Il convient de distinguer le retrait des produits du rappel des produits. Le retrait vise les produits qui ne sont pas encore mis en circulation. Le rappel concerne ceux qui se trouvent en possession du consommateur final. Toutefois, les auteurs n’effectuent guère cette distinction de sorte que nous utiliserons une seule expression : celle de frais de retrait(200).
Le retrait des produits du marché intervient dans un souci de protection de la santé et de la sécurité du consommateur. A ce titre, plusieurs textes organisent ce retrait, par exemple les lois Scrivener du 10 janvier 1978 et Lalumière du 21 juillet 1983 qui posent le principe général d’une obligation de sécurité du vendeur et prévoient une procédure classique de retrait par décret en Conseil d’Etat ainsi qu’une procédure d’urgence (par arrêté ministériel) permettant le retrait des produits mais aussi leur destruction. La directive européenne du 3 décembre 2001 transposée en France par les ordonnances du 9 juillet 2004 et du 22 août 2008 met également en place une procédure de retrait. Ainsi, l’article L 221-3 du Code de la consommation dispose que des décrets en Conseil d’Etat « peuvent ordonner que ces produits soient retirés du marché ou rappelés en vue de leur modification, de leur remboursement total ou partiel ou de leur échange, et prévoir des obligations relatives à l’information des consommateurs. Ils peuvent également ordonner la destruction de ces produits lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger ».
Le retrait des produits ne saurait être effectué sans une bonne traçabilité. Il sera impossible de les retirer du marché si le fabricant/négociant ne sait pas où ils se trouvent. Selon la norme NF X50-120, la traçabilité est « l’aptitude à retrouver l’historique, l’utilisation ou la localisation d’un article ou d’une activité ou d’articles et d’activités semblables, au moyen d’une identification enregistrée(201) ». La norme ISO 9000-2000 la définie comme « l’aptitude à retrouver l’historique, la mise en place ou l’emplacement de ce qui est examiné(202) ». La traçabilité permet donc d’identifier les produits. A ce titre, l’article L 221-12 du Code de la consommation énonce les mesures que peut prendre le fabricant, comme l’inscription « sur le produit de l’identité et de l’adresse du producteur, de la référence du produit, ou du lot de produits auquel il appartient» (article L 221-12), ou encore l’inscription d’un code-barres.
Le retrait des produits ayant vocation à intervenir de plus en plus fréquemment et son coût financier pouvant être extrêmement important(203), il apparaît opportun pour le fabricant/négociant de matériaux de construction de souscrire une telle assurance. Nous étudierons successivement le domaine de la garantie (§1), sa mise en oeuvre encadrée par des conditions strictes (§2), ainsi son étendue (§3).
§1) Le domaine de la garantie
L’objet de la garantie des frais de retrait est de rembourser à l’assuré les sommes engagées par lui lors du retrait des produits du marché, dès lors qu’ils ont causé un dommage ou sont susceptibles d’en causer un. Il s’agit d’une assurance de choses qui a vocation à compléter l’assurance de responsabilité civile du fait des produits livrés. D’ailleurs, elle est bien souvent proposée dans le même contrat que l’assurance de base.
L’Auxiliaire ne prévoit pas la possibilité de souscrire une telle garantie dans son contrat « Responsabilité professionnelle des négociants et fabricants en matériaux de construction ». La SMABTP, dans ses conditions générales « ALPHA-BAT Fabricants/Négociants » énonce qu’il s’agit d’une garantie optionnelle pour l’assuré et que son garantis « les frais qui vous pour retirer des circuits de distribution commerciale, et récupérer auprès des détenteurs les produits ou composants objets de l’assurance qui se révèlent, après livraison et avant incorporation à la construction, atteints d’un vice caché ou impropres à leur destination du fait d’une faute de votre part ou des personnes dont vous répondez ». Il est absolument nécessaire que les produits aient été mis en circulation sur le marché. La notion d’incorporation soulevée par la SMABTP n’est pas reprise par le groupe CAMACTE (dans les conditions générales « Responsabilité civile des entreprises industrielles et/ou commerciales »). Le groupe CAMACTE ajoute que les frais engagés pour détruire les produits sont remboursés et insiste sur le fait que les produits doivent être identifiables.
La garantie des frais de retrait concerne les produits, en principe diffusés à grande échelle, présentant un défaut de sécurité et mettant en danger les consommateurs et les utilisateurs(204). Ces produits doivent avoir causé des dommages corporels graves ou être susceptibles d’en causer. Nous retrouvons une certaine notion de menace, d’urgence dont fait bien état CHUBB dans ses conventions spéciales « Responsabilité civile » : sont mentionnés les « dangers de dommages corporels ».
Les garanties du groupe CAMACTE et de la SMABTP sont plus larges car elles englobent les dommages corporels et matériels. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que le produit ait effectivement causé un dommage garanti par le contrat, il suffit qu’il soit susceptible d’en causer un.
§2) La mise en oeuvre de la garantie encadrée par des conditions strictes
Le retrait des produits du marché a un coût certain et il paraît nécessaire pour l’assureur de définir des conditions strictes de mise en oeuvre de la garantie. Nous avons vu précédemment, lors de l’étude des différents textes organisant le retrait, que cette procédure peut résulter de décrets en Conseil d’Etat ou d’arrêté ministériels, et plus généralement de la décision de « l’autorité compétente, administrative ou judiciaire française(205)». Les conditions générales de la SMABTP et du groupe CAMACTE ne reprennent pas ceci pour conditionner la garantie. D’ailleurs le groupe CAMACTE ne pose aucune condition relative à l’origine du retrait. A la lecture de la garantie il est possible de se demander si cet assureur garanti le retrait quel qu’en soit l’origine (l’assuré, un tiers, un fournisseur…). A l’inverse, CHUBB énonce qu’il est nécessaire qu’une injonction de l’autorité publique compétente soit intervenue.
La SMABTP prévoit tout de même que le retrait n’est garanti que si elle a donné son accord sur son principe et ses modalités. Nous en déduisons que le retrait est à l’initiative de l’assuré bien que ceci ne soit pas textuellement précisé. Il est en effet possible pour l’assureur de subordonner la garantie à la prise de décision de retrait par l’assuré(206) (cette assurance est facultative donc les assureurs sont libres de conditionner ou non la garantie).
La question se pose de savoir si les assureurs garantissent le retrait à l’initiative d’un tiers non assuré au contrat c’est-à-dire un revendeur, un grossiste, un fournisseur… Il n’apparaît pas opportun de le permettre dans la mesure où cela conduirait à des abus empreints de considérations commerciales.
Le tiers, s’il est à l’origine du retrait, pourra toutefois solliciter le remboursement des frais engagés auprès du fabricant/négociant de matériaux de construction. Il est très peu probable qu’il obtienne satisfaction dans la mesure où les frais de retrait ne semblent pas être des dommages immatériels consécutifs ayant vocation à être pris en charge par l’assureur de responsabilité après livraison du fabricant(207).
§3) Etendue de la garantie
La garantie des frais de retrait des produits du marché étant facultative, l’assureur dispose d’un libre choix quant aux frais garantis (A) et ceux exclus (B).
A) Le libre choix de l’assureur quant aux frais garantis
Selon Jérôme Kullmann, Francis Chaumet et Constant Eliasberg, la garantie des frais de retrait des produits livrés est susceptible de couvrir les frais suivants : « les frais de communication et d’annonce de l’opération de retrait (afin que le public soit informé de la dangerosité des produits); de repérage et de recherche des produits; de notification aux distributeurs ou revendeurs; les frais de retrait proprement dits c’est-à-dire les frais d’extraction, de dépose, de démontage, d’acheminement vers le lieu le plus proche où leur isolement peut être effectué au moindre coût; les frais de main d’oeuvre et de location de matériel; de stockage; de destruction des produits (lorsque celle-ci est nécessaire afin de mettre un terme au trouble causé)(208) ».
L’assureur n’est pas contraint de couvrir tous ces frais et peut choisir de prendre en charge certains d’entre eux seulement. Par exemple, les conditions générales du groupe CAMACTE ne visent pas les frais de dépose. Quant à la SMABTP, sa garantie porte exclusivement sur les frais de main d’oeuvre, de transport ou de réexpédition, de notification aux distributeurs ou détenteurs relatifs au retrait. Il semble que les frais d’extraction, de dépose et démontage ne sont pas pris en charge.
B) Le libre choix de l’assureur quant aux frais exclus
Il existe des exclusions spécifiques à la garantie des frais de retrait. Le but de cette garantie est de faire cesser une atteinte à la sécurité des personnes et/ou de la prévenir. Tous les frais engagés ne rentrent donc pas dans le cadre de cette finalité ultime.
Les frais avancés par l’assuré pour regagner la confiance du public sont traditionnellement exclus. De même, est en principe exclu de la garantie le retrait provoqué par un défaut de performance ou de qualité, par l’erreur de livraison, par des raisons commerciales (notamment lorsque le produit ne présente pas un défaut de sécurité), par la non-conformité avec des dispositions réglementaires ou législatives (dès lors que l’assuré avait connaissance de ce fait). Les frais nécessaires à la réparation et au remplacement du produit ainsi que la baisse de production due à la mobilisation du personnel ne sont également pas pris en charge(209). Il s’agit dans ce dernier cas d’un risque d’entreprise que l’assuré doit supporter, l’assureur n’ayant pas à pallier ses défaillances.
Les assureurs sont libres d’inscrire dans leurs contrats les exclusions qu’ils souhaitent. La SMABTP innove et prévoit que les frais de retrait consécutifs à un changement de normes ne sont pas garantis. Les conditions générales précitées du groupe CAMACTE excluent quant à elles, en plus de certaines exclusions traditionnelles, les frais consécutifs à la contamination criminelle du produit en question.
Après avoir développé le domaine de la garantie, ses conditions de mise en oeuvre et son étendue, quelques remarques s’imposent. Le montant de la garantie est distinct de celui affecté à l’assurance de base de responsabilité civile produits livrés et une franchise conséquente sera applicable. Concernant la garantie dans le temps, les conditions générales du groupe CAMACTE prévoient que les frais garantis sont ceux exposés pour des produits commercialisés pendant la période de validité du contrat, c’est-à-dire entre sa date d’effet et celle de son terme ou sa résiliation. La SMABTP retient la même solution puisque les produits doivent avoir été livrés après la prise d’effet du contrat ou de la garantie. Enfin, la délimitation territoriale de la garantie est importante pour ne pas conduire l’assureur à prendre en charge des frais trop importants. Par exemple, le groupe CAMACTE limite la couverture des frais exposés « dans les pays de l’Union européenne, dans la principauté de Monaco, dans la principauté d’Andorre, en Suisse, Norvège et Islande » alors que la SMABTP vise uniquement la France métropolitaine, les départements d’outre-mer, Andorre et Monaco.
La garantie des frais de dépose et de repose des produits livrés est également intéressante.
200 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n° 2514; CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p. 308
201 Dictionnaire permanent, Editions Législatives, 14 janvier 2011, p. 3398
202 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n° 2529
203 Dictionnaire permanent, Editions Législatives, 14 janvier 2011, p. 3396
204 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n° 2537; BIGOT (J.), L’assurance de la responsabilité civile des fabricants, La responsabilité des fabricants et fournisseurs, Economica, 1975, p. 186
205 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n° 2544
206 Dictionnaire permanent, Editions Législatives, 14 janvier 2011, p. 3397
207 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n° 2535
208 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n° 2545; CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p. 309
209 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n° 2546 ; CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p. 309 et 310 ; BIGOT (J.), L’assurance de la responsabilité civile des fabricants, La responsabilité des fabricants et fournisseurs, Economica, 1975, p. 186 et 187 ; Dictionnaire permanent, Editions Législatives, 14 janvier 2011, p. 3397