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Section 1 : Le but de la souscription

La souscription d’un contrat d’assurance sur la vie peut être motivée par différents
objectifs. En effet, un souscripteur peut conclure un contrat d’assurance vie dans le but de se
constituer une épargne mais également dans un but de prévoyance ou encore dans le but de
s’assurer un revenu complémentaire au moment de sa retraite. Ces objectifs de souscription
d’un contrat d’assurance vie ont évolué avec l’évolution des contrats d’assurance vie euxmêmes
et notamment avec l’apparition des produits dits modernes, c’est-à-dire les contrats
d’assurance sur la vie comportant une contre assurance en cas de décès. A l’origine, les
contrats d’assurance vie étaient des produits de pure prévoyance.

Par la suite, l’objectif de souscrire un contrat d’assurance vie pour réaliser une épargne s’est développé.
Dans la continuité de cette optique d’épargne et de placement, les contrats de capitalisation
n’impliquant pas la présence d’une tête assurée sont apparus. Puis, alliant ces deux
optiques de prévoyance et capitalisation, les produits modernes sont apparus et du fait de leur
particularisme, la question s’est posée de savoir s’ils constituaient toujours des contrats
d’assurance vie(57).

Traditionnellement, l’assurance vie était une institution de prévoyance c’est-à-dire une
opération qui garantit une personne contre les risques consécutifs à la mort. Un contrat de
prévoyance pure est un contrat d’assurance vie qui permet, en contrepartie du versement de
primes par le souscripteur à l’assureur, la couverture d’un risque. Dans la majorité des cas, le
contrat de prévoyance couvre un risque de décès de la personne assurée. Plus précisément,
l’objectif de ces contrats de prévoyance est de garantir ses proches contre le risque de décès
du souscripteur/assuré et leur assurer, après la mort du souscripteur, des moyens de
subsistance en les faisant bénéficier d’un capital ou de revenus. Le contrat de prévoyance pure
existe sous deux formes. Tout d’abord, le contrat d’assurance vie dans lequel l’assureur
s’engage à verser un capital à la survenance du terme si l’assuré est toujours vivant.

Si l’assuré est décédé avant le terme, l’assureur conserve la prime et n’est obligé au paiement
d’aucun capital. Le contrat d’épargne retraite et l’ensemble des différents contrats de risque
dépendance sont organisés de cette façon. Le contrat de prévoyance pure peut également
prendre la forme d’un contrat d’assurance décès dans lequel l’assureur s’engage, cette fois, à
verser un capital à un tiers bénéficiaire à la survenance du décès de l’assuré dans l’hypothèse
où ce décès surviendrait avant le terme prévu de la couverture du risque. A défaut du décès de
la personne assurée pendant la période de la couverture du risque, l’assureur conserve les
primes versées et n’est obligé au paiement d’aucun capital.

A l’origine, l’assurance vie était un acte de prévoyance mais ce n’est désormais plus
toujours. En effet, l’optique de souscrire un contrat d’assurance vie afin de réaliser une
épargne s’est développée et un contrat d’assurance vie peut désormais être souscrit alors
l’optique qui s’en dégage est essentiellement celle d’un acte de capitalisation c’est-à-dire la
volonté de réaliser un placement. A la différence d’un contrat d’assurance vie, un contrat de
capitalisation implique le placement d’une somme d’argent à travers le contrat passé avec
l’assureur mais ces contrats n’impliquent pas la notion de « tête assurée » ni de tiers
bénéficiaire pouvant recevoir ce contrat.

Outre le fait que les types de contrats d’assurance vie souscrits peuvent différer au
regard simplement du type de contrat choisi, un même contrat d’assurance vie en cas de décès
peut être souscrit en vu de buts différents. En effet, la souscription d’un contrat d’assurance
vie peut être faite dans une optique de prévoyance mais également dans une optique
d’épargne.

On s’intéresse ici tout particulièrement à l’intention dans laquelle le souscripteur a
conclu son contrat d’assurance avec l’assureur. Cette intention peut être simplement celle de
souscrire un contrat d’assurance vie, mais de manière plus ambigüe et plus subtile, la
souscription d’un tel contrat peut avoir été faite dans le but de transmettre son patrimoine à
des personnes que l’on désire gratifier et dans ce cas, la question de la réalisation d’une
donation indirecte vient alors à se poser. Plus précisément, l’interrogation vient à être
formulée de savoir si, le but dans lequel aura été souscrit un contrat d’assurance vie en cas de
décès à titre gratuit, peut être déterminant de la qualification de l’opération. Si on est
légitimement amené à se poser cette question, la réponse à cette question semble résider dans
la nature même de ce contrat d’assurance vie et plus précisément dans l’optique qui anime
tout souscripteur d’un tel contrat.

En effet, lorsque l’on décide de souscrire un contrat d’assurance vie en cas de décès à
titre gratuit au profit d’un tiers bénéficiaire, on a l’intention d’assurer le risque constitué par la
survenance de notre mort. En souscrivant un tel contrat, on a donc également l’intention de
désigner un tiers bénéficiaire qui recevra, sous réserve de son acceptation, le capital décès au
dénouement du contrat c’est-à-dire au moment de notre décès. Puisque la souscription d’un tel
contrat implique systématiquement la désignation par le souscripteur d’un tiers bénéficiaire
qui recevra le capital décès, tout souscripteur concluant ce type de contrat peut réaliser une
donation indirecte au profit du tiers bénéficiaire, désigné et acceptant, par l’intermédiaire de
ce contrat.

Selon nous, que ce contrat soit souscrit dans une optique de prévoyance ou
d’épargne importe peu puisqu’un tel contrat implique nécessairement l’existence d’une
stipulation pour autrui ; dès lors, lorsque les critères de qualification de donation indirecte
exigés par la jurisprudence sont remplis, un tel contrat peut réaliser une donation indirecte.

En effet, que l’on agisse dans l’objectif de mettre à l’abri nos proches des conséquences
financières que pourraient avoir pour eux notre décès ou bien que l’on agisse dans l’objectif
de créer une épargne dont on prévoit qu’elle revienne à notre décès à une personne déterminée
n’influence pas la possible qualification de l’attribution bénéficiaire du contrat d’assurance
vie en donation indirecte. La qualification d’assurance reste possible dans les deux cas, sans
être favorisée dans l’un ou dans l’autre de ces cas.

Quelque soit donc l’optique, le but (de prévoyance ou d’épargne) ayant animé la
souscription de ce contrat d’assurance vie, la résultante en est que la souscription d’un tel
contrat implique la volonté, peut être même inconsciente, mais réelle du souscripteur de
disposer au profit du tiers bénéficiaire. Cette disposition constituant en l’attribution du capital
pourra réaliser une donation indirecte lorsque la jurisprudence admettra cette qualification.

57 Par quatre arrêts en date du 23 novembre 2004, la chambre mixte de la Cour de Cassation pose
expressément la question de la qualification des « assurances placements ». Plus précisément, il s’agissait de
savoir si les « contrats d’assurance placement » pouvaient toujours continuer à être considérer comme des
contrats d’assurance vie alors que toute notion d’aléa semblait faire défaut ou devaient-ils être qualifier de
contrats de capitalisation ? L’enjeu résidait dans l’application du régime juridique avantageux des assurances
vie par comparaison au régime juridique de droit commun applicable au contrat de placement. La Cour de
Cassation déclare que ces « contrats d’assurance placement » sont des contrats d’assurance vie car ils
dépendent de la durée de la vie humaine et comportent un aléa.

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