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Section 1. La répartition des compétences entre la Communauté et les Etats membres

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§1. Le principe: l’attribution des compétences

Le principe d’attribution régit la répartition des compétences entre les Etats membres et la Communauté en ce sens que cette dernière est titulaire des compétences qui lui sont attribuées, ses activités ne pouvant ou ne devant se déployer que dans les domaines limitativement déterminés par le Traité. En d’autres termes, en tant que personne morale, la Communauté n’a d’autres domaines d’actions que ceux que lui assigne le Traité. Toute organisation internationale est spécialisée dans la mesure où elle tient ses compétences des Etats membres qui n’ont pas renoncé à toute leur souveraineté (101). Il s’en suit qu’une organisation internationale n’a jamais de compétence générale qu’en apparence ; elle a des compétences d’attribution.

Ce principe ressort clairement du Traité (102) et constitue la traduction du principe de spécialité des organisations internationales ou de certains systèmes étatiques de type fédéral. Il peut arriver que les domaines attribués soient plus ou moins nombreux et importants mais on ne se trouve jamais en face d’un champ d’action illimité. Il en résulte qu’à la différence de celles réservées aux Etats membres, les compétences attribuées à la Communauté ne se présument pas (103).

L’attribution des compétences à l’EAC a pour corollaire la limitation des pouvoirs et partant, la souveraineté qui en découle pour les Etats membres. Ainsi, dans la mesure où le pouvoir d’établissement des tarifs douaniers extérieurs communs a été conféré à la Communauté, il n’existe plus dans le chef des Etats membres.

§2. Etendue des compétences communautaires

1. Les compétences exclusives

Les compétences de la Communauté peuvent être exclusives. A cet égard, nous pouvons distinguer d’une part les compétences de caractère institutionnel, c’est-à-dire directement conférés par les textes constitutifs. Elles ont vocation à se substituer aux compétences étatiques et à les exclure par voie de conséquence. C’est notamment le cas du pouvoir d’établissement du tarif douanier extérieur commun ; d’autre part, des compétences progressivement exclusives découlant des développements du droit dérivé en vue de la réalisation des objectifs du Traité. Il n’y a pas de définition « par compréhension » des différentes matières couvertes, mais à l’évidence celles-ci concernent le noyau dur du droit communautaire, l’essence de la Communauté. C’est notamment le cas de la suppression des obstacles à la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et capitaux (104). Il en est de même pour les règles générales de concurrence assurant l’égalité des opérations dans le cadre du marché commun.

De toute manière, la délimitation des compétences exclusives doit être opérée avec tout le bon sens nécessaire. En effet, le dessaisissement ne signifie pas que toute intervention nationale doit être radicalement bannie. Nous pensons que les Etats peuvent continuer à légiférer par exemple en cas de carence d’institutions pour éviter tout vide juridique ou en tous cas si la Communauté l’accepte par voie d’habilitation.

Il est important de souligner à cet égard que, le plus souvent, le droit communautaire se limite à poser les bases d’une action commune ou à fixer impérativement les objectifs à atteindre de telle façon que les compétences nationales subsistent mais qu’elles soient encadrées par des règles du Traité ou du droit dérivé, avec lesquelles elles ne peuvent entrer en conflit (105).

A titre d’exemple, la liberté de circulation des personnes garantie par le Traité et la règle de l’égalité de traitement qui conditionne son effectivité embrassent les matières les plus diverses régies par le droit national y compris celle relevant de la seule compétence des Etats (par ex. la fiscalité directe, le régime de la sécurité sociale,…)

Des observations similaires peuvent être formulées dans les domaines de l’égalité des sexes où un important arsenal législatif touche des matières pour lesquelles la compétence des Etats est incontestable (ex. en matière du droit du travail, régime de sécurité sociale…)

2. Les compétences concurrentes

Les compétences communautaires sont concurrentes lorsque les Etats conservent la compétence de légiférer (compétence transitoire) aussi longtemps et dans la mesure où les autorités communautaires n’ont pas encore agi dans les matières en cause (106). En d’autres termes, les compétences nationales subsistent mais elles sont encadrées par les règles du traité ou du droit dérivé, l’exercice effectif des compétences communautaires excluant progressivement les compétences nationales.

Sont visées toutes les actions à mener, laissant le choix de la date, de l’opportunité ou de l’ampleur des interventions aux institutions. Il s’agit notamment du rapprochement des législations et de la coordination par le biais des institutions des politiques économiques et autres pour atteindre les objectifs de la Communauté au Titre des articles 8 du Traité et 12 du Protocole sur le marché commun.

En réalité, si les compétences communautaires sont exercées, elles deviennent exclusives, en ce sens qu’elles privent les Etats membres d’une compétence qu’ils pouvaient exercer auparavant à titre transitoire. Toutefois, dans le respect des bornes qui viennent d’être mises en évidence, il n’est pas exclu qu’une compétence de la Communauté puisse coexister avec celle des Etats membres.

C’est ainsi qu’en matière d’éducation et de formation, la Communauté et les Etats membres pourront prendre des mesures concertées pour encourager la coopération dans ce domaine (107). Des dispositions similaires existent en matière de l’environnement et de gestion des ressources naturelles (108). C’est le sens des compétences conjointes ou partagées.

§3. Les correctifs au principe d’attribution des pouvoirs

1. Pouvoirs implicites

Outre les pouvoirs visés à l’article 4 du Traité, les institutions de la Communauté ont des compétences non écrites en vertu de la théorie des Implied powers. Suivant cette théorie du droit international appliqué au droit communautaire, le pouvoir conféré à une institution communautaire l’habilite simultanément à prendre des mesures qui ne sont pas expressément prévues dans le Traité mais qui sont indispensables pour garantir l’exercice efficace et judicieux de ce pouvoir.

Contrairement aux compétences subsidiaires prévues par le Traité (109) et qui sont tirées des objectifs du de la Communauté, celles-ci sont tirées des compétences déjà existantes de la Communauté dont elles assurent l’exercice.

Le principe d’attribution qui règle la compétence de la Communauté pourrait conduire à considérer que les compétences de cette dernière ne peuvent qu’être explicites, en d’autres termes résulter d’attributions expresses par le Traité. Il s’agirait là d’une interprétation restrictive du principe d’attribution de compétences plus dommageable d’ailleurs pour la construction communautaire et qui doit être associée à une interprétation finaliste fondée sur l’objet et le but du Traité. Cela conduit à affirmer avec L. DELBEZ (110) que les normes établies par un Traité ou une loi impliquent les normes sans lesquelles les premières n’auraient de sens ou ne permettraient pas une application raisonnable et utile, de sorte que la compétence de la Communauté pour agir dans un domaine déterminé résulte non seulement d’une attribution par des dispositions du Traité mais aussi implicitement de l’économie et du système du Traité.

De toute manière, quoique la Cour n’ait pas encore rendu des arrêts relatifs à cette théorie, nous pensons que les compétences de la Communauté en matière des relations extérieures n’en constituent pas mains une hypothèse éloquente dans la mesure où le Traité n’a pas prévu expressément des compétences en la matière (par exemple dans les domaines des relations avec les organisations internationales ainsi que pour la conclusion des accords internationaux). Le Traité se limite uniquement à déclarer de manière générale que la Communauté a une personnalité juridique internationale (111).

Même si le Traité n’a pas prévu une compétence expresse pour la conclusion des Traités et autres accords internationaux, cela ne devrait pour autant pas compliquer les choses. En principe, la compétence d’une organisation internationale pour conclure un accord peut non seulement résulter d’une attribution explicite par le Traité mais également de manière implicite de ses dispositions ; et très logiquement, la compétence de la Communauté au plan international découle de sa compétence au plan interne.

2. Pouvoirs subsidiaires

Les pouvoirs spécialement conférés par le Traité instituant la Communauté ne suffisent pas pour atteindre les objectifs pourtant concrètement définis (112). Pour combler cette lacune, l’article 4 §2 du Traité prévoit que « la Communauté a le pouvoir d’exercer toutes les fonctions que lui assigne le Traité y compris d’emprunter tout ce qui est nécessaire ou souhaitable pour ses fonctions ». Les articles 75 et 76 donnent également au Conseil des pouvoirs similaires qu’ils renvoient de façon générale à une action qui est nécessaire à l’administration de l’union douanière et/ou du marché commun (113).

Ces pouvoirs concernent les activités qui n’ont pas été expressément prévues par les textes constitutifs, mais qui apparaissent nécessaires ou indispensables pour réaliser les objectifs visés. Les dispositions en la matière ne confèrent cependant aucune compétence générale (pour les tâches non couvertes par les objectifs du Traité). De même, les dispositions ne confèrent pas à la Communauté le pouvoir d’étendre ou élargir ses compétences au détriment des Etats membres. Cela permet aux institutions de la Communauté d’avoir la possibilité de disposer des pouvoirs d’action subsidiaires et supplémentaires leur permettant d’atteindre les objectifs du Traité qui relèvent de la compétence de la Communauté. Cependant, cette possibilité est astreinte et certaines conditions entre autre : l’action doit tendre à « réaliser un des objectifs de la Communauté », elle doit également être nécessaire ou souhaitable (114).

Cette dernière condition relève d’une appréciation largement discrétionnaire. A ces deux exigences, nous pensons qu’il faut ajouter une autre condition non explicitée dans les dispositions communautaires mais qui, à notre sens paraît très importante : il faut que le Traité n’ait pas prévu des pouvoirs d’action à cet effet. C’est non seulement lorsque tout pouvoir d’action fait défaut mais également si les pouvoirs existent mais sont jugés insuffisants.

101 C.CHAUMONT, La signification du principe de spécialité des organisations internationales, Mélanges Rollin, Editions Pédone, 1964, pp.55-66.
102 Le paragraphe 4 de l’article 9 dispose que les organes et institutions de la Communauté exerceront leurs activités dans les limites des pouvoirs que leur confère le Traité.
103 D.LASOK, The institutional framework of the Community, Bruylant, Bruxelles, 1981, p.68.
104 Voir les articles 3,13 et 24 du protocole sur le Marché commun
105 V.-R. ISEAN, op.cit. p.123.
106 V.-R. ISEAN, op.cit. p.155
107 Voir article 102 du Traité.
108 Voir article 111 du Traité.
109 Voir l’art.4 du traité
110 L.DELBEZ, Les principes généraux du doit international public, 3è éd., Paris, L.G.D.J., 1964, p.29
111 Voir article 138 du Traité.
112 L’article 5 du Traité énumère les différents objectifs de la Communauté.
113 Le Marché Commun est l’un des objectifs du Traité.
114 voir l’article 4,§2 du traité

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