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Section 1 – Inefficacité des remèdes contemporains

ADIAL

Afin de ne pas garantir les fautes volontaires de leurs assurés, les assureurs pourraient
tout d’abord insérer des clauses d’exclusions formelles et limitées décrivant précisément
les comportements exclusifs de garantie. Il est aussi envisageable de se référer à la
gravité du comportement de l’assuré.

§ 1 – Insertion de clauses d’exclusion « formelles et limitées »

L’insertion de clauses d’exclusion au sein de la police peut être envisagée afin d’écarter la
garantie pour certains comportements qui, sans constituer une faute intentionnelle au
sens classique, manifestent une mauvaise foi flagrante de l’assuré. Il s’agira en effet de ne
pas couvrir les fautes conscientes et volontaires de l’assuré. Néanmoins cette solution se
heurte à des obstacles qui pour l’heure ne peuvent pas être franchis.

A – Exclusion conventionnelle de la faute volontaire

Selon l’article L. 113-1 alinéa 1er, « les pertes et les dommages occasionnés par des cas
fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion
formelle et limitée contenue dans la police ». Les parties sont donc libres de déterminer le
champ de la garantie, sauf à respecter les dispositions d’ordre public et notamment
l’article L. 113-1 alinéa 2 du Code des assurances. Ainsi, l’assureur qui souhaite écarter
certaines garanties pourra le faire, à condition que les clauses d’exclusion soient formelles
et limitées.

Dès lors, les clauses d’exclusion doivent être suffisamment précises pour que l’assuré soit
en mesure de connaitre les comportements qu’il doit ou ne doit pas adopter pour rester
couvert par son assurance. Ce principe ressort d’une jurisprudence constante : « les
clauses d’exclusion doivent être formelles et limitées de façon à permettre à l’assuré de
connaître l’étendue de la garantie »(70) ; pour qu’il « sache exactement dans quels cas et
dans quelles conditions il n’est pas garanti »(71). A défaut, la clause d’exclusion est réputée
non écrite.

Par ailleurs, la jurisprudence va plus loin en estimant que toute clause d’exclusion devant
être interprétée est nécessairement non-formelle et limitée. Ce principe ressort lui aussi
d’une jurisprudence ancienne et constante : « au sens de l’article L. 113-1 du Code des
assurances, une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors
qu’elle doit être interprétée »(72). Une telle exigence suppose que ces clauses ne puissent
pas se référer à des concepts abstraits pour définir les exclusions : chacune doit être
exprimée par des faits précis et circonstanciés. Cela a notamment été jugé en 2002(73).

Compte tenu de l’état du droit positif, les assureurs ont alors tenté d’insérer des clauses
d’exclusion suffisamment précises et circonstanciées, afin de ne pas couvrir les fautes
volontaires de l’assuré.

B – Limites de l’exclusion conventionnelle de la faute volontaire

Afin de respecter la jurisprudence de la Cour de cassation, les assureurs ont tenté
d’insérer des clauses d’exclusion se référant à des règles ou normes professionnelles.
Ces clauses d’exclusion faisaient dans l’ensemble référence au « non respect des règles
de l’art »(74) ou aux dommages qui seraient « la conséquence inévitable et prévisible des
modalités de l’exécution du travail »(75).

Les assureurs espéraient alors que ces clauses ne tomberaient pas sous le coup de
l’article L. 113-1 alinéa 1er mais leurs espoirs furent bien déçus. En effet, la jurisprudence
condamna systématiquement ces clauses. Cette solution a en outre été confirmée par un
arrêt de 2008 selon lequel est non-écrite la clause exclusive de garantie pour les
dommages résultant de « la violation délibérée par l’assuré, ou par la direction de
l’entreprise assurée, des lois, règlements et normes auxquels il doit se conformer dans
l’exercice de ses activités »(76). En l’espèce, l’assuré avait livré des téléviseurs dont il
connaissait le vice de fabrication, lequel était lié à la violation d’une règle de sécurité qu’il
avait respectée des années durant. Il semble donc que l’exclusion conventionnelle des
fautes volontaires et conscientes ne soit pas la solution adéquate, étant donné l’état du
droit positif.

Toutefois, cette jurisprudence est critiquée par une partie de la doctrine, notamment par le
Professeur J. Kullmann et Mme M. Asselain(77). En effet, d’après ces auteurs, la
jurisprudence est trop tranchée : certaines normes professionnelles sont primordiales et
ne peuvent donc pas être ignorées de l’assuré. Leur violation devrait donc être
sanctionnée par l’application de la clause d’exclusion.

Une autre solution pourrait consister, pour les assureurs, à établir une liste d’hypothèses
précises dans lesquelles la garantie ne sera pas due (chacune d’entre elle visant des faits
précis et circonstanciés, sans faire référence à un concept abstrait qui nécessiterait d’être
interprété). Toutefois, cette voie n’est pas la panacée puisqu’elle présente deux
inconvénients principaux. Tout d’abord, établir une liste de circonstances dans lesquelles
la garantie ne sera pas due est sans doute la meilleur méthode pour en oublier, de
manière à ce que les comportements fautifs les plus inattendus soient tout de même
garantis. Ensuite, la jurisprudence est très stricte quant au caractère compréhensible des
polices ; il n’est donc pas sûr qu’une interminable liste d’hypothèses visant les fautes
exclusives de garantie améliore la lisibilité des contrats d’assurance. Il semble donc que
l’exclusion contractuelle des fautes volontaires ne soit définitivement pas la voie à suivre.
Plus récemment, la jurisprudence a retenu un autre critère afin de reconnaitre le caractère
intentionnel d’une faute : les manoeuvres dolosives de l’assuré tendant à dissimuler sa
faute volontaire. A noter que ces « manoeuvres dolosives » ne doivent pas être
confondues avec la faute dolosive ; il s’agit plutôt des manoeuvres liées au dol au stade
du consentement au contrat, mais transposées au stade de son exécution.

§ 2 – Manoeuvres dolosives de l’assuré

Depuis 1970, la Cour de cassation reconnait qu’il est possible de déduire la recherche du
dommage de manoeuvres dolosives (mensonges, usages de faux documents, intervention
complice d’un tiers, etc.). Cela pourrait constituer une solution pour pallier les
insuffisances de la faute intentionnelle subjective mais ces manoeuvres ne concernent que
les cas les plus graves. Quid des hypothèses dans lesquelles l’assuré a sciemment
commis une faute tout en connaissant le caractère inéluctable du dommage, mais sans
avoir usé de tels subterfuges ?

A – De l’usage de manoeuvres dolosives à la recherche du dommage

En principe, la faute intentionnelle subjective suppose non seulement une faute volontaire,
mais aussi une recherche du dommage. Or, en matière de responsabilité professionnelle,
notaires, avocats ou promoteurs ne souhaitent pas causer un dommage au sens stricte. Ils
se contentent de faire prévaloir leurs intérêts sur ceux de leur client. C’est la raison pour
laquelle les juges hésitent à retenir la faute intentionnelle.

Toutefois, celle-ci est toujours retenue lorsque l’assuré a trompé son client. Dès lors, il
semble que la recherche du dommage soit déduite de cette volonté de tromper. En effet,
dans une affaire jugée par la Cour de cassation le 11 octobre 1983(78), un notaire avait faire
croire à cinquante-huit acquéreurs d’un immeuble que celui-ci était libre de toute charge
hypothécaire, alors qu’il avait lui même procédé à l’inscription des sûretés. En outre, au
lieu de procéder à la purge des hypothèques, le notaire a versé la totalité du prix à la
société venderesse. N’étant pas remboursé des emprunts consentis à ladite société, le
prêteur a engagé des procédures de saisie-immobilière, évinçant vingt-sept acquéreurs.

Comme il fallait s’y attendre, l’assureur a dénié sa garantie en invoquant la faute
intentionnelle. Or, la Cour de cassation lui a donné raison au motif que le notaire, qui
connaissait l’existence des hypothèques et la menace d’éviction pesant sur les assureurs,
a volontairement réalisé cette menace en leur faisant croire que le bien était libre de toute
charge. Dès lors, est caractérisée la volonté du notaire de causer le préjudice, constitué
par la seule menace d’éviction. Concernant les fautes des notaires, cette solution a été
reprise plusieurs fois(79).

Un arrêt récent, déjà cité, est venu reprendre ce principe : un avocat avait faire croire à
son client qu’il accomplissait régulièrement les actes de procédure nécessaires à la
poursuite de l’action, alors qu’il l’avait laissée se prescrire(80). Dans leurs motifs, les haut-
juges ont opéré une véritable liste de ses manquements, accompagnée des manoeuvres
dont il a usé pour les dissimuler. De cette liste et de la gravité des tromperies, ils en ont
déduit l’intention de causer le dommage.

B – Insuffisances du critère fondé sur les manoeuvres dolosives

Depuis 1983 et jusqu’à aujourd’hui, les juges n’hésitent pas à retenir la faute intentionnelle
de l’assuré quand celui-ci a volontairement trompé son client. Mais est-ce réellement
suffisant ? Un assuré qui a volontairement commis une faute dont il connaissait les
conséquences dommageables doit-il être mieux traité que l’assuré qui a fait sensiblement
la même chose, mais en accompagnant son geste de manoeuvres dolosives ?

La Cour de cassation considère que oui. Les arrêts qui viennent témoigner de la
distinction sont nombreux mais pour ne viser que les plus récents, il est possible d’en
opposer deux, rendus à trois mois d’écart. Le premier date du 30 mars 2010(81) et en
l’espèce, un architecte avait volontairement édifié une maison qu’il savait non-conforme au
permis de construire délivré. Néanmoins, les haut-juges considèrent qu’il n’avait pas voulu
le dommage, c’est-à-dire ni plus ni moins que la destruction de l’édifice. Le second arrêt,
du 1er juillet 2010(82), concernait un avocat qui avait laissé l’action se prescrire, la faute
intentionnelle est retenue.

Dans ces deux affaires, les professionnels savaient que le dommage causé par leur faute
volontaire était inéluctable ; la différence réside dans le fait que l’avocat, contrairement à
l’architecte, a menti à son client pour dissimuler ses manquements. Pourtant, user de
manoeuvres ne fait pas plus la preuve de la recherche du dommage que de ne pas en
user : cette circonstance ne démontre pas à elle seule la recherche du dommage et dans
les deux cas, il est douteux que les professionnels aient voulu nuire à leur client.
La distinction opérée par la Cour régulatrice n’apparait donc pas pertinente car l’usage de
manoeuvres dolosives n’est pas propre à prouver la recherche du dommage. Il ne fait que
démontrer la malhonnêteté de celui qui en use.

Par conséquent, le professionnel qui commet une faute volontaire tendue vers un
dommage inéluctable et connu devrait être sanctionné sur le fondement de l’article L.
113-1 alinéa 2, qu’il ait trompé son client ou non. En retenant le critère des manoeuvres
dolosives, la Cour ne fait tomber sous le coup de cette sanction que les comportements
les plus graves, alors que les autres méritent tout autant d’être sanctionnés.

Ainsi, l’exclusion conventionnelle des fautes volontaires et le critère des manoeuvres
dolosives sont inefficaces pour sanctionner utilement la faute volontaire de l’assuré. Il
convient donc de rechercher d’autres solutions.

70 Cass. 2e, civ., 18 janv. 2006, Resp. civ. et assur. 2006, comm. 148 ; RGDA 2006, 514, note S. Abravanel-
Jolly.
71 Cass. 1re, civ., 8 oct. 1974, Bull. civ. I, n°253 ; D. 1975. 513, note Berr et H. Groutel.
72 Cass. 1re, civ., 22 mai 2001, Bull. civ. I, n°140 ; Resp. civ. et assur. 2001, comm. 241 et chron. 17, par H.
Groutel ; RGDA 2001, 944, note J. Kullmann.
73 Cass. 1re, civ., 13 nov. 2002, RGDA 2003, 292, note J. kullmann.
74 Cass. 1re, civ., 8 oct. 1974 : Bull. civ. 1974, I, n° 253 ; D. 1975, jurispr. p. 513, note Cl.-J. Berr et H.
Groutel.
75 Cass. 1re, civ., 28 févr. 1984 : Bull. civ. 1984, I, n° 72 ; Cass. 1re civ., 15 déc. 1999 : Resp. civ. et assur.
2000, comm. 104, note H. Groutel.
76 Cass. 2e civ., 2 oct. 2008, n° 07-15.810 : JurisData n° 2008-045217 ; Resp. civ. et assur. 2009 comm. 30,
note H. Groutel.
77 J. Kullmann, Lamy assurances 2011, n°1296 ; M. Asselain, Violation délibérée de ses obligation
professionnelles par l’assuré : à la recherche d’une sanction, Resp. civ. et assur. 2009, étude 6.
78 Cass. 1re civ., 11 oct. 1983, n°82-13.089 et 82-13.290, RGAT 1984, p. 200.
79 Voir les arrêts énumérés par J. Kullmann, Lamy assurances, n°1290.
80 Cass. 2e civ., 1 juill. 2010, n°09-14.884, RGDA 2010, p. 687, note J. Kullmann ; S. Abravanel-Jolly,
Actuassurance, Maintien regrettable d’une conception unitaire de la faute intentionnelle, avril 2011, n°18.
81 Cass. 3e civ., 30 mars 2010, n°09-12653 et n°09-13.307, RGDA 2010, p. 685, note J. Kullmann.
82 Cass. 2e civ., 1 juill. 2010, n°09-14.884, RGDA 2010, p. 687, note J. Kullmann.

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