Les pluies intenses dans le nord de l’Europe, les sécheresses estivales en Méditerranée ou aux Etats-Unis(15), l’intensification des cyclones et les inondations diluviennes sont autant de phénomènes constatés avec un degré de fréquence nouveau depuis ces quarante dernières années.(16) Ces événements sont l’incarnation du réchauffement climatique (A) qui leur confère une fréquence et des conséquences pécuniaires jusqu’alors inégalée (B).
A- La concrétisation des risques environnementaux naturels (tempêtes, ouragan….) Risques d’intensité et de fréquence
La recherche scientifique, avec en tête, le GIEC(17), le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement et l’Agence Européenne pour l’environnement, tend à démonter de manière statistique une hausse inexorable du nombre d’évènements dommageables d’origine naturelle. Les études météorologiques montrent un bouleversement de l’environnement : la Terre se réchauffe et le niveau des mers augmente.
A partir de données atmosphériques prises et mesurées sur une période donnée, le climat s’inscrit dans l’espace comme les caractères des différents milieux environnementaux et non simplement comme des aléas météorologiques, qui pourraient être des écarts manifestes par rapport aux conditions climatiques habituelles du temps, plus ou moins réglé en saison. Les risques climatiques sont délimités et propres à une échelle spatio-temporelle : le risque climatique est géographique, il est typique d’une zone délimitée. Il est également quantitatif, le risque climatique est clairement lié aux pertes et dommages encourus et subis. La temporalité de l’étude du risque climatique dite normale (18) couvre a minima une période trentenaire, qui est le critère de durée retenu pour les mesures et modélisations statistiques dans l’étude des climats, en ce y compris les aléas, écarts et autres accidents dont la survenance est probable sur cette longue période.
La prise en compte de séries de données météorologiques longues a été recommandée historiquement en France par le Père Louis(19) dès 1774. Cette étude était censée améliorer la modélisation numérique des climats futurs et de leur aléa. A titre d’exemple, entre 1970 et 2013, les observations effectuées sur tous les continents et dans la majeure partie des océans démontrent qu’une multitude de systèmes naturels sont touchés par les changements climatiques régionaux.
Aussi, le réchauffement du climat est un axiome basé sur des constations manifestes de l’élévation des températures moyennes atmosphériques et océaniques mais également de la fonte des neiges et de la glace qui génèrent l’élévation du niveau de la mer. Il est prouvé, selon la même méthodologie, que la hausse des températures concerne l’intégralité des zones géographiques du globe, toutefois cette dernière est plus sensible au niveau de l’hémisphère Nord. Les terres émergées se sont réchauffées plus rapidement que les océans : la température s’est élevée en moyenne de 0.74° C entre 1906 et 2005.(20) Le niveau des mers s’est élevé de 1 ,8 mm par an, depuis 1961 et cette tendance s’est accélérée depuis 1993, car l’augmentation annuelle moyenne est de 3,1 mm en raison de la fonte des glaces(21). Le tableau de variations de températures issu de la synthèse du Rapport 2007 du GIEC témoigne de ces variations de températures et de leurs conséquences sur le niveau de la mer et l’enneigement dans l’hémisphère Nord.
D’après le même rapport, la géographie de la hausse des températures se répartira comme suit :
Selon les experts du GIEC, les changements climatiques ont une incidence directe « avec un degré de confiance très élevé » sur le caractère « hâtif des phénomènes printaniers et la migration d’espèces animales et végétales vers les pôles et les hauteurs ». De plus, et avec un degré de confiance moyen, les mutations du climat ont d’autres effets sur les milieux naturels et l’environnement humain. La hausse des températures est expressément visée en l’espèce et plus particulièrement quant à ses conséquences sur des aspects sanitaires(22) les pratiques agricoles et sylvicoles(23). Il est mis en évidence que le changement de fréquence et d’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, conjugué à l’élévation du niveau des mers devraient surtout avoir des effets néfastes sur les systèmes naturels et humains, tels que présentés dans le tableau suivant, également issu de la synthèse du rapport 2007 du GIEC présenté en annexe 1.
De plus, il est constaté une augmentation des événements climatiques violents survenus entre 1970 et aujourd’hui au niveau mondial(24).
A l’échelle européenne, l’European Environnement Agency(25), précise que les événements météorologiques d’intensité anormale ce sont accrus entre 1980 et 2011 au sein de l’Espace Economique Européen.
Les changements idoines à la mutation de l’environnement seraient, selon l’Agence, avant tout régionaux. Il est certain que les événements climatiques de faible intensité, comme les inondations verront leur fréquence augmenter à l’avenir, et en parallèle, les événements météorologiques extrêmes seront toujours plus intenses et plus fréquent même si cette fréquence reste relative et difficilement prévisible.
Si, de manière statistique, les tremblements de terre restent statistiquement atones, les événements naturels tels que les cyclones, tempêtes et ouragans se sont multipliés entre 1970 et 2013, ces derniers semblent plus que jamais difficilement prévisibles. La FFSA(26)indique qu’il « serait tout aussi imprudent de projeter l’évolution des aléas naturels sur les seules références du passé. Une rupture de tendance est plus que probable dans les prochaines années, même s’il est difficile d’en apprécier l’amplitude et l’échéance précise. »
La prévision de la survenance de ces événements naturels est délicate en raison de l’existence de nouveaux paramètres non maitrisés, tout comme la prévision de leurs coûts.
B- Les coûts des incidents naturels
En 2011, les coûts des dégâts résultant d’événements naturels d’intensité anormale se sont élevés à la somme de 110 milliards de dollars pour les seuls biens étant couverts par des garanties d’assurance. Toutefois, vu les dommages économiques extrêmement élevés et le faible taux de pénétration de l’assurance dans les zones sinistrées, la majeure partie du coût de ces dommages sera supporté par les particuliers, les entreprises et les pouvoirs publics locaux. De manière purement comptable, il est aisé de conclure que les conséquences financières des événements climatiques sont de plus en plus onéreuses. Sur l’exercice 2011, au moins 15 événements climatiques ont générés des dégâts estimés à un coût supérieur à 1 milliard de dollars(27), en 2012, ce chiffre est ramené à 9.
Les zones les plus touchées sont alternativement l’Amérique du nord comme en 2012 ou l’Asie comme en 2011, tel que le montre le tableau suivant :
A l’échelle de l’Espace Economique Européen, la répartition entre les pertes et les dommages assurés est progressive entre 1980 et 2011 :
22 des 40 sinistres les plus coûteux de la période 1970-2011 datent de moins d’une décennie comme en témoigne le tableau en annexe 2. Trois éléments peuvent expliquer les causes probables de l’augmentation des conséquences pécuniaires des catastrophes naturelles. Tout d’abord, les zones urbaines et côtières concentrent la majeure partie des biens, richesses et des populations à travers les différents pays du globe. Il est estimé qu’en 2025, 60% de la population mondiale vivra en zone côtière.(28)
Cette configuration géographique de répartition des personnes et des richesses induit une concentration des valeurs et notamment des valeurs assurées dans ces zones, qui sont vulnérables aux aléas climatiques. Les coûts augmentent avec la densité de population, et l’accroissement de richesses du à l’élévation du niveau de vie, a pour effet d’accroitre leur valeur idoine tout en restant géo-concentrées. A un fait générateur d’intensité identique, les dégâts économiques sont décuplés dans le temps pour ces raisons. Les politiques publiques d’urbanisation sont ainsi rétrospectivement mal maitrisées malgré quelques tentatives intéressantes, à l’image des plans de prévention des risques en France, qui seront développés par ailleurs.
En outre, le GIEC estime que « l’un des effets certains du changement climatique serait une augmentation probable d’intensité des cyclones tropicaux ». Ce point, complément du développement précédent, témoigne que pour une même typologie d’évènement, l’intensité est la variable qui détermine l’ampleur des dégâts causés aux biens et personnes. Un autre critère ne doit pas être occulté, il s’agit du facteur géo-psychologique. Par exemple, un typhon ou un cyclone sera vécu différemment en Asie du Sud-Est que dans un pays Occidental, il sera caractérisé comme relevant de la fatalité acceptable en Asie alors que ces conséquences notamment humaines seront intolérables aux yeux d’une population européenne ou nord-américaine. Aussi, parmi les besoins principaux figurent, au premier rang, l’exigence de sécurité des biens et des personnes qui s’intensifie en cas de sinistre liés aux accidents climatiques et déjà survenus. Ces besoins s’analysent en fonction du rapport coût/bénéfice des couvertures assurantielles à souscrire.
Enfin, il convient de noter que les risques de nature climatique ne sont pas soumis aux mêmes normes en matière de prévention des risques de nature industrielle. Il est très difficile de prendre les mesures adéquates quant à l’occurrence d’un événement dont la prévision, tant en termes de survenance que d’intensité, est peu probable. Les pouvoirs publics mettent tout de même en oeuvre des politiques de management des risques climatiques en raison d’une demande croissante des populations. La prévention des risques climatique est une « affaire de territoire(29) ».En la matière, le Japon fait figure d’exemple pour la prise en considération du risque sismique. Les décès survenus en raison de séisme de magnitude 9.0 sur l’échelle ouverte de Richter(30) ont été comptabilisés à environ 19 000. Le Japon a développé une politique de prévention du risque sismique. A titre de comparatif, le séisme de 2010, en Haïti, Etat moins préparé sur ce risque, avait causé le décès de quelques 220 000 personnes. La prévention des risques permet effectivement d’impacter les dégâts et plus précisément en l’occurrence le bilan humain des événements naturels d’intensité anormale.
Si les pertes assurées sont très importantes, elles sont éloignées des pertes totales directes et indirectes. Les pertes économiques sont bien supérieures aux montants assurés. Avec l’augmentation des risques, les assureurs pourraient ne plus être disponibles ou devenir inabordables dans les zones où les richesses seraient considérées comme trop exposées. Il en résulterait un poids économique d’autant plus lourd à la charge des Etats(31). Les pertes générées par les événements d’origine climatique représentent la majeure partie des pertes dues aux risques catastrophiques. Le GIEC évalue à 20 milliards de dollars l’augmentation de la charge de sinistres, donc de pertes assurées, sur les vingt prochaines années. En revanche, les sinistres inhérents aux activités humaines et économiques sont moindres et tendent à diminuer, même si les activités humaines ont une influence démontrée sur le climat et son réchauffement (section 2).
15 Chronique de Jean-Pierre Daniel, la Tribune de l’Assurance novembre 2012 N° 174.
16 4ème Rapport d’évaluation du climat ; GIEC en date de 2007.
17 Groupement d’experts Intergouvernementaux sur l’Evolution du Climat : créé en 1988 par l’organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement aux fins « d’évaluer sans parti pris et de façon méthodique les informations scientifiques, techniques et socio-économiques afin de mieux cerner les risques liés au changement climatique notamment d’origine humaine » et ses conséquences diverses. 192 pays sont à ce jour représentés à l’assemblée du GIEC.
18 Selon Denis Lamarre, Climatologue français.
19 Le Climat : une pure affaire statistique, R. Sadoury.
20 Synthèse du Rapport 2007 GIEC.
21 Effet de la dilatation thermique, de la fonte des glaciers et calottes glaciaires et des nappes glaciaires et polaires.
22 Taux de mortalité en Europe accru en 2003 en raison d’un épisode caniculaire.
23 Plantations plus précoces au printemps et multiplication des incendies de forêts au sein de l’hémisphère nord en raison des vagues de chaleur répétées.
24 Source : Rapport Sigma 2/2013, Swiss Ré
25 Report Climate change, impacts and vulnerability in Europe de décembre 2012
26 Fédération Française des Sociétés d’Assurance
27 Rapport Sigma de Swiss Ré, 2/2012.
28 La chronique internationale de Jean-Pierre Daniel, la Tribune de l’Assurance
29 « Le Climat : pure affaire de statistique » R. Sadoury.
30 Soit la magnitude la plus élevée jamais enregistrée
31 Doctrine du public trust, selon laquelle l’Etat est le Trustee de certaines ressources naturelles qu’il doit conserver et gérer au sein du service public en général.