Institut numerique

Section 1 – Condition préalable : l’assuré auteur de la faute

Selon la lettre de l’article L. 113-1 du Code des assurances, « l’assureur ne répond pas des
pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ». Ainsi,
seule la faute de l’assuré peut être constitutive d’une faute intentionnelle, à l’exclusion de la
faute de toute autre personne dont l’assuré doit répondre. Ce principe est par ailleurs rappelé
à l’article L. 121-2 du même code : « L’assureur est garant des pertes et dommages causés
par des personnes dont l’assuré est civilement responsable en vertu de l’article 1384 du Code
civil, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes ».
Dès lors, les dommages causés par la faute intentionnelle d’un préposé devront être pris
en charge par l’assureur, ces deux articles étant d’ordre public(11) . Au demeurant, cette
solution parait logique puisque le fait du préposé présente un caractère aléatoire pour
l’assuré.

A priori, le concept « d’assuré » semble évident à cerner : il s’agit du souscripteur mais
dans un certain nombre d’hypothèses, il pourra s’agir d’un bénéficiaire distinct. Ainsi, quels
sont les effets d’une faute intentionnelle commise par un assuré pour compte ? De même,
pour la faute commise par le conjoint, partenaire ou concubin de l’assuré ? Enfin, une
personne morale peut-elle être l’auteur d’une telle faute ?

§ 1 – Assuré pour compte

D’après l’article L. 113-1, seule la faute de l’assuré peut être constitutive d’une faute
intentionnelle, c’est-à-dire de la personne étant exposée au risque couvert. Dans le cadre
de l’assurance pour compte, l’assuré sera la personne désignée au contrat en qualité de
bénéficiaire, à l’exclusion du souscripteur. Par voie de conséquence, la faute intentionnelle
du souscripteur ne devrait pas pouvoir être opposée au bénéficiaire.

La Cour de cassation suit ce principe en considérant que l’assuré pour compte peut se
voir opposer sa faute intentionnelle(12). Cette solution apparait cohérente puisque cet
assuré est porteur de l’intérêt d’assurance. Néanmoins, la Cour de cassation a aussi eu
l’occasion d’énoncer que la faute du souscripteur d’une assurance pour compte était
opposable au bénéficiaire(13). D’après le Professeur Bigot(14), cette solution jurisprudentielle
serait justifiée par le fait que le contrat d’assurance pour compte contient deux garanties
distinctes : une assurance de responsabilité au profit du souscripteur, et une assurance de
chose au profit du bénéficiaire. Or, lorsque le souscripteur commet une faute
intentionnelle, l’assureur est en droit de dénier sa garantie pour le volet assurance de
responsabilité puisque dans cette hypothèse le souscripteur a la qualité d’assuré.
Cependant, pour admettre ce raisonnement, il faut partir du principe que l’assurance de
responsabilité est amenée à jouer en priorité sur le volet assurance de chose(15).
La notion d’assuré pose aussi problème lorsque des personnes entretiennent des rapports
très étroits avec le véritable assuré.

§ 2 – Conjoint, partenaire ou concubin de l’assuré

Concernant les couples mariés, dans l’hypothèse où un époux a contracté seul un contrat
d’assurance, son conjoint n’aura en principe pas la qualité d’assuré. Il en va de même pour
les partenaires pacsés et a fortiori pour les concubins. Ainsi, ces personnes, ni présentes, ni
représentées à la conclusion du contrat n’ont pas la qualité d’assuré et le fait qu’elles
commettent une faute intentionnelle ne permet pas à l’assureur de dénier sa garantie. Cette
solution paraît relativement injuste, d’autant plus lorsqu’elle est rapprochée du dispositif de
l’article L. 121-12, alinéa 3 du Code des assurances. Celui-ci prévoit que « l’assureur n’a
aucun recours contre les enfants, ascendants, descendants, alliés en ligne directe,
préposés employés, ouvriers ou domestiques, et généralement toute personne vivant
habituellement au foyer de l’assuré, sauf cas de malveillance ». Ainsi, l’assureur qui ne
parviendrait pas à prouver la malveillance de l’auteur de la faute ne pourrait pas se
retourner contre lui si sa qualité se trouve énumérée à cet article.
La Cour de cassation a choisi une conception stricte de la notion d’assuré(16). Ainsi,
d’après un arrêt du 26 mai 1994(17), un local à usage de commerce et d’habitation avait
été partiellement détruit par un incendie. Ledit local avait été donné à bail à deux
époux et Monsieur a été condamné pénalement pour avoir provoqué cet incendie.
Néanmoins, un contrat d’assurance avait été ratifié par Madame. Les juges du fond
ayant condamné l’assureur à garantir le sinistre, celui-ci s’est pourvu en cassation en
invoquant l’article L. 113-1 alinéa 2 du Code des assurances. Son pourvoi fut pourtant
rejeté, malgré la communauté d’intérêts qui unissait les époux.

Néanmoins, la Cour de cassation a aussi rendu des arrêts plus nuancés sur la question.
En effet, dans un arrêt du 16 mars 1970(18), dont les faits ressemblent étrangement à ceux
de l’arrêt de 1994, les juges ont considéré que le concubin de la souscriptrice au contrat
d’assurance avait aussi la qualité d’assuré, et qu’en conséquence l’assureur était fondé à
dénier sa garantie sur le fondement de l’article L. 113-1. Il faut toutefois préciser que les
juges du fond avaient révélé l’existence d’une « société de fait » entre les concubins et
que cet argument a été repris par la Cour de cassation : « Les juges d’appel, qui ont
adopté les motifs des premiers juges, ont constaté que la ferme avait été achetée à
deniers communs et était exploitée en commun, qu’il y avait une véritable confusion des
patrimoines, que l’immeuble sinistré ainsi que son contenu appartenait non privativement
à la Dame X, mais aux deux concubins ». La communauté d’intérêts, mise en exergue par
l’existence d’une société de fait, permet alors de pallier la rigueur de l’article L. 113-1 du
Code des assurances.

§ 3 – Assuré personne morale

Le fait qu’une personne morale ait la qualité d’assuré ne pose pas de difficultés particulières
quant à l’application de l’article L. 113-1. En effet, la jurisprudence admet logiquement
qu’une telle faute puisse être commise par les mandataires sociaux(19). Le visa d’un arrêt de
cassation du 6 avril 2004(20) est sans ambiguïté : « Attendu que lorsque le contrat
d’assurance est souscrit au nom d’une personne morale, la faute intentionnelle au sens du
texte susvisé, s’apprécie en la personne du dirigeant de droit ou de fait de celle-ci ». Dès
lors, pour les personnes morales, peu importe que la qualité de dirigeant soit occulte ou
publique, la faute intentionnelle s’apprécie dans le comportement de ces derniers.

Après avoir déterminé les personnes pouvant se voir opposer l’article L. 113-1, il convient
désormais de s’intéresser plus avant aux éléments constitutifs de la faute intentionnelle.
Celle-ci suppose un geste volontaire et conscient, tendant à la réalisation du dommage
effectivement survenu.

11 Les articles L. 113-1 et L. 121-2 ne sont en effet pas cités parmi la liste des dispositions pouvant faire
l’objet de dérogation par convention contraire à l’article L. 111-2 du Code des assurances. Ce principe a été
rappelé en jurisprudence pour les dispositions de L. 121-2 (Civ. 23 juin 1942, D. 1942, J. 151, note P. L.-P. ;
RGAT 1942. 360 ; GADA p. 26, obs. Berr et H. Groutel.
12 Cass. 1re civ. 15 déc. 1998, RGDA, 1999.292, note J. Kullmann.
13 Cass. 1re civ. 11 déc. 1990, RGAT 1991.55, note H. Margeat et J. Landel ; Civ. 1re, 20 juill. 1994, RGAT
1994, p. 1118, note L. Mayaux.
14 L. Mayaux, Traité de droit des assurances, sous la dir. J. Bigot t. III, LGDJ, 2002, n°1121 et suivants.
15 H. Groutel, P. Pierre, M. Asselain, , Traité du contrat d’assurance terrestre, Litec, n°574 et suivants.
16 Voir les arrêts cités par J. Kullmann, Lamy assurances, n°1268.
17 Cass. 1re civ. 26 mai 1994, n°91-10.645, RGAT 1994, p. 756, note L. Mayaux.
18 Cass. 1re civ. 16 mars 1970, n°68-13.053, RGAT 1970, p. 516, note A. Besson.
19 L. Mayaux, Traité des assurances terrestres, sous la dir. de J. Bigot, t. III, Le contrat d’assurance, LGDJ
2002, n°1120.
20 Cass. 1re civ. 6 avril 2004, n°01-03.494, RGDA 2004, p. 372, note J. Kullmann ; P.-G. Marly, La faute dans
l’assurance de responsabilité du dirigeant, JCP E 2006, p. 568.

Retour au menu : ÉVOLUTION DE LA FAUTE INTENTIONNELLE EN DROIT DES ASSURANCES