. Ce budget peut être encore augmenté si l’entreprise se situe au niveau international, elle devra acquérir différentes données auprès de plusieurs instituts dont le prix de vente est plus ou moins important. Pour autant, cet investissement est indispensable pour l’entreprise qui souhaite maitriser son risque climatique.

B/ Un outil dont dépendent l’assurance, les entreprises et le marché financier

Les données météorologiques jouent un rôle important en matière de prévention. Elles permettent aux entreprises d’être informées sur la survenance d’un risque climatique, permettant à ces dernières de prendre certaines mesures afin d’en limiter les conséquences. Elles sont également indispensables pour tous les acteurs économiques dont les assureurs, souhaitant transférer leur risque climatique sur le marché financier. Les prévisions à court terme sont très utiles aux entreprises météo sensibles. Ces probabilités sont utilisées pour déterminer les périodes importantes de vente et ainsi elles optimisent leur
gestion de stock.

Les probabilités ont un rôle très important pour la gestion du risque climatique d’une entreprise. Ainsi, en utilisant les probabilités de températures, elle va pouvoir déterminer la probabilité de son chiffre d’affaires et de son résultat. Par conséquent, elle a une vision de sa potentielle situation future et elle peut prendre les bonnes décisions pour limiter les conséquences néfastes de certains scenarios, en décidant ou non de transférer ce risque à travers un dérivé climatique.(50) Il s’agit d’une obligation dont le risque est un risque climatique. Ces données sont donc indispensables pour intervenir sur le marché financier. Elles vont servir de sous jacent aux dérivés climatiques. Ces indices sont de plusieurs natures, il existe par exemple les « HDD », Heating degree Days, ou les « CDD », Cold Degree Days.

Chacun ont des avantages et des inconvénients. Les entreprises peuvent alors choisir les indices proposés ou créer des indices sur mesure (51). La politique de gestion du risque climatique ne peut se faire sans la météorologie. Pour autant les prévisions ne sont pas fiables à cent pourcent, surtout à partir du 4ème jour des prévisions. Heureusement, cette science progresse d’année en année permettant ainsi de mieux anticiper l’impact du climat sur l’économie des entreprises. Cependant, le coût d’achat des données météorologiques est élevé et représente un véritable obstacle. Seules les entreprises disposant de moyens considérables peuvent alors se couvrir correctement en recourant au dérivé climatique. Cette nouvelle solution permet ainsi à ces entreprises de cumuler une protection qui repose sur le marché financier et une protection traditionnelle mais qui connait des limites, l’assurance.

42 Etude réalisée par le cabinet Ubyrisk Consultant sur la décennie 2001-2010. http://www.catnat.net/ubyriskconsultants
43 RÜCKVERSICHERUNGS-GESELLSCHAFT.M, 2003, Topics – Annual review : natural catastrophes 2002 p 7.
44 Voir infra Titre II, chapitre 1, page 62.
45 Annexe 6
46 Etude réalisé par le cabinet Ubyrisk Consultant sur la décennie 2001-2010. http://www.catnat.net/ubyriskconsultants
47 CF note 45
48 FOURNEAUX S, HOLZ R, MORENO M, CARLE J, MARTEAU D, La Gestion du Risque Climatique, Economica, p 191.
49FOURNEAUX S, HOLZ R, MORENO M, CARLE J, MARTEAU D, La Gestion du Risque Climatique, Economica, p 195.
50 Voir infra Titre II, chapitre 2, p 69.
51 Voir infra Titre II, Chapitre 2, p69

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