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Section 1 : La soumission aux droits de mutation à titre gratuit

La transmission d’une partie de son patrimoine à titre gratuit par le biais de libéralités
pose systématique et très rapidement le problème de la lourdeur de son coût fiscal. En effet, la
fiscalité applicable aux libéralités est importante, notamment par comparaison de la fiscalité
applicable aux contrats d’assurance vie(83). En effet, par comparaison entre la fiscalité
applicable aux contrats d’assurance vie et la fiscalité applicable aux libéralités/donations, on
constate que les fiscalités applicables à ces deux opérations diffèrent assez fortement.

L’un des enjeux à la qualification de l’attribution bénéficiaire d’un contrat d’assurance soit
d’assurance vie soit de libéralité est donc la fiscalité qui sera applicable à cette opération.
Dans la majorité des cas, le régime fiscal applicable aux libéralités est similaire au
régime fiscal applicable aux successions. Mais, le régime fiscal applicable aux libéralités peut
cependant présenter des particularités.

Il est important de rappeler qu’une stipulation pour autrui, à titre gratuit ne peut être
qualifiée de manière certaine de donation qu’à partir du moment où le bénéficiaire en a
accepté le bénéfice, c’est à cette condition que l’acte sera soumis aux droits de mutation à titre
gratuits applicables aux libéralités. Comme nous l’avons mis en évidence préalablement dans
notre étude, la requalification d’un contrat d’assurance vie souscrit à titre gratuit au profit
d’un tiers bénéficiaire, avec dénouement en cas de décès, et plus précisément l’attribution
bénéficiaire que ce contrat permet en donation indirecte n’est certaine que lorsque le
bénéficiaire a accepté le bénéfice de ce contrat. Cependant dans certains arrêts(84), la Cour de
Cassation a pu admettre la requalification en donation indirecte en dehors de toute acceptation
par le tiers bénéficiaire car l’irrévocabilité de la donation était quand même constatée.

Par ailleurs, une donation ne sera soumise aux droits de mutation à titre gratuit qu’à
condition qu’elle rentre dans le champ d’application de cette fiscalité(85).

La détermination des droits de succession comporte essentiellement deux étapes
importantes. Tout d’abord, il faut appliquer un abattement dont le montant diffère selon le
degré de parenté entre défunt/donateur et le bénéficiaire de la libéralité. Par la suite, la
seconde étape consiste à soumettre la part nette taxable revenant au bénéficiaire de la
libéralité au tarif des droits de mutation à titre gratuit.

Le calcul des droits de donation doit, avant tout chose, débuter par la détermination de
l’assiette de ces droits. L’assiette de ces droits est déterminée en évaluant les biens donnés
mais, contrairement aux droits de succession, il ne faut pas en déduire les charges et les dettes.

C’est donc la valeur brute des biens donnés qui constitue l’assiette des droits de donation. Une
fois cette assiette des biens donnés déterminée, il faut appliquer un abattement qui est fonction
du lien de parenté qui existe entre le donateur et le donataire(86). En effet, plus le lien de parenté
entre le donateur et le donataire est proche, plus l’abattement sera élevé. Lorsque l’on
applique l’abattement adapté à la valeur brute des biens donnés, on obtient un montant qui est
égal à la part taxable. En effet, cette part obtenue, arrondie à l’euro le plus proche, sera
soumise aux droits de mutation à titre gratuit. Il est à noter que les tarifs des droits applicables
en matière de droit de succession sont applicables également pour le calcul des droits de
donation(87).

C’est un impôt qui s’applique par tranche, c’est donc un impôt progressif dont les
tranches sont actualisées tous les 1er janvier de chaque année. Ces tranches sont fonction de
l’importance de la valeur des biens donnés. Plus la valeur des biens donnés est importante,
plus le tarif applicable (en pourcentage) sera important. Une fois que le pourcentage
correspondant à la tranche dans laquelle la valeur des biens donnés se trouve aura été
appliqué, il faudra enfin retrancher une somme déterminée qui est, elle aussi, fonction de la
tranche dans laquelle se trouve la valeur des biens donnés pour déterminer le montant des
droits de donation qui seront à la charge du donataire.

Cependant, il existe une différence des tarifs applicables entre les droits de succession et
les droits de donation. En effet, cette différence concerne les époux et les partenaires pacsés car
comme ils sont exonérés de droits de mutation par décès, le tarif des droits qui leur est applicable
pour les droits de donation a été créé de manière spécifique pour cette circonstance(88).

Logiquement, selon nous, les contrats d’assurance vie en cas de décès souscrits à titre
gratuit au profit d’un tiers bénéficiaire seront soumis à cette fiscalité lorsqu’ils auront été
requalifiés par les juridictions, suite à un contentieux, en donation indirecte. Cependant, il est
à noter que certains auteurs pensent, au contraire, que cette requalification en donation
indirecte, qu’ils préfèrent nommer de « déqualification » de contrat d’assurance vie, n’a
aucune incidence directe en matière de fiscalité applicable. Pour argumenter leur position, ils
font valoir que le principe de non imposition des contrats d’assurance vie (plus précisément la
fiscalité des contrats d’assurance vie prévue aux articles 757 B et 990 I du CGI) s’appliquent
toujours à ces contrats même lorsque ces derniers sont déclarés par les juridictions, en cas de
contentieux, ne pas être soumis aux articles L132-12 et L132-13 du Code des assurances.

Ces auteurs fondent leur opinion sur la réponse ministérielle Loos de 2001(89). Nous ne partageons
pas cet avis et pensons que lorsqu’un contrat d’assurance vie souscrit à titre gratuit au profit
d’un tiers bénéficiaire et se dénouant lors du décès du souscripteur/assuré est requalifié en
donation indirecte, il doit être soumis à la fiscalité des donations et non plus à la fiscalité
avantageuse dont bénéficient les contrats d’assurance vie(90). En effet, comme nous l’avons vu
précédemment, les qualifications d’assurance vie et de libéralités sont exclusives l’une de
l’autre ce qui signifie que lorsqu’un contrat d’assurance vie est requalifié en libéralité et/ou en
donation indirecte, il y a une substitution de ces qualifications et le régime juridique et fiscal
des assurances vie est remplacé par celui des libéralités.

86 Cf Annexe 10 : Montant des abattements applicables aux droits de mutation à titre gratuit à compter du 1er
janvier 2011.
87 Cf Annexe 11 : Tarifs des droits de mutation à titre gratuit applicables à compter du 1er janvier 2011.
88 Cf Annexe 11, dernier tableau.
89 Rép. Loos : AN 29-1-2001 p. 635
90 C’est en effet dans ce sens qu’a été rendu l’arrêt de la Chambre Mixte de la Cour de Cassation du 21
décembre 2007 qui dispose à la fin de son attendu de principe que « … a pu en déduire, en l’absence d’aléa
dans les dispositions prises, le caractère illusoire de la faculté de rachat et l’existence chez l’intéressé d’une
volonté actuelle et irrévocable de se dépouiller ; qu’elle a exactement décidé que l’opération était assujettie aux
droits de mutation à titre gratuit ».

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