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Section 1 – Contrôle normatif inconstant

ADIAL

Plusieurs éléments perturbateurs viennent brouiller les pistes. Tout d’abord, le contrôle
normatif exercé par la Cour de cassation a été temporairement abandonné, ce qui a
donné lieu à un florilège d’arrêts d’appel adoptant leur propre conception de la faute
intentionnelle. Puis, le contrôle a été repris afin d’assurer l’unité du droit, sous réserve de
la libre appréciation des faits par les juges du fond.

§ 1 – Contrôle du caractère intentionnel de la faute

Depuis 1974, la Cour de cassation a repris le contrôle de la notion de « faute
intentionnelle ou dolosive », en lui donnant une définition stricte que les juges du fond sont
tenus de reprendre pour qualifier ou disqualifier la faute commise par l’assuré. Néanmoins,
en 2000, les haut-juges ont renoncé à ce contrôle au profit des juges du fond, mais
seulement pour le reprendre en 2003

La définition de la faute intentionnelle a fait l’objet d’un débat à la fois jurisprudentiel et
doctrinal depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1930. Or, la mesure de cette faute a
toujours été fixée par la Cour régulatrice, que ce soit en 1969 pour assouplir la notion, ou
en 1974 pour revenir à une conception stricte(43). Traditionnellement, la Cour exerce donc
son contrôle sur la faute intentionnelle dont elle a elle-même donné la définition.
Ainsi, « la faute intentionnelle, au sens de l’article L. 113-1 alinéa 2 du Code des
assurances, suppose que l’assuré ait voulu non seulement l’action ou l’omission
génératrice du dommage, mais encore le dommage lui-même, tel qu’il s’est réalisé »(44).
Cet attendu de principe est constant depuis 1974 et tend à préserver l’unité conceptuelle
de cette faute dans un contexte où cette définition est fréquemment contestée.
Néanmoins, la Cour de cassation a « brouillé les pistes » en renonçant en 2000 à
l’exercice de tout contrôle sur cette notion, lequel est renvoyé aux juges du fond.

§ 2 – Pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond

Jusqu’en 2000, la Cour de cassation exerçait un contrôle constant sur la qualification de la
faute intentionnelle. Néanmoins, par un arrêt du 4 juillet, les haut-juges ont mis fin à ce
contrôle en considérant que « l’appréciation par les juges du fond du caractère
intentionnel d’une faute, au sens de l’article L. 113-1 alinéa 2 du Code des assurances, est
souveraine et échappe au contrôle de la Cour de cassation »(45).

L’attendu est lapidaire mais ce revirement fut à l’origine d’un séisme juridique puisqu’il
abattit plus d’un demi siècle de pratique jurisprudentielle.

Traditionnellement, deux éléments sont à démontrer pour qualifier la faute intentionnelle.
Tout d’abord, les juges du fond doivent soulever suffisamment d’éléments de fait
démontrant le caractère volontaire du geste à l’origine du sinistre. Ensuite, la même
méthode doit être utilisée pour affirmer que l’assuré a recherché la survenance du
dommage. C’est seulement après avoir suffisamment qualifié ces deux éléments que la
faute intentionnelle peut être retenue. Or, en se référant à « l’appréciation souveraine des
juges du fond », laquelle « échappe au contrôle de la Cour de cassation », les haut-juges
renoncent à contrôler ces éléments constitutifs de la faute intentionnelle. Les juges du
fond pourront alors préférer une autre définition, la seule exigence étant que leurs arrêts
soient suffisamment motivés. Ainsi, tout juge peut considérer que la faute intentionnelle ne
suppose plus une recherche du dommage, ou encore qu’il importe peu que le dommage
survenu excède le dommage recherché. A l’extrême, il leur est même donné la possibilité
de considérer que le geste fautif peut consister en une simple négligence, ou en une
négligence caractérisée.

Ce revirement de jurisprudence a donc sacrifié l’unité conceptuelle de la faute
intentionnelle, ce qui ne satisfait en rien à la sécurité juridique. En outre, le droit ne s’en
trouve pas simplifié puisque cette faute risque de se confondre, selon les conceptions qui
lui sont données par les juges du fond, avec d’autres catégories de comportements
blâmables placés plus en amont sur l’échelle de la gradation des fautes (faute
inexcusable, lourde, simple etc.).

Cet arrêt du 4 juillet 2000 s’est vu auréolé d’une publication au Rapport annuel de la Cour
de cassation en 2000 et les haut-juges justifient cette prise de position par leur volonté de
mettre fin à une polémique sévissant entre la chambre civile et la chambre criminelle qui
considère que toutes les infractions intentionnelles sont inassurables. Mais à vouloir
mettre fin à une divergence d’opinion, la Cour n’a fait que fermer les yeux sur le problème.
Par ailleurs, d’aucun pourrait penser que de telles divergences auraient plutôt vocation à
être traitées en chambre mixte, voire en assemblée plénière. Cette position a pourtant été
suivie par la troisième chambre civile par un arrêt du 9 janvier 2002(46).

§ 3 – Reprise du contrôle par la Cour de cassation

Les prémices d’un retour à un contrôle normatif de la notion de faute intentionnelle sont
apparus en 2003, par un arrêt du 27 mai(47). Celui-ci énonce que « la faute intentionnelle au
sens de l’article L. 113-1 du Code des assurances, qui implique la volonté de créer le
dommage tel qu’il est survenu, n’exclut de la garantie due par l’assureur à l’assuré,
condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant
l’infraction ». La Cour a redonné la traditionnelle définition de la faute intentionnelle mais le
doute restait permis quant à un éventuel retour au contrôle normatif. En effet, il ne
s’agissait dans cet arrêt que de rappeler l’autonomie de la faute intentionnelle par rapport
à la faute pénale.

La situation s’est quelque peu éclaircie avec un arrêt du 18 mars 2004(48), selon lequel
« l’appréciation par les juges du fond du caractère intentionnel d’une faute qui, au sens de
l’article L. 113-1 alinéa 2 du Code des assurances, implique la volonté de son auteur de
créer le dommage tel qu’il est survenu, est souveraine et échappe au contrôle de la Cour
de cassation ». Si la Cour de cassation rappelle le caractère souverain de l’appréciation
des juges du fond, elle ne s’en réfère pas moins à la définition traditionnelle de la faute
intentionnelle. Il faut donc comprendre que les juges du fond peuvent librement apprécier
les éléments de la faute intentionnelle, mais en aucun cas modifier sa définition. C’est
ainsi que le précisent les haut-juges dans le rapport annuel de 2004 : « en d’autre termes,
le pouvoir souverain réaffirmé en faveur du juge du fond ne va pas jusqu’à remettre en
cause le contrôle que la Cour de cassation exercera toujours sur le caractère suffisant de
la motivation, indispensable pour lui permettre de vérifier que le juge du fond a tiré les
conséquences légales de ses constatations et appréciations souveraines ».

La Cour de cassation confirmera sa position par un arrêt postérieur du 6 avril 2004(49),
lequel rappelle la définition de la faute intentionnelle, ainsi que l’autonomie de celle-ci par
rapport aux fautes pénales. Ce retour au contrôle normatif a été favorablement accueilli en
doctrine, et pour cause, la libre appréciation par les juge du fond du caractère intentionnel
de la faute mettait la sécurité juridique en péril et risquait d’aboutir à une véritable
discrimination entre les victimes selon les ressorts territoriaux des Cours d’appel.

43 Cass. civ. 7 juin 1974, RGAT 1975, 214, D. 1974.I.F.201
44 Cass. civ. 1re, 28 avr. 1993, RGAT 1994. 234, note Rémy ; 2 févr. 1994, Bull. civ. I, n° 37 ; Cass. civ. 2e, 9
juill. 1997, RCA 1997. Comm. 353 ; RGDA 1998. 64, note Vincent ; Cass. civ. 2e, 23 sept. 2004, Bull. civ. II,
no410 ; D. 2005. Somm. 1324, obs. H. Groutel ; RCA 2004. Comm. 389, obs. H. Groutel ; Cass. civ. 3e, 9
nov. 2005, Bull. civ. III, no 214 ; D. 2006. Pan. 1784, obs. H. Groutel; RCA 2005. Comm. 370 (3e esp.), obs.
H. Groutel; RGDA 2006. 632 (1re esp.), note Kullmann.
45 Cass. 1re civ., 4 juill. 2000, n°98-10.744, RGDA 2000, p.1055, note J. Kullmann ; H. Groutel, L’appréciation
de l’aléa et de la faute intentionnelle dans le contrat d’assurance, Resp. civ. et assur. 2000, chr. n°24, Rapp.
C. cass. 2000, Doc. fr. 2001, p.40.
46 Cass. 3e, civ., 9 janv. 2002, n°00-14.002, RGDA 2002, p.66 note J. Kullmann, JCP G 2002, I, n°116, note
J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2002, comm. n°158, note H. Groutel.
47 Cass. 1re, civ. 27 mai 2003, n°01-10.478, RGDA 2003, p. 463, note J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2003,
comm. n°282, note H. Groutel.
48 Cass. 2e, civ. 18 mars 2004, n°03-11.573, RGDA 2004, p. 364, note J. Landel.
49 Cass. 1re, civ. 6 avril 2004, n°01-03.493, RGDA 2004, p. 370, note J. Kullmann.

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