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Section 1 : Introduction au démembrement de propriété

ADIAL

Appréhender la clause bénéficiaire démembrée nécessite d’avoir une connaissance précise de ce que recouvre la notion de propriété (Section 1) ; mais aussi de comprendre le démembrement de propriété (Section 2).

§ 1 : La notion de propriété

La propriété est un concept dont les origines remontent au droit romain (I) ; elle confère à son titulaire un certains nombres de prérogatives (II) ; et elle dispose de caractères qui lui sont propres (III).

I . Aperçu historique de la notion de propriété

La notion de propriété est le résultat d’une longue évolution historique qui débute à Rome.

Le droit romain présente la propriété comme un droit absolu à prérogatives illimitées. Le droit romain définissait la propriété comme étant un droit exclusif qui portait directement sur une chose corporelle.

Au Moyen-âge, la notion de propriété a été appréhendée de manière beaucoup plus complexe que ne le faisait le droit romain. En effet, la féodalité a démembré la propriété. Les droits féodaux ont mis à mal toute idée de propriété telle qu’envisagée dans l’Antiquité et au lendemain de la Révolution française.

La Révolution quant à elle a sacralisé la propriété(2), c’est ainsi qu’à l’article 544 du Code civil a été donné cette célèbre définition de la propriété comme étant : « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

II. Les prérogatives du propriétaire

Le droit de propriété a été largement consacré et mis en avant par le législateur républicain, par exemple l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 fait du droit de propriété un droit « naturel et imprescriptible », et son article 17 en fait un « droit inviolable et sacré ». De sorte que ce droit ne connait plus de limite, seul son usage peut être restreint par la loi. Les pouvoirs de l’homme sur la chose se traduisent par des prérogatives étendues qui sont l’usus (A) ; l’abusus (B) ; et le fructus (C).

A) L’usus

L’usus, est le droit d’utiliser la chose. Il s’agit d’une forme de jouissance qui est accordée au propriétaire de la chose, c’est-à-dire que le propriétaire d’un immeuble a le droit de l’habiter. C’est un droit inhérent de la propriété que celui de pouvoir jouir librement de son bien.

B) L’abusus

L’abusus, est le droit de disposer de la chose. C’est un pouvoir à la fois matériel et juridique dont est titulaire le propriétaire de la chose.

Cela signifie que le propriétaire peut librement aliéner la chose, mais aussi la détruire. Il peut faire ce que bon lui semble, sans aucune obligation de conservation de cette chose à la différence des autres droits réels qui imposent une obligation de conservation.

C) Le fructus

Le fructus, est le droit de percevoir les fruits de la chose. C’est aussi une prérogative qui concerne l’utilisation de la chose comme l’usus. C’est pour cela que l’usus et le fructus sont regroupés dans une seule et même catégorie dans le code civil le fruendi. Le fructus est le droit accordé à un propriétaire de pouvoir mettre sa chose à disposition d’autrui et d’en tirer profit. L’exemple le plus courant et la mise en location de son bien moyennant un loyer.

III. Caractères de la propriété

Le code civil au travers de son article 544 définit le droit de propriété comme un droit absolu et affirme sa suprématie au-travers de caractères singuliers qui sont : son exclusivité (A) ; son absence de limite (B) ; et par sa perpétuité (C).

A) Exclusivité

Le caractère exclusif du droit de propriété signifie que seul le propriétaire peut user de la chose ou ne pas en user. Il peut donc en principe exclure de la jouissance toute autre personne de tout ou partie de son bien.

Ainsi, l’empiètement d’un tiers offre au propriétaire le droit d’agir en justice pour faire cesser cet empiètement même si celui-ci ne lui cause aucun préjudice.

Toutefois, le propriétaire peut être contraint de supporter le droit d’un tiers comme un usufruit ou une servitude sur sa chose. Dans ce cas, il n’y pas atteinte au droit exclusif du propriétaire parce qu’en réalité il s’agit d’un démembrement de la propriété.

B) Illimité

Le caractère illimité du droit de propriété signifie que seul le propriétaire peut accomplir tous les actes juridiques et matériels qu’il désire sur la chose dans le respect de ce que la loi autorise. Toutefois, lorsque dans son usage le propriétaire porte atteinte à autrui il doit réparer les dommages qu’il a causé, voir faire cesser le trouble.

En conséquence, le caractère illimité de l’exercice du droit de propriété doit se faire dans le respect d’autrui.

C) Perpétuité

Le droit de propriété existe indépendamment de son usage.

Cela signifie que le droit de propriété ne se perd pas par le non-usage(3). Le droit de propriété attaché à une chose est un droit qui est conféré au propriétaire aussi longtemps que la chose existe.

§ 2 : Le démembrement de propriété

Le démembrement de propriété est une séparation des trois prérogatives appartenant à un propriétaire (I) ; le démembrement peut faire l’objet d’une évaluation économique. Malgré la séparation de la propriété en un usufruit, et une nue-propriété chacun de ces deux droits réels peuvent faire l’objet d’une évaluation économique (II).

I) La notion du démembrement de propriété

Le démembrement de propriété c’est avant tout la séparation des trois prérogatives appartenant à un propriétaire en deux droits réel distincts qui vont appartenir à deux personnes différentes, l’usufruit pour l’une et la nue-propriété pour l’autre (A) ; le démembrement peut être établi par la loi ou résulter de la volonté de l’homme, mais dans les deux cas il résultera toujours soit d’une succession ou d’une donation (B).

A) La notion du démembrement

Selon Christian Atias, le droit réel « se contente de réserver la chose ou certains de ses avantages à une ou plusieurs personnes » tandis que le droit personnel « charge une première personne de faire profiter une autre personne de la chose ».

Le propriétaire dispose d’un droit réel sur la chose qu’il détient. Autrement dit, il dispose d’un pouvoir direct sur la chose. Le démembrement de propriété étant le résultat d’un partage de la propriété il est donc par assimilation lui aussi un droit réel.

Le droit de propriété peut faire l’objet d’un démembrement, c’est-à-dire d’une division des prérogatives accordées par ce droit au propriétaire.

Le démembrement de propriété est la séparation d’un seul et même pouvoir en deux droits réels distincts qui sont : l’usufruit et la nue-propriété.

L’article 578 du Code civil définit l’usufruit comme étant « le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance ».

En conséquence, le démembrement de propriété permet d’accorder à une personne (l’usufruitier) l’usufruit d’un bien, c’est-à-dire le droit d’usage et de jouissance et à une autre personne (le nu-propriétaire) le reste de la propriété.

Il n’y a plus une seule et même personne titulaire de toutes les prérogatives de la propriété, mais deux qui se les partagent.

L’usufruit s’éteint au décès de l’usufruitier. Ainsi au décès de l’usufruitier le démembrement cessera et la pleine propriété se reconstituera sur la tête du nu-propriétaire.

B) Les sources du démembrement

L’article 579 du Code civil dispose que l’usufruit peut être établi « par la loi, ou par la volonté de l’homme ».

Le démembrement peut avoir deux origines : une succession (1) ; ou bien une donation (2).

1. Lors d’une succession

Lors d’une succession il peut y avoir deux types de démembrement : l’usufruit légal et l’usufruit testamentaire.

L’usufruit légal est l’usufruit établit au décès de l’un des conjoints au profit du conjoint survivant en application de l’article 757 du Code civil en vertu duquel « si l’un des époux laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l’usufruit ou la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des époux et la propriété du quart en présence d’un ou de plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux ».

L’usufruit testamentaire est l’usufruit qui résulte d’un testament ou d’une donation au dernier vivant entre époux. Ici le démembrement ne se produit qu’au décès du disposant.

2. Lors d’une donation

L’usufruit peut résulter de la volonté du propriétaire d’anticiper sa succession en organisant à l’avance le démembrement de propriété et ainsi permettre à ses héritiers lors de sa succession de payer moins de droits de succession. Il peut être donné la nue-propriété, l’usufruit mais aussi le droit d’usage et d’habitation.

Le plus souvent, c’est la donation de la nue-propriété à ses héritiers qui est pratiquée et le donateur se réserve l’usufruit du bien, c’est-à-dire le droit de pouvoir continuer à habiter le bien aussi longtemps que le donateur est en vie.

II) L’évaluation des droits démembrés

La valorisation du démembrement est l’étape qui consiste à évaluer financièrement la part détenue par chacun. En effet, en pleine propriété le bien vaut une certaine somme mais une fois qu’il est démembré sur quoi doit-on se baser pour évaluer le prix de l’usufruit d’un côté et celui de la nue-propriété de l’autre ?

L’évaluation du prix de l’usufruit et de la nue-propriété se fait en application de l’article 669 du CGI qui détermine la répartition de la valeur entre les deux droits par rapport à l’âge de l’usufruitier.

« Article 669 du CGI
– Modifié par Loi – art. 28 JORF 31 décembre 2003
– Modifié par Loi 2003-1311 2003-12-30 art. 19 1° Finances pour 2004 JORF 31 décembre 2003
I. – Pour la liquidation des droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière, la valeur de la nue-propriété et de l’usufruit est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière, conformément au barème ci-après :

Pour la liquidation des droits d'enregistrement et de la taxe de publicité foncière

Pour déterminer la valeur de la nue-propriété, il n’est tenu compte que des usufruits ouverts au jour de la mutation de cette nue-propriété.

II. – L’usufruit constitué pour une durée fixe est estimé à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans de la durée de l’usufruit, sans fraction et sans égard à l’âge de l’usufruitier. »(4)

Ainsi si par exemple le donateur cède l’usufruit de son bien d’une valeur de 500 000 € à sa femme qui à 65 ans et la nue-propriété à son fils âgé de 21 ans dans ce cas la valeur de l’usufruit est de 500 000 € x 40 % = 200 000 €.

La valeur de la nue-propriété est de 500 000 € x 60 % = 300 000 €.

Donc si l’usufruitier est redevable de taxes c’est sur l’assiette de 200 000 € que sera calculé le montant des taxes dues.

2 DDH, 3 sept 1789, art 17, « la propriété étant un droit inviolable et sacré … ».
3 Cass. Req, 12 juillet 1905 Le Cohu c/ Morvan.
4 Article 669 du CGI legisfrance.

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