Les dommages matériels doivent être distingués des dommages immatériels. Le dommage matériel consiste en « tout préjudice pécuniaire résultant de toute détérioration ou destruction d’une chose ou substance, toute atteinte physique à des animaux(215)». Les dommages immatériels résultent quant à eux de la privation de jouissance d’un droit, de l’interruption d’un service rendu par une personne ou par un bien meuble ou immeuble, ou de la perte d’un bénéfice (définition de l’Auxiliaire). Ces derniers peuvent être consécutifs à un dommage corporel ou matériel garanti.
Or, les dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel mettant en cause la responsabilité décennale du fabricant d’EPERS ne relèvent pas de la garantie d’assurance obligatoire (§1). La couverture de ces dommages peut faire l’objet d’une garantie complémentaire facultative dont nous étudierons l’objet (§2) et le fonctionnement (§3).
§1) L’exclusion des dommages immatériels du domaine de l’assurance obligatoire décennale de base
Nous avons vu précédemment que l’assurance de responsabilité civile décennale ne couvre que les dommages matériels. En effet, les constructeurs et fabricants d’EPERS sont responsables des dommages à l’ouvrage, et l’article A 243-1 annexe 1 du Code des assurances dispose que les travaux de réparation de l’ouvrage sont pris en charge. Dès lors, les dommages immatériels consécutifs aux dommages matériels garantis ne sont pas couverts(216). Selon Michel Périer il est possible de s’interroger sur l’exclusion des dommages immatériels consécutifs du domaine de l’assurance obligatoire dans la mesure où ils constituent une aggravation des dommages matériels garantis(217).
La garantie des dommages immatériels est donc facultative et il est possible que les assureurs la prévoient dans leurs contrats à titre complémentaire. Il convient alors d’étudier l’objet de cette garantie.
§2) L’objet de la garantie complémentaire facultative
Dans les conditions générales « Responsabilité professionnelle des fabricants et négociants de matériaux de construction », le groupe CAMACTE a inséré cette garantie complémentaire, qui est ici non optionnelle, rédigée de la façon suivante : « la Société garantit également l’assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité qu’il peut encourir du fait des dommages immatériels subis par l’entrepreneur, le propriétaire ou l’occupant de l’ouvrage et résultant directement d’un risque garanti (c’est-à-dire résultant d’un dommage mettant en cause la responsabilité décennale ou biennale du fabricant d’EPERS) ». Sont donc pris en charge les dommages immatériels consécutifs.
L’Auxiliaire propose également une telle garantie dans les conditions générales « Responsabilité professionnelle des négociants et fabricants en matériaux de construction », laquelle aura vocation à couvrir les dommages immatériels consécutifs, mais aussi les dommages matériels et corporels faisant suite à un dommage garanti.
§3) Le fonctionnement de la garantie
La garantie des dommages immatériels consécutifs à des dommages relevant de la responsabilité décennale étant facultative, ses modalités de fonctionnement sont distinctes de celles observées à propos de l’assurance décennale obligatoire. Il en est ainsi concernant la franchise et les plafonds de garantie (A) ainsi que la garantie dans le temps (B).
A) La franchise et les plafonds de garantie
Il est admis, à l’inverse de ce qui est prévu dans la clause type applicable à l’assurance décennale obligatoire, que la franchise est opposable au bénéficiaire de l’indemnité(218), c’est-à-dire au maître de l’ouvrage qui a engagé la responsabilité du fabricant/négociant de matériaux de construction. De même, l’assureur peut prévoir des plafonds de garantie également opposables au tiers victime(219).
B) La garantie dans le temps : l’application de la loi de sécurité financière
La loi de sécurité financière du 1er août 2003 est applicable à la garantie des dommages immatériels consécutifs. Comme ceci a été vu précédemment, la garantie couvrant les personnes physiques dans le cadre de leur activité professionnelle peut être gérée soit en base réclamation, soit en base fait dommageable. L’Auxiliaire et le groupe CAMACTE ont choisi de gérer la garantie en question en base réclamation. La réclamation doit donc avoir eu lieu entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent. L’assureur ne reprend que le passé inconnu de l’assuré à la date de la souscription du contrat.
Une dernière garantie complémentaire a vocation à être délivrée aux fabricants/négociants de matériaux de construction : il s’agit de la garantie de bon fonctionnement.
215 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2330
216 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°3552; KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed. Lexis Nexis, 2011, p. 688 ; PERIER (M.), Risques et assurances construction, L’Argus de l’assurance, 2012, p. 352
217 PERIER (M.), Risques et assurances construction, L’Argus de l’assurance, 2012, p. 352
218 Cass. 1è civ., 25 févr. 1992, n° 89-12.138, Bull. civ. 1992, I, n°63; KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed. Lexis Nexis, 2011, p. 689 ; PERIER (M.), Risques et assurances construction, L’Argus de l’assurance, 2012, p. 352
219 Cass. 1è civ., 30 mars 1994, n° 91-17.863, Bull. civ. 1994, III, n° 67