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Section 1 : La responsabilité délictuelle

ADIAL

Le fabricant ou négociant de matériaux de construction est susceptible d’engager sa responsabilité délictuelle du fait de ses matériaux à l’égard des constructeurs qui ne les ont pas achetés. Dans ce cas, le maître de l’ouvrage contracte directement avec le fabricant pour l’achat des produits et s’adresse à l’entrepreneur pour les mettre en oeuvre. La responsabilité est également délictuelle à l’égard de l’architecte(93). Il en sera de même envers des voisins par exemple.

Le recours de ces tiers contre le fabricant/négociant sera fondé soit sur la responsabilité issue des articles 1382 et 1383 du Code civil (§1), soit sur la responsabilité du fait des choses, le fabricant étant alors considéré comme gardien de la structure de la chose (§2).

§1) La responsabilité issue des articles 1382 et 1383 du Code civil

Les articles 1382 et 1383 du Code civil posent les trois conditions de la responsabilité délictuelle du fait personnel lesquelles doivent être réunies cumulativement: un fait générateur, un préjudice et un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice.

Les faits générateurs sont de deux ordres. L’article 1382 du Code civil fait référence à la notion de faute (comportement volontaire sans intention malveillante) : celui qui, par sa faute, cause un dommage à autrui, doit le réparer. L’article 1383 du Code civil vise quant à lui la faute d’imprudence ou de négligence(94). La faute, appréciée in abstracto, sera constituée par la violation d’une norme de conduite et résultera d’un acte positif (par exemple violation d’une loi, d’une règle de sécurité) ou d’une abstention.

La Cour de cassation a simplifié la preuve de la faute lorsque la responsabilité des fabricants est recherchée. Elle a énoncé que la faute est caractérisée dès lors que le fabricant a mis en circulation un produit défectueux qui a causé un dommage à un tiers. Ce dernier se contentera de prouver la mise en circulation, son préjudice et lien de causalité(95). Toutefois, il n’est pas possible de déduire que le défaut du produit vendu est constitutif d’une faute si la responsabilité en cause est celle du simple négociant. Le fait générateur peut aussi résulter du non-respect par le vendeur de l’obligation de sécurité mise à sa charge. A l’origine contractuelle, cette obligation a été étendue au domaine délictuel par l’arrêt de la Cour de cassation en date du 17 janvier 1995(96).

Dans un arrêt en date du 6 octobre 2006, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a pu juger à propos du fait générateur que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». Dès lors, le tiers disposera de la faculté d’invoquer un manquement aux devoirs d’information et de conseil du vendeur, lesquels constitueront la faute du fabricant.

Concernant les préjudices, ceux-ci doivent être personnels, certains, directs et peuvent être patrimoniaux ou extrapatrimoniaux. Le constructeur qui n’a pas acquis les matériaux peut par exemple subir un préjudice lorsqu’il aura été condamné à indemniser le maître de l’ouvrage du fait de la défectuosité de ces matériaux.

Enfin, la dernière condition requise afin que la responsabilité d’une personne soit retenue est qu’il doit exister un lien de causalité certain entre le fait générateur et le dommage.

La responsabilité du fabricant/négociant de matériaux de construction ne pourra être engagée que si les trois conditions précitées sont réunies. Il disposera de moyens d’exonération en cas de force majeure, laquelle doit présenter les caractères d’imprévisibilité, extériorité, irrésistibilité, ou de faute du tiers.
La personne étrangère au contrat de vente initial aura également la possibilité d’agir contre le fabricant/ négociant sur le fondement de la responsabilité du fait des choses.

§2) La responsabilité du fait des choses : le fabricant gardien de la structure de la chose

Le principe de la responsabilité du fait des choses est énoncé à l’article 1384 alinéa 1 du Code civil et signifie que l’on est responsable des dommages causés par une chose que l’on a sous sa garde. La notion de chose est ici très large puisque toute chose peut causer un dommage, qu’elle soit dangereuse ou non, viciée ou non, actionnée par la main de l’homme ou non, meuble ou immeuble, solide, liquide…à l’exclusion des choses abandonnées ou sans maître. Les matériaux et produits de construction peuvent entrer dans le champ d’application de cet article.

Concernant la notion de fait de la chose qui doit avoir été l’instrument du dommage, une distinction est opérée. Si la chose est en mouvement et est entrée en contact avec la victime, la Cour de cassation présume le rôle actif de la chose. A l’inverse, si la chose est inerte, la victime doit prouver sa position anormale ou son comportement anormal(97).

La notion centrale de la responsabilité du fait des choses est celle de garde. En effet, seul le gardien de la chose peut être reconnu responsable des dommages causés. Le principe est que la garde est alternative c’est-à-dire qu’il existe un seul gardien de la chose et le propriétaire de la chose est présumé en être le gardien. La notion de garde a été précisée par l’arrêt dit « Franck » de la Cour de cassation selon lequel il s’agit du pouvoir d’«usage, de la direction et du contrôle de la chose (98)».

Dès lors, il semble que la responsabilité du fait des choses des fabricants/négociants de produits de construction ne puisse pas être recherchée. En effet, une fois que les produits de construction ont été livrés et que le transfert de propriété a été effectué, le fabricant/négociant ne dispose en principe plus de la garde de la chose.

Mais c’était sans compter la distinction opérée par la Haute juridiction entre garde de la structure et garde du comportement dans son très célèbre arrêt dit « Oxygène liquide »(99) à propos des choses dangereuses dotées d’un dynamisme propre (choses susceptibles d’exploser ou de nature corrosive par exemple). Le fabricant est alors considéré comme gardien de la structure de la chose et doit répondre des dommages causés par les vices internes de cette chose. La personne à qui la chose a été livrée, dans notre cas l’acquéreur, est responsable de l’utilisation de la chose puisqu’il est gardien de son comportement. Il s’agit d’un régime de responsabilité objective et l’acquéreur n’a pas à prouver la faute du gardien de la structure.

L’avenir de cette distinction paraît aujourd’hui incertain du fait de la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux qui permet de rechercher la responsabilité des fabricants.

Les tiers au contrat de vente initial peuvent invoquer les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil tous relatifs à la responsabilité délictuelle. Mais certains tiers un peu particuliers ont la faculté d’agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle contre le fabricant/négociant de matériaux de construction. Ce sera le cas dans certaines chaînes de contrats.

93 KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed. Lexis Nexis, 2011, p. 272 et 282 ; CASTON (A.), La responsabilité des constructeurs, 6è ed. Moniteur, 2006, p.411
94 PORCHY-SIMON (S.), Les obligations, 6è ed, Hypercours, 2010, p.309 et 310
95 Cass. 1è civ., 18 juill. 1972, n°70-10 ;870, Bull. civ. I, n°189
96 VEAUX-FOURNERIE (P.) et VEAUX (D.), L’obligation de sécurité dans la vente, Juris Classeur, 2002, p.22
97 Cass. 2è civ., 24 févr. 2005, Bull. civ. II, n°51 et 52, RTD civ. 2005. 407
98 Ch. réun., 2 déc. 1941, GAJC, vol. 2, n°200
99 Cass. 2è civ., 5 janv. 1956, JCP 1956, II. 9095 ; Dictionnaire permanent, Editions Législatives, 14 janvier 2011, p.3354 et 3843 ; ELIASHBERG (C.), Risques et assurances de responsabilité civile, 5è ed, L’Argus de l’assurance, 2006, p. 244

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