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Section 1 – Devoir d’information documentaire

Les assureurs sont tenus de délivrer une information formelle, au prospect d’abord, puis au
souscripteur d’un contrat d’assurance vie, et à plus forte raison quand la prestation est assise
sur des unités de compte. Cette obligation n’a cessé de croître à mesure des dispositions
législatives et réglementaires en la matière ces dernières années.
§ 1 – Objet de l’information, des éléments essentiels à l’éclairage des choix d’arbitrage
Les dispositions du Code des assurances énoncent le contenu obligatoire de la documentation
qui devra être délivrée : c’est-à-dire, pour ce qui concerne l’objet de notre étude, et sans que
cela ne soit exhaustif :
– une information relative aux caractères du contrat : au titre desquels la variabilité du capital
et les frais d’arbitrage120. L’article A132-4 le précise en distinguant les différents types de
frais : “d’une part, des frais prélevés par l’entreprise d’assurance sur la provision mathématique
ou le capital garanti et, d’autre part, des frais pouvant être supportés par l’unité de compte ainsi
que des modalités de versement du produit des droits attachés à la détention de l’unité de
compte.”

Au titre des frais supportés par l’unité de compte, figurent ceux de gestion des fonds sousjacents
dans lesquels investissent les actifs de l’assureur (par exemple, une unité de compte
peut être représentée d’un FCP, lui-même investissant dans tel portefeuille qui génère des frais
tels ceux du promoteur du produit, le dépositaire qui conserve les actifs et contrôle la gestion
et la société de gestion121).
Outre les frais sur versements, à l’entrée, (souvent dégressifs – de l’ordre de 2 à 5% des
primes) et les frais annuels de gestion du contrat (de 0.5 à 1%), les assureurs facturent des
frais d’arbitrage, (destinés à couvrir le service, les frais de courtage tels les frais d’achat et de
vente des titres sous-jacents, etc.). “[L]’ensemble de ces chargements, qui s’empilent et se
cumulent, réduisent de manière sensible la performance du produit.”122 Ils peuvent être
calculés selon un barème fixe (forfaitairement de 15 € si l’ordre d’arbitrage est émis en ligne
via Internet, à une centaine d’euros), ou proportionnellement au montant des unités de compte
désinvesties (selon les contrats et la valeur des sommes arbitrées). Toutefois, les contrats
Internet les plus récents prévoient une gratuité totale des arbitrages, ou encore en autorisent
quelques-uns gratuitement tous les ans.
Soulignons que la législation n’a pas encadré les montants des frais attachés au contrat, et
notamment ceux liés à l’arbitrage. Ils doivent toutefois être détaillés au contrat, afin que le
souscripteur puisse évaluer à cette lumière la valorisation de son contrat, et décider de
l’opportunité d’arbitrer en fonction de ces frais qui en grèveront la performance.
Le législateur se penchera-t-il sur ces montants, à l’instar du récent arrêté123 qui encadre les
pratiques promotionnelles relatives aux taux garantis pour les contrats en euros ? Les taux
offerts par les assureurs doivent désormais être garantis pour une durée minimum de six mois
et exprimés de façon annualisée, et ce afin d’harmoniser les pratiques des assureurs pour
favoriser la comparaison des produits concurrentiels et veiller à une meilleure information des
clients. Une démarche identique est appelée de ses voeux par la profession afin d’unifier les
offres en termes de frais d’arbitrage.
– L’obligation formelle d’information concerne également les supports offerts à l’arbitrage(124),
la liste des supports d’une part, et leurs principales caractéristiques d’autre part125. L’assureur
devra en outre délivrer une information annuelle sur la valeur des supports non cotés(126).

Examinons la teneur des informations relatives à ces actifs sous-jacents :
« 1° Présentation succincte : la dénomination de l’organisme, sa forme juridique, le nom de la
société de gestion et des éventuels délégataires de gestion » ce qui permet au souscripteur de
vérifier le crédit que la place peut accorder à tel gestionnaire ;
« 2° Informations concernant les placements et la gestion : la classification de l’organisme,
l’objectif de gestion, la stratégie d’investissement, le profil de risque, la garantie ou protection
éventuelle, le profil type de l’investisseur » : c’est sur ces bases que l’assureur s’engage sur
l’adéquation de l’unité de compte à l’objectif d’arbitrage que se sera fixé le souscripteur – ces
informations relatives aux supports lui offrent une grille de lecture simplifiée. La question
induite est de connaître le partage de responsabilités en cas de défaut : le souscripteur pourra
attraire son cocontractant, à charge pour l’assureur d’exercer une action récursoire contre
l’organisme gestionnaire concerné faute d’avoir adhéré à la classification AMF normalisée de
l’OPCVM concerné;
« 3° Informations sur les frais et commissions de l’organisme », lesquels diminueront la valeur
faciale des supports financiers sur lesquels sont assises les unités de compte ;
« 4° Lorsque plus de 10 % des actifs sont constitués par des parts ou des actions d’un autre
organisme de placement collectif, l’indication du niveau d’investissement. »
L’ensemble de ces mesures n’est justifié que par l’intérêt du prospect et du souscripteur, qui, à
la lecture de ces informations, devrait être en mesure de procéder aux choix de souscription et
de gestion du contrat en connaissance de cause.

§ 2 – Support et preuve de l’information

Le formalisme de l’information, énoncé à l’article L.112-3, indique que « Le contrat
d’assurance et les informations transmises par l’assureur au souscripteur mentionnées dans le
présent code sont rédigés par écrit, [en principe] en français, en caractère apparents ». Ces
qualités sont propres à faire échec à l’ancienne pratique de nombre d’assureurs qui usaient des
« petites lignes » et des renvois de réserves en fin de document. Le formalisme tend à protéger
à la fois l’assureur (qui sera donc présumé avoir délivré l’information) et le souscripteur, que
l’on ne maintient pas dans sa position de non-sachant. Rééquilibrer les positions de l’assureur
et du souscripteur par ce moyen n’est-il pas illusoire ? La jurisprudence a développé pour
cette raison une obligation d’information informelle mais substantielle pour s’assurer de la
compréhension de ces informations. (cf. Section 2 ci-dessous)
S’agissant des principales caractéristiques des supports, la remise contre récépissé du
prospectus simplifié de l’Autorité des marchés financiers (AMF) est recevable127 ou à défaut
il conviendra d’énoncer au moins les mêmes informations et de préciser en outre les modalités
d’obtention du prospectus simplifié (y compris sur Internet).

L’assureur a-t-il un moyen de rectifier les termes d’un document ne remplissant pas toutes les
exigences formelles impératives ?128 : Les assureurs ont tenté d’apporter une solution
pragmatique à la problématique de l’irrégularité de l’information précontractuelle souvent
observée, faute de remise d’un document distinct antérieur à la souscription alors que
l’information était délivrée dans les conditions générales à l’occasion de la conclusion du
contrat. La Cour de cassation a, en effet, confirmé l’invalidité de cette pratique129.
La remise du document précontractuel d’information a été aménagée à titre curatif par
l’émission en masse de documents rectificatifs dont les assureurs ont fait constater l’envoi
par huissier– dispositif moins couteux que l’envoi systématique de lettres recommandées avec
accusé de réception. En l’occurrence, l’huissier désigné avait procédé à une vérification de la
réalité des envois par sondage au hasard sur une liste des destinataires, n’attestant donc que
de la probabilité des envois non vérifiés. La jurisprudence130 a toutefois invalidé ce procédé
en faisant une lecture littérale de la loi qui exige la preuve de la réception contre récépissé du
document (et non simplement de son expédition). « [L]’envoi en nombre de lettres simples
sous contrôle d’huissier est impuissant à priver de sa faculté de renonciation le contractant qui
n’a pas reçu, lors de la conclusion de son contrat, l’intégralité des informations prévues par le
code des assurances.» Et ce, sans compter des irrégularités de forme à la souscription qu’une
information ultérieure ne rectifiera pas, dans la mesure où rien ne peut remettre les
souscripteurs dans la situation où ils étaient à l’époque révolue de la souscription… Les
litiges à ce sujet risquent donc de se poursuivre avec succès au détriment des assureurs.
Un autre problème, et non des moindres, soulevé par ces informations réside dans leur
nombre : dès lors que sont délivrées des informations « au kilo », feront-elle l’objet d’une
attention et d’une lecture assidues du souscripteur ? Le souscripteur est souvent noyé dans
tant de documents, dont il devra tirer non sans mal l’information pertinente pour lui-même.

§ 3 – L’obligation d’information dans le temps

L’obligation d’information naît avant même la souscription du contrat – il s’agit pour
l’assureur de délivrer une information précontractuelle, qui garantisse l’entier consentement
du souscripteur.
A l’occasion de la conclusion, puis en cours de contrat, le Code prévoit une information
régulière, qui se justifie par l’évolution rapide des caractéristiques des produits de placement
offerts sur le marché et de la valeur des unités de compte souscrites. Les contrats d’assurance
vie sont destinés à couvrir une période longue.

La législation a donc aménagé à la fois les conditions d’évolution des contrats131 (cf. les
développements relatifs aux modifications des supports offerts à l’arbitrage ci-dessus), et
l’effectivité de l’information du souscripteur quant à ces évolutions : ainsi, son consentement
éclairé et l’effectivité de ses droits sont protégés, tels la faculté d’arbitrage et la faculté de
rachat.
A ce titre, l’assureur est tenu de communiquer annuellement les valeurs des unités de compte
– leurs performances – et les modifications significatives affectant ces unités de compte132, et
en cas d’arbitrage vers de nouveaux supports, de préciser les qualités substantielles des unités
de compte, sous la forme soit d’un avenant soit de la remise d’un prospectus AMF133.

120 R 132-3
121 M. BERTRAND, Contrats en unités de compte – Améliorer la transparence, La Tribune de l’assurance, n°68,
mai 2003, p. 22 précité
122 IBID
123
Arrêté du 7 juillet 2010 portant modification des modalités de garanties d’un taux minimum par les
entreprises d’assurance, prenant effet au 01 août 2010 La réforme plafonne les taux garantis par rapport au
marché obligataire et précise qu’ils ne pourront dépasser de plus de 10 % le rendement servi aux assurés sur
les contrats en cours lors des deux exercices précédant la prise d’effet de la garantie
124 A132-1 et 4
125 A 132-6
126 R 131-2
127 En termes prospectifs, il est à supposer qu’à l’issue de la mise en oeuvre de la Directive OPCVM IV l’usage
des références aux KID (Key Investor Documentation) remplacera les prospectus simplifiés.
128 De l’inefficacité des notes d’information envoyées en cours de contrat, Blog de Brice COTTERET, avocat,
27 mai 2010, http://avocats.fr/space/brice.cotteret
129 Cour de cassation du 7 mars 2006
130 Tribunal de grande instance de Paris du 25 mars 2008, ou plus récemment TGI Paris 18 février 2010

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