Le critère moral justifiant l’exclusion légale de la faute intentionnelle a longtemps consisté
en la proposition selon laquelle elle inciterait l’assuré au vice, « favoriserait le
développement des haines et des vengeances », d’après la célèbre formule de MM.
Picard et Besson. Néanmoins, un auteur s’est détourné de cette doctrine, pour proposer
une explication moderne.
§ 1 – Conception classique du critère moral
Classiquement, la doctrine considère que l’ordre public s’oppose à l’assurance de la faute
intentionnelle. Ainsi, M. Picard et A. Besson estiment que : « si la garantie du dol était
admise, on inciterait les individus à commettre impunément des atteintes aux droits de
leurs semblables, on favoriserait le développement des haines et des vengeances. Dans
les autres assurances, la prohibition ne se justifie pas moins : il serait immoral que à la
suite d’une assurance de choses, un individu puisse causer intentionnellement un
dommage à son patrimoine et ensuite réclamer une indemnité à son assureur ; il serait
immoral que, à la suite d’une assurance de personnes (vie ou accident), un individu puisse
intentionnellement provoquer le sinistre sur sa personne, pour procurer à lui-même ou à
des tiers, la prestation promise par l’assureur »(40). La formule utilisée par ces auteurs
résume tout à fait la justification classique de l’exclusion légale de la faute intentionnelle :
son assurance est immorale car elle inciterait au vice, elle inciterait l’assuré à porter
impunément atteinte aux droits d’autrui, ou à détruire les siens propres pour obtenir la
prestation d’assurance. Mais aujourd’hui, ce critère moral est remis en cause par un
auteur qui plaide pour une redéfinition de celui-ci.
§ 2 – Remise en cause du fondement classique
L’idée selon laquelle l’assurance de la faute intentionnelle inciterait l’assuré à commettre
des sinistres volontaires est remise en cause en doctrine, notamment par le Professeur
Mayaux(41). Selon cet auteur, « l’influence de l’assurance sur les comportements est difficile
à évaluer » et l’assuré qui détruit ses biens sait pertinemment qu’en raison du principe
indemnitaire, les sommes versées par l’assureur seront inférieures à leur véritable valeur,
sinon moins, en application des franchises, plafonds et exclusions de garantie.
De même, en assurances de personnes, la prestation d’assurance ne « motive » pas la
commission du suicide, cet acte étant trop grave pour être conditionné par de basses
considérations pécuniaires.
En outre, le Professeur Mayaux soulève le fait que le droit positif ne sanctionne pas
certains comportements, quand bien même ceux-ci seraient contraires à la morale : il
s’agit par exemple de l’assuré qui souhaitant mettre le feu à un meuble, incendie
intégralement un immeuble, ou de celui qui espérant poignarder son épouse qu’il
poursuivait dans la rue, s’en prend à un passant. Dans ces hypothèses, la tendance de la
jurisprudence est de considérer que la fraction du dommage qui n’avait pas été anticipée
par l’assuré doit être prise en charge. Enfin, cet auteur souligne le fait qu’en toute rigueur,
tout bénéficiaire de l’assurance, en vertu de ce fondement moral, devrait pouvoir se faire
opposer l’article L. 113-1. Ce n’est pourtant pas le cas puisque, par exemple, le créancier
hypothécaire ou privilégié peut détruire le bien et pourtant bénéficier de la prestation, étant
donné qu’il n’a pas la qualité d’assuré.
Au contraire, d’après cet auteur, le critère tiré de l’ordre public se justifie par « la défense
de l’objet de l’assurance, à savoir la chose ou la personne couverte par le contrat », en ce
sens que l’assurance ne doit en aucun cas « encourager la destruction volontaire de la
chose ou de la personne d’autrui ». En d’autres termes, l’assurance ne doit pas être ne
serait-ce que suspectée de favoriser ce type de comportements.
40 M. Picard et A. Besson, Ass. Terr., tome I, n°65, p. 113.
41 L. Mayaux, Traité des assurances terrestres, sous la dir. de J. Bigot, t. III, Le contrat d’assurance, LGDJ
2002, n°1129.
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