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Section 1 : La création d’un fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic et de soins

§1. Une intervention limitée

Pour remédier aux insuffisances de la couverture d’assurance exposées auparavant, a été créé un Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic et soins, prenant effet à compter du 1er janvier 2012. Ce fonds, destiné uniquement aux professionnels de santé exerçant à titre libéral, repose sur un mécanisme de mutualisation entre l’ensemble de ces professionnels et s’accompagne d’un relèvement du plafond minimal obligatoire des garanties d’assurance. En effet, le fonds est intégralement financé par une contribution obligatoire à la charge de tous les professionnels de santé libéraux soumis à l’obligation d’assurance et non pas seulement les praticiens les plus exposés. Toutefois, la contribution est modulée en fonction de la profession exercée(159).

L’intervention de ce fonds de garantie est limitée à plusieurs niveaux.

Tout d’abord quant à l’origine du dommage, ce dernier doit être consécutif à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins susceptible d’engager la responsabilité civile du professionnel de santé selon les règles de l’article L.1142-1 I du Code de la santé publique. Des divergences d’interprétation sont apparues opposant une conception stricte qui exclut les actes non thérapeutiques tels que la chirurgie esthétique de confort ou encore les actes médicaux à finalité culturelle comme la circoncision(160) à une conception plus large du texte qui plaide le contraire(161).

Pour des raisons d’équité et pour éviter les difficultés de détermination de la frontière entre les actes thérapeutiques ou ceux qui n’en sont pas il semblerait plus opportun de soumettre ces derniers au dispositif.

D’autre part, l’intervention du fonds de garantie se limite à la couverture de la responsabilité civile des professionnels de santé, médicaux ou paramédicaux, à la condition qu’ils exercent leur activité à titre libéral. En d’autres termes sont exclues du dispositif les personnes morales telles que les établissements de santé qui pourraient voir leur responsabilité engagée du fait de l’un de leurs praticiens. Cela s’explique par le fait que le fonds de garantie a vocation à protéger les praticiens les plus exposés au risque de devoir prendre en charge l’indemnisation sur leur patrimoine personnel et donc au risque de ruine.

Enfin l’indemnisation par le fonds de garantie n’est possible qu’en cas d’épuisement ou d’expiration de la couverture d’assurance. En effet, ce dispositif a été mis en place dans le dessein de combler les lacunes du régime d’indemnisation subsidiaire créé par la loi du 4 mars 2002.

§2. Un correctif attendu du régime d’indemnisation subsidiaire

Comme vu précédemment il subsiste dans le régime d’indemnisation subsidiaire assuré par l’ONIAM des trous de garantie résultant soit de l’épuisement de la couverture d’assurance soit de l’expiration de celle-ci.

C’est pour apporter des réponses à ces problèmes de discontinuité de garantie, que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a mis en place le fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins(162).

Pour combler les lacunes en matière d’épuisement de la couverture assurantielle, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 s’est employée à généraliser la substitution sans recours récursoire à l’encontre du professionnel de santé. Pour cela, le récent article L.1142-21-1 du Code de la santé publique a été abrogé et remplacé par le nouvel article L.426-1 qui prévoit désormais que « lorsqu’un dommage consécutif à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins engage la responsabilité civile d’un professionnel de santé exerçant à titre libéral, le nouveau fonds de garantie a vocation à prendre en charge, sans possibilité d’action récursoire contre le praticien, le montant de l’indemnisation des préjudices subis par la victime ou ses ayants droit en cas de décès, pour la part supérieure au plafond légal ou s’il est supérieur à celui-ci, au plafond conventionnel ».

Le principal apport de ce texte est la suppression du recours récursoire contre le praticien responsable. Par cette disposition ce dernier n’est plus tenu de rembourser les sommes versées par le fonds au-delà du plafond sur son patrimoine personnel ce qui a le mérite d’éviter le risque de ruine.

Cette nouvelle disposition a aussi l’avantage d’élargir le champ d’application de la substitution du fonds. En effet, elle joue dès lors que les dommages engagent la responsabilité civile professionnelle du médecin libéral et ce quelle que soit la procédure applicable: amiable ou juridictionnelle. De surcroit, le dispositif vise les actes médicaux de prévention, de diagnostic et de soins et pas seulement les actes liés à la naissance.

Dans le cadre de la procédure de règlement amiable devant les CRCI, l’ONIAM est substitué à l’assureur en cas d’épuisement de la garantie d’assurance. Or, il est prévu à l’article L.1142-15 al.4 du Code de la santé publique que l’ONIAM est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime, contre la personne responsable, son assureur ou désormais le fonds. Il semblerait logique que dans ce cas précis d’épuisement de la garantie l’ONIAM s’adresse au fonds pour obtenir le remboursement des sommes versées.

Dans le cadre de la procédure juridictionnelle, c’est le fonds de garantie qui prendra directement en charge le dépassement du plafond de la couverture d’assurance.

En ce qui concerne le problème de l’expiration du délai de validité de la couverture d’assurance, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a œuvré pour faire disparaître le trou de garantie qui subsistait.

L’article L. 426-1 du Code des assurances prévoit qu’en cas d’expiration de la garantie d’assurance, le fonds de garantie prend en charge l’intégralité des indemnisations à la charge du professionnel de santé déclaré responsable, sans pouvoir exercer de recours récursoire à son encontre. La seule limite exigée est celle obligeant le professionnel de santé à rembourser le montant de la franchise éventuellement prévue dans le contrat d’assurance.

Cette disposition s’applique aussi bien dans le cadre d’une procédure juridictionnelle que dans celui de la procédure de règlement amiable.

Pour tenir compte de la prise en charge par le fonds des cas d’expiration de la garantie le législateur a pris le soin de clarifier ou de compléter certaines dispositions du code de la santé publique. Ainsi, dans le cadre de la procédure de règlement amiable, l’article L.1142-15 du Code de la santé publique a expressément élargit le champ d’application de la substitution de l’ONIAM aux cas d’expiration de la couverture assurantielle. Ce dernier dispose alors d’un recours récursoire contre le fonds de garantie qui lui n’a pas de recours contre le médecin.

Dans le cadre de la procédure juridictionnelle, le nouvel article L.1142-21 III du Code de la santé publique prévoit expressément que lorsque le juge estime que les dommages sont imputables à un professionnel de santé libéral et que le délai de validité de sa couverture d’assurance est expiré, le fonds est appelé à prendre en charge l’intégralité de l’indemnisation du praticien quel que soit sa spécialité. Il est toujours privé de tout recours.

159 Art. L.426-1 II du C. ass: elle est comprise entre 15 et 25 euros
160 CORMIER C. « La chirurgie esthétique », RDSS, 2002, p.725
161 PENNEAU, D. 2009, chron. 1302
162 ARHAB-GIRARDIN F., « la création d’un fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins », RDSS, 2012, p.883

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